Lymphome multicentrique associé à un lymphome digestif secondaire chez un chien - La Semaine Vétérinaire n° 1481 du 03/02/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1481 du 03/02/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : JEAN-CHARLES VANIER

POINTS FORTS

– Le lymphome ganglionnaire est le plus fréquent des lymphomes.

– Les chiens de grande race y sont prédisposés.

– Le signe d’appel est une polyadénomégalie bilatérale et symétrique des ganglions superficiels, avec un gradient décroissant de l’avant vers l’arrière. Il est conseillé de rechercher les localisations profondes.

– La radiographie thoracique révèle des anomalies dans 60 à 75 % des cas.

– Le diagnostic repose sur des cytoponctions ganglionnaires. L’histologie les complète pour connaître le grade et le sous-type.

– Les hauts grades répondent bien à la polychimiothérapie.

CAS CLINIQUE

Commémoratifs et anamnèse

Un cairn terrier mâle de 6 ans est présenté en consultation en raison d’une difficulté respiratoire apparue brusquement 5 jours auparavant et d’une dysorexie depuis 2 jours. Des épisodes de polypnée non liés à l’effort sont notés et l’animal présente de l’abattement. 1 mois auparavant, une rectite lymphoïde chronique a été diagnostiquée (des prolapsus rectaux récurrents ont motivé la réalisation de biopsies). Celle-ci a partiellement rétrocédé avec de la prednisolone et une alimentation hyperdigestible.

Examen clinique

Le chien est abattu et sa température rectale s’élève à 39,4 °C. Une adénomégalie décroissante bilatérale des ganglions rétro-pharyngés, préscapulaires et poplités est notée. Les hypothèses diagnostiques sont une adénomégalie tumorale (lymphome, leucémie, histiocytose maligne, myélome, mastocytome systémique, métastases d’adénocarcinome, de sarcome, de mastocytome, de mélanome) ou une adénomégalie réactionnelle (leishmaniose, ehrlichiose, lupus érythémateux, etc.).

Examens complémentaires

→ L’analyse cytologique (à partir de cytoponctions ganglionnaires) conclut à un lymphome B de haut grade de malignité, de type centroblastique polymorphe.

→ Les radiographies thoraciques ne montrent pas d’anomalies.

→ La numération-formule révèle une leucocytose lymphocytaire et monocytaire, ainsi qu’une discrète thrombopénie.

→ L’échographie abdominale est en faveur d’une infiltration lymphomateuse de la rate, du foie et du rein gauche.

Diagnostic

L’animal présente un lymphome B de haut grade de malignité de type centroblastique polymorphe, probablement associé à une infiltration hépatique, splénique et rénale (lymphome de stade IV).

Traitement

Une polychimiothérapie est initiée 10 jours après l’admission (protocole de Cotter modifié-Copa, voir tableau). Une numération-formule est effectuée avant chaque séance. Un bilan biochimique est réalisé aux semaines 4 et 5, ce qui révèle une induction des enzymes hépatiques, probablement par la cortisone.

Suivi

Une neutropénie, probablement induite par le cyclophosphamide, est observée à la semaine 3. Le chien est perfusé (Ringer lactate) pendant 48 heures. Un traitement amoxicilline-acide clavulanique (12,5 mg/kg, 2 fois/j, pendant 10 jours) est mis en place. La séance de chimiothérapie est tout de même réalisée.

À partir de la semaine 4, une alopécie généralisée est notée jusqu’à la semaine 12 (après, les poils repoussent, mais assombris).

Les séances suivantes sont bien supportées. Quelques épisodes de vomissements sont rapportés, gérés avec un traitement symptomatique (maropitant, sucralfate). À la semaine 17, le chien présente une récidive de prolapsus de la muqueuse anale. Une coloscopie est pratiquée, associée à une échographie abdominale. Cette dernière révèle une adénomégalie iliaque et colorectale. La coloscopie met toujours en évidence l’hyperplasie lymphoïde rectale, mais sans images suspectes (attestées à la chromo-endoscopie). Les biopsies rectales confirment l’hyperplasie lymphoïde profonde qui touche la sous-muqueuse, compatible avec une zone de prolifération lymphomateuse. Un traitement local à base de prednisolone (Deliproct(r)) est prescrit.

Malgré un bon état général, à partir de la semaine 17, un échappement au traitement est observé, associé à une leucocytose progressive. Une autre ponction ganglionnaire et une réinitialisation de la chimiothérapie sont proposées, mais refusées par la propriétaire de l’animal. Le chien meurt à la semaine 38.

DISCUSSION

Épidémiologie du lymphome

Le lymphome malin représente 83 % des hémopathies malignes. C’est la 3e tumeur la plus fréquente après les tumeurs mammaires et cutanées chez le chien. L’âge moyen est de 7 ans, toutefois tous les âges sont concernés. Les grandes races semblent prédisposées (boxer, setter, retrievers, berger allemand, airedale, rottweiler).

Formes et symptômes

Plusieurs formes de lymphome existent. Dans ce cas, il s’agit d’un lymphome ganglionnaire (ou multicentrique), le plus fréquent (80 %), associé à un lymphome digestif secondaire. D’autres lymphomes existent : médiastinal (5 %), cutané, oculaire, testiculaire, rénal, etc. Le signe d’appel est une polyadénomégalie bilatérale et symétrique des ganglions superficiels avec un gradient décroissant de l’avant vers l’arrière. Il est conseillé de rechercher les localisations profondes, telles que les amygdales. Les autres signes sont non spécifiques (asthénie, anorexie, hyperthermie). Si une infiltration digestive est associée, des symptômes tels qu’un ténesme, de la diarrhée ou des vomissements apparaissent. De la dyspnée est parfois présente lors d’atteinte thoracique. Le lymphome digestif (moins répandu, 7 %) peut être primitif et affecte alors surtout l’intestin grêle, même si toutes les portions du tube digestif sont susceptibles d’être concernées. Dans le cas présenté ici, il est probablement secondaire.

Examens complémentaires

La radiographie thoracique révèle, dans 60 à 75 % des cas, des anomalies (adénopathie dans 60 % des cas et infiltration pulmonaire dans 30 % des cas).

La numération-formule révèle dans 40 % des cas une thrombopénie modérée (origine auto-immune, coagulation intravasculaire disséminée, séquestration par la rate ou infiltration de la moelle osseuse). Dans 32 % des cas, une neutrophilie, qui accompagne la maladie inflammatoire chronique, est notée. Une anémie est présente dans 40 % des cas (médiation immune, infiltration de la moelle osseuse, maladie inflammatoire chronique).

Une hypercalcémie est présente dans 30 % des cas (en particulier lors de lymphomes médiastinaux de type T).

Une électrophorèse des protéines se révèle parfois utile pour mettre en évidence une gammapathie monoclonale (syndrome d’hyperviscosité).

Diagnostic

Le diagnostic repose sur des cytoponctions ganglionnaires. Il est rare d’avoir recours à des biopsies, bien que l’histologie apporte des notions structurales que la cytologie ne fournit pas. La cytologie et l’histopathologie, complémentaires, permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un lymphome malin et de déterminer le grade, ainsi que le sous-type. Au sein des lymphomes B (65 % des cas), un haut grade (70 %) est souvent rencontré. Leur sous-type morphologique est centroblastique polymorphe dans 60 % des cas.

Pronostic et traitement

Le pronostic dépend du grade histologique, du sous-type et du stade clinique. Les hauts grades répondent bien à la polychimiothérapie (survie jusqu’à 17 mois). Différents protocoles existent. Une rémission complète est notée dans 60 à 90 % des cas. Une myélotoxicité avec cytopénies sanguines peut être observée avec la vincristine, mais surtout avec le cyclophosphamide. Une numération-formule est donc essentielle avant chaque séance mais aussi, contrairement à notre protocole, à 7 jours (nadir). Si les leucocytes sont inférieurs à 3 500.109/l, il est conseillé de reporter la séance à 7 jours. Dans ce cas, un traitement antibiotique est instauré pour prévenir une septicémie. La vincristine et le cyclophosphamide présentent une action synergique (10 heures de séparation nécessaires) et une toxicité digestive, souvent bien contrôlées par un traitement symptomatique. Le cyclophosphamide peut entraîner une cystite aseptique. Le traitement est alors à interrompre. Une attention particulière est indispensable le 1er mois d’induction afin d’éviter le syndrome de la lyse tumorale aiguë (avec la vincristine et la L-asparaginase) associé à des perturbations métaboliques graves. Ce syndrome est d’autant plus probable que la masse tumorale est grande. Il survient 24 à 48 heures après une séance.

  • 1. M.Pastor, « Caractéristiques épidémiologiques des lymphomes malins du chien », thèse de doctorat, 2002.

  • 2.Susan N. Ettinger, « Principles of treatment for canine Lymphoma », Clinical Techniques in Small Animal Practice, vol 18, n° 2 (mai), 2003, pp 92-97.

  • 3. JP Magnol, Th Marchal, « Cancérologie clinique du chien », Les hémopathies malignes II : lymphomes malins ; 55 : 69.

  • 4 R W Nelson, C G Couto, « Small Animal Internal Medicine », Lymphoma in the cat and dog ; chapter 82, 1122 : 1131.

  • 5. M-P Poudrai, « Comment traiter les différentes formes de lymphome chez le chien », Le Nouveau Praticien vétérinaire, vol . 9, n° 42, septembre 2009.

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