FORMATION
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : ISABELLE GOY-THOLLOT*, JUAN HERNANDEZ**, LAURENT MASSON***
Fonctions :
*responsable du Siamu, VetAgro Sup.
**diplomate Acvim, praticien au CHV Frégis, Arcueil (Val-de-Marne). Article rédigé d’après un TDI présenté au congrès de l’Afvac 2011.
– L’ionogramme permet notamment de diagnostiquer les troubles de la natrémie et de la kaliémie.
– Une hyperkaliémie est rencontrée lors de déficit d’excrétion rénale, de maladie d’Addison, d’acidose métabolique ou, plus rarement, lors de prise d’IECA ou de spironolactone. Sa correction nécessite, dans un premier temps, une fluidothérapie, la restauration de la diurèse et, parfois, l’emploi de furosémide, de bicarbonates, de glucose et/ou d’insuline.
– L’hypokaliémie est particulièrement à surveiller à la suite d’une levée d’obstruction urétrale. La correction varie selon la valeur de départ de la kaliémie.
L’intérêt des analyseurs biochimiques en clientèle n’est pas contesté par les praticiens. Cependant, l’investissement que représente l’achat d’un analyseur pour ionogramme est plus souvent discuté. Cette analyse permet de connaître les concentrations sériques de différents ions et le pH sanguin. Nos confrères Juan Hernandez et Isabelle Goy-Thollot ont rappelé les intérêts de cette analyse, en particulier dans le contexte d’urgences et d’hospitalisation, à travers des cas cliniques, lors du dernier congrès de l’Afvac à Lyon.
Le sodium, ion principal du liquide extracellulaire, conditionne la pression osmotique et les mouvements d’eau entre les différents secteurs de l’organisme (intra et extracellulaire) : Posm = 2 x natrémie + glycémie + urémie (mmol/l).
Ainsi, une hypo-osmolarité est toujours liée à une hyponatrémie.
Ses concentrations physiologiques sont comprises entre 140 et 151 mEq/l chez le chien et 145 et 155 mEq/l chez le chat.
→ L’hypernatrémie peut être rencontrée lors d’apport en sodium trop important (iatrogénique, ingestion de sel ou d’eau de mer) et d’excès d’activité minéralocorticoïde, ou en cas de perte d’eau pure (pertes rénales ou extrarénales lors de diarrhée ou de création d’un 3e compartiment). Plus rarement, un animal qui souffre d’un diabète insipide et privé d’accès à l’eau développe rapidement une hypernatrémie susceptible d’être fatale.
→ L’hypernatrémie conduit à une hypertonicité plasmatique (avec déshydratation intracellulaire) et à des signes essentiellement nerveux.
→ Le traitement consiste à corriger l’hypovolémie par une fluidothérapie intraveineuse à l’aide de NaCl à 0,9 %, du Ringer Lactate, voire du NaCl hypertonique. L’objectif est de faire baisser la natrémie de 0,5 mEq/l/h si l’hypernatrémie est d’installation lente, et de 2 mEq/l/h au maximum lors d’installation rapide.
Pour calculer la quantité de soluté à perfuser en millilitres, Isabelle Goy-Thollot utilise la formule suivante : (b x 1000) / X.
b = 2, 1 ou 0,5 selon la cinétique souhaitée de baisse de la natrémie ; X = [Na+]soluté – [Na+]patient / (poids de l’animal x 0,6 + 1).
Une réévaluation régulière de la natrémie (toutes les heures au mieux) est nécessaire pour adapter la quantité et le choix du soluté à administrer.
→ L’hyponatrémie peut être rencontrée lors de déficit en minéralocorticoïdes (maladie d’Addison), de pertes digestives importantes, de 3e secteur, d’intoxication à l’eau ou, exceptionnellement, lors de sécrétion inappropriée d’ADH1 (lésion hypophysaire).
→ L’hyponatrémie sévère, rare, se traduit par des signes essentiellement nerveux, avec un risque d’œdème cérébral. Des fausses hyponatrémies sont susceptibles d’être observées lors d’hyperlipidémie, d’hyperprotéinémie ou d’hyperglycémie.
→ Le traitement consiste surtout à restaurer la volémie. L’apport en sodium ne dépasse pas 0,5 mEq/l/h, car une correction rapide est plus dangereuse que l’hyponatrémie elle-même.
La chlorémie est surtout intéressante en association avec la gazométrie. Selon Isabelle Goy-Thollot, le praticien doit retenir que le chlore se comporte généralement comme le sodium.
Le potassium est le 2e ion important du ionogramme. L’équilibre potassique fait appel :
→ à l’apport alimentaire ;
→ aux transferts immédiats entre secteurs intra et extracellulaires ;
→ à l’élimination rénale.
Sa norme est comprise entre 3,7 et 5,8 mEq/l chez le chien et 4 et 4,5 mEq/l chez le chat.
→ Une hyperkaliémie est rencontrée lors de déficit d’excrétion rénale (obstruction urinaire, rupture des voies urinaires, insuffisance rénale anurique ou oligurique), lors de maladie d’Addison, ou de prise d’IECA2 ou de spironolactone susceptibles d’inhiber la production d’aldostérone. « Lorsque l’hyperkaliémie touche un jeune animal et est associée à une hypoglycémie, une éosinophilie et une lymphocytose, il conviendra de privilégier une maladie d’Addison », précise Juan Hernandez, qui mentionne aussi une particularité rencontrée chez l’akita inu. Chez cette race, il est possible d’observer une pseudo-hyperkaliémie consécutive à une hémolyse, même minime, dans le prélèvement sanguin. Elle n’a pas de conséquence clinique.
→ L’hyperkaliémie est qualifiée respectivement de sévère, modérée ou moyenne lorsqu’elle est supérieure à 8 mEq/l, comprise entre 6 et 8 mEq/l ou inférieure à 6 mEq/l.
→ Les signes cliniques, cardiaques en particulier, ne sont pas toujours corrélés à l’importance de l’hyperkaliémie. Notre confrère recommande de réaliser systématiquement un monitorage ECG, pour rechercher une augmentation de l’onde T, une bradycardie, un allongement de l’intervalle PR, un complexe QRS large, voire des troubles du rythme ventriculaires.
→ La correction d’une hyperkaliémie requiert une fluidothérapie à base de NaCl 0,9 % et la restauration de la diurèse (sondage urinaire lors d’obstruction urinaire, par exemple). Lors d’hyperkaliémie rebelle, il convient de faire appel :
– au bicarbonate de sodium (0,5 à 1 mEq/kg), qui séquestre le potassium dans le secteur intracellulaire. Idéalement, son utilisation est réservée aux situations (fréquentes) où une acidémie est présente ;
– à l’association insuline-glucose pour entraîner un retour intracellulaire du potassium : 0,25 à 0,5 UI/kg d’Actrapid(r) et 2 g de glucose/UI d’insuline ;
– au gluconate de calcium 10 % (0,5 à 1 mg/kg) pour contrer les effets arythmogènes de l’hyperkaliémie.
→ À l’inverse, il convient de se méfier du risque d’hypokaliémie lors d’anorexie chez le chat, de diarrhée, d’insulinothérapie et, surtout, lors de polyurie de levée d’obstacle. Les signes cliniques sont une fatigue, une douleur, des crampes ou un iléus paralytique. La correction varie selon la valeur de départ de la kaliémie.
→ L’hyperaldostéronisme est une autre cause d’hypokaliémie, rencontrée lors d’épanchement, d’insuffisance cardiaque, hépatique, ou de tumeur primaire corticosurrénalienne. Le traitement fait appel à la spironolactone et au sirop de gluconate de potassium (2 à 6 ml/chat/j).
Enfin, l’ionogramme peut être une aide précieuse dans le diagnostic différentiel de polyuro-polydipsie, lorsque toutes les causes métaboliques sont écartées et lorsqu’il existe une hésitation entre un diabète insipide ou une potomanie. Dans le 1er cas, une tendance à l’hyperosmolarité est plus souvent constatée, tandis que dans le second l’osmolarité est plutôt normale à basse.
Un chat en décubitus latéral, hypotherme et anurique, est présenté en urgence. Les examens sanguins révèlent une insuffisance rénale postrénale, une hyperkaliémie (12 mEq/l) et une acidémie sanguine (pH = 7,5).
Quels sont les premiers gestes à réaliser ? Faut-il sonder le chat ? Isabelle Goy-Thollot conseille d’oxygéner, de réchauffer, de rétablir la volémie, de traiter la douleur et l’hyperkaliémie, puis seulement de lever l’obstacle et, enfin, de traiter l’acidose.
→ T0 : gluconate de calcium (1 mg/kg en intraveineuse lente sur 30 minutes). Notre consœur le préconise systématiquement lors de kaliémie supérieure à 6 mEq/l, y compris en l’absence d’anomalie sur l’ECG ; l’injection n’est pas renouvelable en raison du risque d’hypercalcémie.
→ T0 + 5 minutes : butorphanol (0,3 mg/kg en intraveineuse), midazolam (0,3 mg/kg en intraveineuse) et alfaxalone (1 mg/kg en intraveineuse).
→ T0 + 20 minutes : bolus de Ringer Lactate (20 ml/kg en intraveineuse) sur 10 minutes.
→ Puis sondage et perfusion de Ringer Lactate à 10 mg/kg puis 5 ml/kg, puis 2 ml/kg/h.
Un nouveau bilan est réalisé : la kaliémie reste élevée, autour de 9 mEq/l. La perméabilité de la sonde est vérifiée (non bouchée). Que faire ? Utiliser des bicarbonates ou de l’insuline et du glucose ? Un bolus de bicarbonates (1 mg/kg en intraveineuse) est privilégié. Le soluté glucosé à 5 % est également administré, mais sans Actrapid(r).
L’ionogramme montre enfin (T0 + 2 heures et 30 minutes) des signes encourageants, avec une natrémie de 163 mEq/l, une kaliémie de 7,7 mEq/l, une chlorémie de 122 mEq/l et un pH de 7,25.
Ensuite, la diurèse et la température sont à vérifier régulièrement. La kaliémie est à surveiller pour rechercher une hypokaliémie de levée d’obstacle.
Le retrait de la sonde s’effectue lorsque le bilan sanguin est bon (la plupart du temps au bout de 48 heures), en surveillant la diurèse pendant la journée suivante.
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