OABA : plus d’un demi-siècle au service des animaux de rente - La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012

Dossier

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

« Si l’OABA n’existait pas, comment les pratiques auraient-elles évolué dans les abattoirs ? », s’interroge Jean-Pierre Kieffer, président de cette association créée en 1961 pour améliorer les conditions d’abattage, en imposant l’insensibilisation des animaux avant leur mise à mort. Les activités retracées lors de la dernière assemblée générale témoignent de toutes les dérives qui, sans elle, ne rencontreraient pas d’opposition.

À l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), le dossier de l’abattage rituel a nourri l’actualité durant plusieurs semaines, ainsi que l’a montré la dernière assemblée générale de l’œuvre le 31 mars dernier. L’association a répondu à une interview à propos de l’abattage rituel publiée dans le numéro de février du magazine Que Choisir. Elle est également intervenue dans le documentaire intitulé « La viande dans tous ses états ». Diffusé le 16 février dernier sur France 2, dans l’émission Envoyé spécial, à une heure de grande écoute, ce reportage a suscité des réactions politiques, suivies d’une couverture médiatique considérable dans une période préélectorale. « La médiatisation de cette dérive de l’abattage rituel a permis de révéler certaines pratiques ignorées des consommateurs », explique Frédéric Freund, directeur de l’OABA.

Des questions ont également été posées par l’OABA via un communiqué de presse qui faisait écho à un rapport confidentiel de novembre 2011, rédigé par le CGAAER1. Ce texte précise que « l’abattage rituel induit, du fait de la jugulation et du temps de latence avant l’inconscience, l’hypothèse proba­ble d’une souffrance animale plus importante que l’abattage conventionnel ». Ce rapport du CGAAER affirme, au vu des chiffres de l’unité d’audit sanitaire, que le pourcentage de mises à mort rituelles dans les abattoirs atteint 51 %. Et de conclure : « Il existe bien une situation fragile où l’abattage rituel pourrait devenir la norme au lieu de rester une pratique dérogatoire. »

De son côté, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture a tenté de rassurer les consommateurs lors de ses diverses interventions médiatiques, assurant que l’abattage rituel ne concernerait que « 14 % de la viande abattue ». Néanmoins, ce chiffre correspond au tonnage de viandes halal et casher. « Ce n’est pas de la viande que l’on égorge, mais des animaux ! », souligne l’OABA.

Afin de répondre aux attentes des consommateurs, le ministre s’est montré favorable à l’étiquetage du mode d’abattage, alors qu’il s’y était toujours opposé, notamment lors des discussions européennes : « L’étiquetage présente des inconvénients pour la filière, mais les avantages, compte tenu des attentes du consommateur, sont plus forts que les inconvénients. » « Cette position rejoint celle affichée par la filière viande, commente Frédéric Freund. Notons que cette volonté de transparence ne se traduit, pour l’heure, ni dans les faits ni dans les textes, puisque le ministre a récemment précisé qu’il envisageait un étiquetage volontaire, donc non obligatoire… »

Par conséquent, l’OABA a mandaté son vice-président, Alain Monod, par ailleurs avocat au Conseil d’État, à la Cour de cassation et au Conseil constitutionnel, pour étudier la compatibilité des textes réglementaires qui encadrent l’abattage rituel, en particulier la dérogation à l’étourdissement des animaux lors de leur mise à mort, avec les principes d’égalité et de laïcité affirmés par notre Constitution.

LES ÉLEVAGES INTENSIFS DANS LE COLLIMATEUR

Les problématiques de bientraitance relatives aux animaux de rente sont nombreuses. Les cas dans les élevages en témoignent.

Les poules pondeuses

« La directive européenne adoptée en 1999 (n° 1999/ 74/CE) est entrée en vigueur au 1er janvier 2012, a rappelé le directeur de l’OABA. Elle impose d’accorder un peu plus d’espace aux poules pondeuses et d’aménager leurs cages, avec en particulier un perchoir, une litière et un nid ». Une partie de la production française n’était toujours pas aux normes à cette date. « Ces œufs, produits dans des conditions non conformes, ne peuvent plus être destinés à la consommation directe, mais se retrouvent comme ovoproduits dans les gâteaux ou les pâtes après une transformation par l’industrie agro-alimentaire. » L’OABA encourage les consommateurs à se tourner, de préférence, vers les systèmes respectueux du bien-être animal que sont les élevages alternatifs, en plein air ou “bio”, par exemple.

Les porcs

Plus de 90 % des porcs élevés en France le sont de manière intensive, constate l’OABA. « Enfermés dans des porcheries industrielles, avec très peu d’espace, sur des sols sans paille », les animaux sont privés « à la fois de confort et d’un matériau qui réponde à leur besoin de recherche alimentaire. La France autorise certains élevages non conformes à la législation européenne. L’OABA, Alsace Nature et la fondation Droit animal, éthique et sciences ont donc déposé une nouvelle plainte auprès de la Commission européenne concernant les violations régulières et systématiques de la directive 2008/120/CE relative aux normes minimales pour la protection des porcs. »

DES TEMPS DE TRANSPORT TOUJOURS TROP LONGS

Selon un rapport de la Commission européenne publié en novembre 2011, « d’importants problèmes de bien-être animal au cours du transport persistent » malgré l’entrée en vigueur, depuis 2007, du règlement européen n° 1/2005.

Ce texte n’est pas respecté en raison de sanctions insuffisantes et inefficaces, ainsi que d’un manque de contrôles. « En outre, ce règlement apparaît dépassé sur plusieurs points techniques. »

L’OABA a relayé une campagne intitulée « 8 heures : stop au transport des animaux sur de longues distances », destinée à mettre un terme aux longs voyages pour les animaux d’abattoirs. « Grâce au succès de cette pétition, une déclaration écrite “sur la fixation d’une durée maximale de 8 heures pour le transport, dans l’Union européenne, des animaux destinés à l’abattage” a été déposée au Parlement européen. » Ce document devait recueillir, avant le 15 mars dernier, la signature de 378 des 754 députés européens pour devenir une position officielle du Parlement de Strasbourg. « C’est chose faite, se réjouit Frédéric Freund, puisque cette déclaration écrite a été signée par 395 euro­députés, dont 24 Français sur un effectif de 74. » Par cette déclaration, le Parlement européen demande désormais à la Commission et au Conseil européens de réviser la réglementation qui encadre les transports d’animaux.

Par ailleurs, en octobre 2011, via un communiqué de presse, l’OABA dénonçait l’export de bovins vivants vers les pays du pourtour méditerranéen. « La Fédération nationale bovine et le ministre français de l’Agriculture se sont félicités de la relance de la filière grâce à l’export. Or, ce sont bien des animaux vivants qui sont exportés et non des carcasses, s’insurge Frédéric Freund. Nous sommes loin des 8 heures visées dans la déclaration du Parlement européen puisque, si nous additionnons les temps de parcours en camion puis en bateau, nous arrivons à 8 jours ! Un véritable scandale, d’autant qu’après leur long périple, ces bovins sont égorgés dans des “abattoirs” où les règles européennes de protection des animaux ne s’appliquent pas, et pour cause : les pays du Maghreb et la Turquie ne font pas partie de l’Union européenne, poursuit le directeur de l’OABA. C’est un dossier pénible et économiquement aberrant. Nous exportons, donc nous devons aussi importer ! Nos hommes politiques nous parlent de made in France alors que nous mettons au chômage technique des employés dans nos abattoirs ».

« Et si l’OABA n’existait pas ?, s’est interrogé Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA. Si, il y a plus de 50 ans, une femme n’avait pas eu la révélation du monde des abattoirs en croisant le chemin d’une ânesse, comment les pratiques auraient-elles évolué dans ces établissements ? » Les activités de l’association, ne serait-ce qu’au cours de ces derniers mois, témoignent de toutes les dérives qui, sans elle, ne rencontreraient pas d’opposition. « Si l’OABA n’existait pas, il n’y aurait pas non plus ces enquêteurs qui entrent dans les abattoirs pour vérifier le respect des règles de protection animale et dénoncer les manquements. » Malgré tout, le chemin à parcourir est encore long.

  • 1 Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux.

  • 2 Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations.

LES ACTIONS CONTENTIEUSES ET LES PROCÉDURES JUDICIAIRES

Au cours de l’année 2011, l’OABA est intervenue dans 25 procédures pénales. « La majorité des horreurs portées à notre connaissance concernent des éleveurs qui ne méritent plus d’être nommés de la sorte, dénonce Frédéric Freund. Comment peut-on laisser des bovins sans surveillance, morts noyés après avoir tenté, en vain, de sortir de la mare de boue dans laquelle ils étaient tombés pour tenter de s’abreuver ? Comment peut-on laisser mourir de faim des bovins enfermés dans une grange ? Comment peut-on détenir des animaux dans des conditions immondes, les veaux pataugeant dans leurs excréments ou se retrouvant pendus à leur corde trop serrée ? Comment peut-on supporter de voir des petits téter vainement leur mère, dont le cadavre est étendu sur le sol de la stabulation ? » Ces cas de maltraitance ou d’abandons sont de plus en plus nombreux. L’OABA s’inquiète du fait que les animaux de rente sont moins bien considérés, y compris par la justice. « Les peines prononcées par les juridictions sont souvent peu dissuasives et certains jugements sont de vraies incitations à la récidive ! »

LES SAUVETAGES D’ANIMAUX

25 procédures judiciaires et 435 animaux (340 bovins, 91 ovins et caprins et 4 équidés) confiés à l’OABA : tel est le bilan de l’association concernant les actions judiciaires en 2011. La récupération des cheptels à l’abandon devient une activité de plus en plus importante. « N’oublions pas que ces prises en charge d’animaux maltraités incombent en quasi-totalité à l’OABA. Rares sont les DD(CS)PP2 qui participent aux frais de transport ou de pension. »

Frédéric Freund s’est interrogé sur la possibilité d’un fonds de secours au niveau européen qui aiderait à payer les frais de procédures, vétérinaires, etc. Des primes européennes existent déjà, ainsi que des pénalités lorsque les règles de protection animale ne sont pas respectées. Ce fonds pourrait ainsi être alimenté par une partie de ces primes. « Nous l’avons déjà signalé au ministère », indique-t-il.

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