Dossier
Auteur(s) : MARINE NEVEUX
Une baisse des taxes et des charges et une reconnaissance de leur métier comme profession de santé sont au cœur des préoccupations des vétérinaires. Quant aux confrères fonctionnaires, ils aspirent à une revalorisation du corps des inspecteurs de la santé publique vétérinaire.
Lorsqu’ils sont interrogés à propos de leurs attentes concernant la prochaine élection présidentielle, les confrères sont loin de rester muets. Qu’espèrent-ils ? « Que le président et sa “haute” administration (conseillers, ministres, etc.) travaillent, réforment et ne se contentent pas d’effets d’annonce et de “coups” médiatiques dans le sens du vent. » Les meilleurs exemples sont « une énième proposition de réforme du cursus vétérinaires alors que la dernière est encore en place, un haro sur l’usage des antibiotiques par les vétérinaires praticiens (rien sur les aliments médicamenteux sous-dosés ni sur les maladies nosocomiales dans les hôpitaux, pratiquement rien sur l’usage irraisonné des antibiotiques en médecine humaine), une gestion des abattoirs et du secteur sanitaire en général laissée à l’abandon », témoigne l’un d’eux. « Un virage à 180 degrés par rapport au néolibéralisme », déclare un autre. Les réponses sont vives. En outre, les 3 attentes principales diffèrent selon le statut de praticien ou de vétérinaire du secteur public.
Parmi les attentes vis-à-vis du futur chef de l’État, la diminution des charges et des taxes qui pèsent sur les TPE1 est plébiscitée par les praticiens. Ces derniers sont, bien entendu, au cœur du sujet au niveau des cliniques. Les réactions et les vœux fusent : « Pas d’augmentation de la TVA2 sur nos honoraires ! » « La diminution de nos charges et une meilleure valorisation de notre retraite ! » « Moins d’imposition ! » « Davantage de liberté d’exercice ! » Un confrère réclame, pour sa part, « une visibilité à moyen terme des contraintes administratives, fiscales et réglementaires. Bref, pas une politique de spoliation, ni de réaction épidermique au bruit des gueulards de la rue ! ». Certains vétérinaires émettent des propositions : « Une diminution des charges patronales, une TVA à un taux plus faible sur les services qui favorisent l’emploi sur place en France contrebalancée par une TVA plus élevée pour les biens d’équipement, qui favorisent l’emploi à l’étranger le plus souvent. » Ou encore : « Pourquoi pas la TVA à 7 % sur les médicaments des animaux de compagnie et/ou les actes vétérinaires ? »
Par ailleurs, la féminisation et la nécessité de sa prise en compte dans le nouveau paysage de la profession sont citées à plusieurs reprises. Une consœur souligne que « si les femmes vétérinaires chefs d’entreprises pouvaient aussi bénéficier d’un vrai congé de maternité ou d’indemnités qui leur permettraient d’embaucher un remplaçant, ce serait encore mieux ».
La simplification des tâches administratives arrive, en outre, en tête chez nos confrères du service public. Les propositions des candidats abordent ces préoccupations. Ainsi, le candidat de l’UMP promet « d’alléger les charges patronales » et François Bayrou (MoDem) « la simplification du droit du travail ». Le candidat du PS souhaite, quant à lui, engager une grande réforme fiscale : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable. »
Un point fait l’unanimité : celui de la reconnaissance du métier de vétérinaire en tant que profession de santé et non de services. Le terme de « reconnaissance » revient, en effet, dans pratiquement toutes les réactions. « La reconnaissance et la compréhension de notre profession », précise un confrère. Un autre attend du futur président « qu’il s’intéresse enfin au rôle du vétérinaire dans la condition animale en général ! » Certains sont plus pessimistes : « Je n’attends pas grand-chose. Je suis plutôt désabusé par l’évolution du métier et de la démographie vétérinaire ! » Ceux qui n’attendent « rien » du futur président sont également nombreux…
« Notre rôle de vétérinaire sanitaire n’est pas reconnu à sa juste valeur », estime un confrère. Alors qu’attendre encore du prochain chef de l’État ? « Qu’il ne détruise pas la profession comme certains sont en train de le faire, qu’un vrai audit de l’élevage soit effectué, que les études soient adaptées à la réalité du terrain ! » et « l’écoute des instances professionnelles ». Pour un confrère qui exerce en rurale, « que l’on nous oublie un peu et que l’on cesse de casser du sucre sur le dos de praticiens motivés volontaires, qui se déplacent, même en boitant, à 4 h du matin pour effectuer des interventions dans le froid hivernal ». Pour un autre, « que l’on arrête de restreindre nos domaines d’activité : délivrance du médicament, ostéopathie pratiquée par des non-vétérinaires, etc. » Un confrère souhaite que le futur président de la République « s’inscrive en faux contre une dérive trop libérale de la santé des animaux de production ».
Le sentiment d’un manque de reconnaissance du rôle de la profession vétérinaire en termes de santé publique (« le respect de notre profession par rapport à notre formation et aux bons résultats de nos prestations, ce qui est loin d’être le cas en ce qui concerne la santé en médecine humaine ! », trouve-t-on parmi les vœux de nos confrères) est le plus flagrant. Émerge aussi le souhait d’une « reconnaissance du niveau d’excellence de nos capacités, tant sur le plan du soutien de notre agriculture que sur celui de l’action sanitaire et de la recherche médicale. En 2 mots : polyvalence inégalée de notre profession. Il est temps de sortir des clichés toujours ressassés et du cloisonnement médecine-art vétérinaire, le docteur et le magicien ! »
La notion de maillage sanitaire, le sentiment de faire beaucoup pour lutter contre les menaces sanitaires, la préservation de la santé animale et du consommateur sont forts chez les praticiens libéraux. Ces derniers attendent du futur élu « qu’il protège ce fameux maillage qui nous évite des crises sanitaires ! ».
« Au vu de la déprise médicale dans certains territoires, qui s’accompagne souvent de déprise vétérinaire, je souhaite que l’installation d’un cabinet vétérinaire puisse être pensée au sein de “maisons médicales et vétérinaires”, que les pouvoirs publics pourraient appuyer et favoriser », suggère un vétérinaire du secteur public. D’ailleurs, la solution des maisons de santé est louée par les différents candidats en médecine humaine. Seraient-ils prêts à transposer cette idée à la santé animale ?
Les vétérinaires du secteur public ressentent un malaise profond au niveau de leur activité. Leurs souhaits portent sur « la revalorisation du corps des ISPV en qualité et en quantité », sur « la reconnaissance des vétérinaires fonctionnaires comme des acteurs essentiels dans les problématiques sanitaires », mais aussi sur l’absence « d’augmentation de [leurs] impôts, une titularisation des vétérinaires contractuels en poste depuis plus de 20 ans et avec des missions d’ISPV ». Un confrère attend du prochain chef de l’État qu’il fasse « en sorte que les vétérinaires officiels d’abattoir soient déprécarisés de façon juste et rapide, eu égard aux missions régaliennes qu’ils assurent ». Et de marteler : « Que l’on arrête de fragiliser le corps des ISPV par des manipulations administratives uniquement afin de satisfaire les besoins financiers au détriment des missions de santé publique vétérinaire et de la sécurité sanitaire des citoyens français. » Car ce sont bien dans leurs missions que les vétérinaires du secteur public se sentent menacés. L’un d’eux désire « une prise de position nette sur le devenir des DDCSPP3, actuellement incapables de remplir leurs missions de surveillance sanitaire du territoire en raison de leur baisse constante d’effectifs ».
Le respect du couplage prescription-délivrance arrive en 3e position chez les praticiens libéraux, talonnant de près les 2 premières attentes. Les confrères veulent la préservation de leur « droit de vendre des médicaments, le respect de la prescription et de la délivrance » et « ne pas subir les décisions de Bruxelles ».
La problématique des abattoirs occupe la 3e position chez les vétérinaires du secteur public. Ils sont effectivement au cœur de celle-ci et en dressent le constat lors de leurs missions. Leurs souhaits sont nombreux et concrets : « De vraies mesures sur la condition animale et la prise en compte des problématiques des abattoirs et de l’abattage. » « Je souhaite l’étiquetage des viandes concernant le mode d’abattage, afin que le consommateur puisse choisir en toute transparence et conformément à ses convictions », ajoute un vétérinaire. Selon un confrère, il s’agit de « s’harmoniser, au niveau européen, avec les pays qui ont interdit l’abattage rituel, de supprimer la dérogation accordée pour [celui-ci] et [de] renforcer les contrôles concernant la traçabilité des viandes halal ». Un autre réclame l’application des « lois de protection animale » et le renforcement des « moyens de contrôle de celles-ci au niveau des élevages et des abattoirs par des vétérinaires ». Eva Joly, candidate d’EELV, se prononce d’ailleurs dans les colonnes de 30 Millions d’amis sur « le bien-être animal, qui sera pris en compte dans les politiques thématiques (transport, abattage et bâtiment d’agriculture, animaleries, cirques, etc.) ».
Le manque de lisibilité des missions et la nécessité d’accroître les ressources émergent de manière évidente dans le secteur public, qui a subi, ces dernières années, de multiples mutations (la RGPP4, en particulier). Celles-ci ont conduit la quasi-totalité des confrères à estimer que la réduction des effectifs et des budgets liés aux contrôles et aux inspections pouvait mettre en péril la surveillance sanitaire et leurs missions5. Lors d’un sondage réalisé il y a un peu plus de 1 an, plus des trois quarts dressaient déjà le constat d’une dilution et d’une perte d’identification des missions vétérinaires. Un phénomène susceptible d’expliquer une tendance des confrères du secteur public à privilégier François Hollande, le candidat du PS, qui promet un coup d’arrêt sur la RGPP.
L’enseignement ressort également parmi les nombreuses préoccupations de nos confrères. À ce titre, leurs attentes sont multiples : « Clarifier le cursus et cesser de réformer les études vétérinaires », « maintenir un niveau de sélection élevé de type classe préparatoire », « pas de 5e école vétérinaire en France. » De plus, l’éviction des vétérinaires de la direction des laboratoires d’analyses médicales a laissé des traces. Ainsi, un confrère souhaite que « le DES de biologie médicale soit de nouveau ouvert aux vétérinaires ». En outre, un vétérinaire du service public réclame « la prise en compte des demandes des filières “orphelines” telles que l’équine, dont les propositions en matière d’encadrement sanitaire sont systématiquement balayées au prétexte qu’elles n’entrent pas dans le schéma organisationnel des grosses filières de production animale ».
Enfin, chez certains confrères, les souhaits ne concernent pas la profession vétérinaire. « Je n’attends rien pour la profession vétérinaire, eu égard aux préoccupations plus inquiétantes sur la crise que traverse le pays, l’emploi, etc. », déclare un confrère. Selon un autre, « c’est surtout de la part de la profession que j’attends un autre discours mettant en valeur notre niveau, notre disponibilité, notre engagement physique, surtout pour les ruraux, plutôt que nos désirs de garder telle ou telle prérogative ». « J’attends surtout du prochain ministre de l’Agriculture, tout se traitera à son niveau. » Un autre désire enfin « l’arrêt du double langage et des promesses inutiles aux membres de la FNSEA6 ». Et plusieurs d’estimer que les promesses n’engagent que ceux qui y croient !
1 Très petites entreprises.
2 Taxe sur la valeur ajoutée.
3 Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations.
4 Révision générale des politiques publiques.
5 Voir aussi : « Un an de DD(CS)PP et des inquiétudes en abattoirs », La Semaine Vétérinaire n° 1439 du 25/2/2011.
6 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
319 vétérinaires praticiens et 153 vétérinaires de la fonction publique ont répondu à un sondage, réalisé entre le 26 mars et le 2 avril dernier via le site WK-Vet.fr. Cette enquête a été adressée par le biais du fichier de l’Annuaire Roy. Les réponses ont été recueillies par l’intermédiaire d’un échantillon de 3 699 courriels adressés à des praticiens qui exercent en clientèle, toutes espèces confondues. De plus, 1 569 courriels ont été envoyés à nos confrères fonctionnaires du secteur public : enseignants des écoles vétérinaires, confrères qui travaillent dans les DD(CS)PP, DDT, Draaf, etc. Le taux de réponse s’élève donc respectivement à 8,6 % et 9,75 % selon la catégorie de vétérinaires.
Les intentions de vote des vétérinaires praticiens placent Nicolas Sarkozy en tête (36 %) au premier tour, suivi de François Bayrou (21 %) et de François Hollande (10 %). Des intentions de vote qui diffèrent de celles des confrères du secteur public, qui placent en tête au premier tour Nicolas Sarkozy mais avec un pourcentage plus faible de 23 %. En revanche, François Hollande arrive en 2e position (17 %), et François Bayrou en 3e (14 %). À quelques jours seulement des élections, 1 praticien sur 10 n’a pas encore choisi. Cette proportion est encore plus importante chez les confrères du secteur public (1 sur 5) !
Au second tour, si le duel opposait Nicolas Sarkozy à François Hollande, les praticiens placeraient le candidat UMP en tête à 60 %, versus 25 % pour François Hollande, alors que les vétérinaires du secteur public votent préférentiellement pour le candidat du PS (43 %, versus 30 % pour Nicolas Sarkozy). « Mais pourquoi ne pas poser la question du second tour avec d’autres configurations, s’interroge un confrère. Tout peut arriver, non ? »
En premier lieu, j’insiste vraiment sur l’aspect profession de santé et non de services (voire de commerce dans certains esprits), car notre rôle dans la prévention et la gestion des zoonoses me semble primordial. Nous diagnostiquons encore trop souvent des maladies de Lyme chez des clients qui errent de médecins en services hospitaliers, ou moins grave, des lésions de teigne traitées avec des corticoïdes ! Sans parler de notre rôle de vétérinaire sanitaire, qui n’est jamais reconnu à sa juste valeur. »
« J’attends du futur président une meilleure considération de notre profession sur les dossiers qui la concernent : filières d’élevage, protection animale et antibiorésistance notamment. »
« Que le futur président ne pense pas à démanteler les cabinets vétérinaires par le découplage entre prescription et délivrance, car cela serait le point de départ de licenciements d’auxiliaires, voire de vétérinaires salariés, et provoquerait la désertification des zones rurales, qui rencontrent déjà des difficultés pour remplacer les départs à la retraite. »
« Retrouver une intégration juste de la profession dans la gestion sanitaire en santé animale, un aspect qui s’est délité fortement dans le secteur public avec la RGPP et qui se déstructure dans le privé avec la diminution des moyens permettant de mandater correctement la profession sur les thématiques sanitaires (surveillance et lutte). »
« J’attends un réel courage politique pour prendre les bonnes décisions. La gestion de la crise de la fièvre catarrhale ovine est le parfait exemple de ce qu’il ne fallait pas faire, à savoir suivre le diktat des Groupements de défense sanitaire et autres organisations syndicales d’éleveurs contre l’avis des scientifiques. Sans parler de l’absence totale de suivi de la campagne engagée, là encore par défaut de courage politique. Il nous faut des politiques qui aient le courage de construire une ligne directrice et de s’y tenir et non ces “Grenelle”, où le mot d’ordre est le consensus pour des projets qui, de toute façon, n’aboutissent à rien. »
« Je voudrais des abattoirs spécifiques halal/casher, pour ne pas mélanger tous les types d’abattage, limiter les modes de contamination et que le consommateur soit libre de choisir ce qu’il mange… »
« Je n’attends rien ! Je suis trop désabusée et lucide… Malheureusement, en politique, “les promesses n’engagent que ceux qui y croient” »…
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire