Le thiaméthoxam à très faible dose désoriente les abeilles

Dans le cadre du déclin observé des populations d’abeilles, une équipe multidisciplinaire¹ a étudié le rapport entre la mortalité des butineuses et l’ingestion d’un insecticide (bien connu des apiculteurs…) de la famille des néonicotinoïdes, le thiaméthoxam (utilisé pour la protection des cultures contre certains ravageurs, notamment par enrobage des semences). Les résultats de leurs travaux, publiés dans la revue Science², montrent qu’une faible exposition à cette molécule, bien inférieure à la dose létale, entraîne une disparition des abeilles 2 à 3 fois supérieure à la normale.

650 abeilles incluses dans l’étude

Des micropuces RFID ont été collées sur le thorax des insectes afin de contrôler leur entrée ou leur sortie de la ruche grâce à des capteurs électroniques. 2 lots ont été constitués parmi les individus gardés au laboratoire : l’un nourri avec une solution sucrée contenant une très faible dose d’insecticide (comparable à celle que les abeilles peuvent rencontrer dans leur activité quotidienne de butinage sur une culture traitée) et l’autre, le lot témoin, avec une solution sucrée sans insecticide.

Une mortalité journalière de 25 à 50 %

Les 2 lots sont ensuite relâchés à 1 km de leur ruche, une distance habituelle de butinage. Les chercheurs mettent alors en évidence une différence significative de non-retours à la ruche des abeilles du 1^er lot par rapport au lot témoin. Selon eux, ce non-retour est imputable à un phénomène de désorientation des insectes dû à une intoxication à faible dose par l’insecticide.

Combinée à la mortalité naturelle, cette disparition par désorientation aboutit à une mortalité journalière de 25 % à 50 % chez les butineuses intoxiquées, soit jusqu’à 3 fois le taux normal (environ 15 % des butineuses par jour).

À court terme, les partenaires de l’unité mixte technologique Prade (protection des abeilles dans l’environnement), en lien avec les instituts techniques agricoles Arvalis-Institut du végétal et Cetiom, mèneront des expérimentations en grandeur réelle, dans les conditions des pratiques culturales, y compris pour la phase d’administration de l’insecticide, en utilisant cette technologie RFID, précise l’Inra.

L’Anses saisie par le ministère de l’Agriculture

Le ministère de l’Agriculture avait indiqué qu’il lancerait la procédure de retrait de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’insecticide Cruiser® (dont la molécule active est le thiaméthoxam) en cas de donnée scientifique nouvelle mettant en cause cet insecticide. Aussi a-t-il annoncé, dès la parution de cette étude, avoir immédiatement saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Son avis est attendu avant le 31 mai prochain. Si ces nouvelles données scientifiques viennent à être confirmées, l’AMM du Cruiser® devrait être retirée, indique-t-on rue de Varennes. Le ministère a également saisi la Commission européenne et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) sur cette étude. Il demande d’en tirer toutes les conséquences pour l’évaluation européenne du thiamétoxam et, le cas échéant, de compléter le cadre harmonisé de l’évaluation des produits phytosanitaires pour les abeilles.

• 1 Chercheurs (Inra, CNRS) et ingénieurs des filières agricole et apicole (Acta, ITSAP-Institut de l’abeille, Adapi).

• 2 Pour en savoir plus : Field research on bees raises concern about low-dose pesticides, Science, 30/3/2012, vol. 335, n° 6076, p. 1555.

• Source : Inra, 30/3/2012.