Dossier
Auteur(s) : SERGE TROUILLET
Les applications issues des travaux de génomique sont aujourd’hui embryonnaires chez le cheval. Pour autant, les perspectives sont prometteuses, qu’il s’agisse d’amélioration génétique, de caractérisation des maladies et des aptitudes, de médecine vétérinaire individualisée, de pratiques zootechniques ou de contrôle antidopage. « La filière équine dans son ensemble va se trouver face à des choix stratégiques qui conditionneront son devenir », estime Laurent Schibler (Inra). Tour d’horizon de ces multiples potentialités.
Elle est déjà loin l’époque (c’était dans les années 90) où l’on appréhendait les maladies avec un déterminisme simple, mendélien : une mutation égale une affection ! Il est admis aujourd’hui que plusieurs gènes peuvent être responsables d’une même maladie et que, dans un même gène, des mutations distinctes peuvent provoquer des affections différentes ; sans compter les maladies multigéniques! Personne ne soupçonnait non plus l’étonnante plasticité du génome, dont l’existence des micro-ARN a révélé toute la complexité dans la régulation de l’expression des gènes.
Les travaux sur la génomique ont ainsi ouvert tout un champ de perspectives globales sur l’amélioration génétique et la gestion des populations : elles reprennent en cela l’existant en matière d’indexation, mais de manière plus complète et plus précise. Ils ont également ouvert un champ de perspectives individuelles, au regard de la prédiction d’apparition de maladies ou de la caractérisation des aptitudes. Pour le cheval, les connaissances actuelles ne sont pas à la mesure de l’excellence qu’essaie de promouvoir la filière. Chez les bovins, par exemple, les aspects liés à l’amélioration génétique et à la gestion des populations sont bien plus avancés. Quant au dépistage des anomalies génétiques chez le chien, nous en sommes à des années-lumière…
« L’identification des gènes et des mutations responsables d’anomalies génétiques monogéniques constitue la première application des travaux de génomique, rappelle Laurent Schibler, chargé de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique de Jouy-en-Josas. Ce dépistage permet de raisonner les accouplements afin d’éviter de donner naissance à des animaux qui seront malades. C’est de la prévention. » Dans le cas de maladies récessives, par exemple, le croisement de 2 animaux porteurs sains donnera naissance, dans 25 % des cas, à un poulain malade (porteur à l’état homozygote). En revanche, si un animal porteur est croisé avec un autre qui ne l’est pas, le risque de voir naître un poulain malade est nul, et il est de 50 % d’obtenir un poulain certes porteur, mais sain, c’est-à-dire qui ne sera pas malade. Il est ainsi parfaitement possible de préserver une génétique intéressante sans voir apparaître la maladie, voire en la faisant disparaître, tout en évitant l’éradication érigée parfois en solution chez certains gestionnaires de registres d’élevage (studbooks) !
Chez le cheval, une vingtaine de gènes seulement sont identifiés comme responsables d’anomalies ou de maladies, au lieu de plus d’une centaine chez le bovin. « Il manque assurément là une bonne connaissance de l’épidémiologie génétique, regrette Laurent Schibler. On nous dit que le cheval a été fortement sélectionné pour ses qualités athlétiques, donc qu’il est exempt de toute tare génétique. C’est une vision des choses… Plus probablement n’a-t-on jamais vraiment regardé ! »
Certaines anomalies, certes, sont connues. La polysaccharide storage myopathy (PSSM) touche surtout les cobs normands, mais aussi un peu le percheron et près de 10 % des quater horses américains. C’est une maladie dominante, c’est-à-dire qu’elle s’exprime avec un seul allèle muté. Aujourd’hui, le gène responsable est identifié et un test de dépistage existe. Il en est de même pour l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle (EBJ), une maladie récessive létale pour le poulain dès les premiers jours de vie. Elle a été mise en évidence chez les chevaux de trait, notamment pour les races bretonne et comtoise, tout en réussissant à conserver des lignées d’individus porteurs avec des produits non porteurs. Aux États-Unis, chez le cheval arabe, la severe combined immunodeficiency (Scid) a été mise en évidence dans les années 90. Là aussi, un test moléculaire existe dorénavant pour détecter cette maladie qui est retrouvée dans près de 10 % des lignées américaines, et à laquelle le poulain ne survit pas au-delà de 3 ou 4 mois d’âge.Son gène responsable, comme celui de l’EBJ, est en effet létal.
« Aujourd’hui, souligne Laurent Schibler, pour une centaine d’euros, il est possible de génotyper un cheval et d’être extrêmement performant dans l’identification de ces anomalies. Lorsqu’elles sont récessives, il suffit de trouver entre 4 et 10 animaux atteints de la même affection et moins d’une trentaine qui ne sont pas touchés pour découvrir le gène, la mutation et, en 6 mois, le test de dépistage approprié. C’est un peu plus compliqué pour les maladies dominantes, car il faut retrouver des familles. Nous avons, pour le coup, encore davantage besoin de la mobilisation de la filière pour récolter l’information, la centraliser, la stocker et l’analyser. » Une surveillance existe avec le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe). Il fonctionne bien mais, orienté vers l’épidémiologie, il ne prend pas en charge les remontées de terrain sur les malformations. Ce sera plutôt le rôle de l’Observatoire des anomalies équines, mis sur pied par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) : « Nous avions commencé avec les Haras nationaux, en collaboration avec l’Association vétérinaire équine française (Avef), le Respe et l’Inra, souligne Sophie Danvy, de l’IFCE. Un questionnaire a été mis au point, il est aujourd’hui en ligne pour alimenter une base de données des anomalies. Nous comptons notamment sur les vétérinaires pour faire remonter ce type d’informations. Lorsque plusieurs cas semblables apparaîtront, nous remonterons les généalogies des chevaux afin, peut-être, de trouver une origine génétique pour l’anomalie en question. »
Les maladies d’origine génétique, cependant, ne sont pas toutes monogéniques. Ce serait trop simple ! Nombre d’entre elles présentent une composante génétique, mais sont dites complexes : « Elles sont déterminées par de nombreux facteurs génétiques et environnementaux qui, pris isolément, ont des effets modestes sur le risque d’apparition des symptômes, explique Laurent Schibler. La génomique peut permettre d’identifier des biomarqueurs en lien avec la prédisposition (marqueurs génétiques, protéines circulantes, niveau d’expression des gènes, etc.). Ces informations ouvrent la voie à la “génomique et médecine personnelle”, c’est-à-dire à une prédiction individuelle qui permet d’adapter la conduite des animaux (alimentation, type d’exercice, etc.) pour prévenir la survenue des signes cliniques. » Chez le cheval, il n’existe pas encore d’application complète de ces travaux. Mais cela ne saurait tarder. Le programme de recherche des déterminants génétiques de l’ostéochondrose dans la race trotteur français, poursuivi aujourd’hui au sein de la fondation Hippolia (voir encadré page 35), doit aboutir à cela. Des régions qui contribuent à la prédisposition à l’ostéochondrose sont mises en évidence. Il reste à améliorer les systèmes de prédiction en prenant, entre autres, l’ensemble des régions de façon conjointe. Mais d’ici à 1 ou 2 ans, il sera vraisemblablement possible d’identifier précocement les chevaux qui présentent un risque particulier de développer la maladie.
Cette prédiction, toutefois, ne présentera un intérêt pour l’éleveur que si elle est complétée par un programme d’applications pratiques visant à éviter l’apparition de la maladie : « Qui mieux que le vétérinaire sera capable de proposer des adaptations pertinentes de la conduite des élevages ou d’élaborer des stratégies de traitement novatrices, au vu de l’information génomique ?, questionne Laurent Schibler. Un dialogue est nécessaire entre la recherche, les éleveurs, les associations de races, les vétérinaires pour se mettre d’accord sur ce que l’on appelle ostéochondrose, pour définir les entités nosologiques qu’elle recouvre, pour mieux les suivre et, compte tenu d’un génotype, mettre en place la stratégie permettant de minimiser le risque d’apparition de la maladie. »
Rien qu’avec les pratiques, l’alimentation et la prévention, il est possible de trouver des palliatifs sans passer par le médicament, sachant que ce dernier n’est développé que si le marché est porteur… L’exemple de la paralysie périodique hyperkaliémique (Hypp) l’atteste. Cette myopathie se traduit par des tremblements importants qui peuvent conduire à la paralysie du cheval. Elle est apparue chez les quater horses en raison d’une sélection sur un caractère d’hypertrophie musculaire. Le gène responsable, identifié aux États-Unis, joue en effet le rôle de canal pour le sodium dans les cellules, un rôle important pour leur excitabilité. Les cellules musculaires sont si excitables qu’il n’est plus besoin d’exercice pour qu’elles se contractent, ce qui produit une hypertrophie du muscle. Mais ce canal sodium étant défectueux, une faiblesse musculaire apparaît dès lors que l’alimentation est trop riche en potassium ou qu’il fait trop froid. Sachant cela, il suffit dorénavant de surveiller la ration alimentaire des animaux atteints et de ne pas les laisser au froid trop longtemps à la mauvaise saison pour que les crises de Hypp s’estompent.
La caractérisation génomique n’est pas limitée aux seules maladies. Dans la même logique, il est possible de mettre en évidence des prédispositions pour certaines aptitudes naturelles, qu’elles soient purement sportives ou relèvent du tempérament, de la robustesse, de la longévité sportive, etc. Cette caractérisation repose sur le génotypage et le phénotypage d’une population de référence, pour établir des équations de prédiction de la valeur génétique. Ces équations sont ensuite appliquées au reste de la population, après un génotypage, afin d’évaluer le potentiel des animaux non phénotypés. Elle est complexe, car le facteur environnemental est prégnant.
La seule application actuelle concerne le pur-sang anglais chez lequel, détaille Laurent Schibler, « un polymorphisme du gène de la myostatine est associé aux aptitudes sportives : les chevaux C/C sont de bons sprinters, les individus T/T ont plus d’endurance et gagnent les courses de fond (stayers), alors que les hétérozygotes C/T peuvent être d’excellents milers. Un test génétique, disponible depuis 2010, permet aux propriétaires et aux entraîneurs de déterminer la distance optimale de course de leurs poulains et d’orienter en conséquence leur entraînement. Plus de 2 500 chevaux ont depuis été analysés, ce qui a permis de développer un test complémentaire qui étudie différents panels de 80 variants supplémentaires selon le génotype myostatine ». Toute la difficulté tient à l’objet même de la recherche : qu’est-ce qu’une aptitude ? Comment la mesurer objectivement ? Mais pour Laurent Schibler, tout n’est qu’une question de volonté et de moyens : « Si la filière se mobilise, si ses acteurs voient un intérêt à jouer le jeu, nous pouvons lancer un programme de caractérisation génomique avant la fin de l’année. Nous obtiendrions rapidement des résultats en amélioration génétique puis, à un horizon de 5 ans, en prédiction individuelle et en médecine individualisée, et à 10 ans, en nutrigénomique. Des résultats évidemment prolongés et complétés par des préconisations sur les plans zootechnique et vétérinaire. »
La nutrigénomique étudie l’impact des nutriments sur l’expression du génome et celui du polymorphisme de l’ADN sur les besoins nutritionnels. Chez le cheval, l’objectif serait, par exemple, d’identifier des éléments nutritifs susceptibles d’influer sur l’expression des gènes en lien avec les performances (sportives, de reproduction, etc.) ou la santé. Aujourd’hui, nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements, même si certains aliments se revendiquent déjà de la nutrigénomique.Pour Laurent Schibler, « le sélénium, par exemple, est connu pour augmenter l’expression de la glutathion peroxydase, une enzyme qui sert dans la détoxification et aide à lutter contre les stress oxydatifs. Les études d’efficacité menées chez le cheval confirment ce lien entre l’ingestion de sélénium et l’activité enzymatique, mais il reste à démontrer formellement l’effet bénéfique sur l’organisme d’une telle augmentation ».
Développer la nutrigénomique pour améliorer la performance du cheval, quelle qu’elle soit, suppose d’avoir identifié un certain nombre de gènes dont le niveau d’expression est particulièrement corrélé à cette performance. Ensuite, il faut trouver des nutriments qui, lorsqu’ils sont ingérés en certaines quantités, jouent sur le niveau d’expression de ces gènes, et dans le bon sens. Enfin, il faut les formuler. Aujourd’hui, on cherche encore ces fameux gènes susceptibles de faciliter telle ou telle performance… En l’absence de dispositifs expérimentaux adaptés, les premières applications basiques de ce type ne découleront probablement pas directement de la nutrigénomique, mais d’idées empiriques ou d’extrapolations réalisées à partir de résultats obtenus chez les bovins, par exemple, dont on peut craindre qu’elles soient un peu rapides. Toutefois, le concept est démontré et il sera, à terme, possible d’optimiser l’alimentation pour chaque individu.
Outre les outils pronostiques, la génomique peut également être utilisée à des fins diagnostiques. Ce n’est pas encore le cas à grande échelle dans ce domaine, mais certaines applications utilisent déjà en routine les sous-produits de la génomique. Frank Duncombe, le premier laboratoire européen d’analyses en pathologie équine, développe depuis 1995 des outils à cet effet. Le directeur du service recherche et développement, Stéphane Pronost, en parle d’expertise : « Nous avons élaboré des approches permettant de détecter des gènes de résistance chez certaines bactéries, comme Rhodococcus equi. Cette bactérie est traitée avec des antibiotiques, mais il subsiste des formes résistantes, en particulier à la rifampicine. Aussi, nous avons développé des systèmes de reconnaissance de ces formes de résistance par la biologie moléculaire. Cela reste néanmoins une approche ciblée, et l’approche globale que propose Laurent Schibler, avec la métagénomique, nous intéresse au premier chef. Ce sont des outils hyperperformants à moyen terme, mais qui peuvent, avec un peu de chance, nous apporter des solutions rapides pour demain. » Stéphane Pronost évoque alors le projet d’identification, dans le génome du cheval, des paramètres de prédisposition à des maladies parasitaires (voir encadré page 32)… avec l’étude des gènes de résistance à certaines molécules chez les parasites, comme son laboratoire l’a réalisé pour certaines bactéries, afin de mieux les suivre et de gagner du temps en les traitant. « Avec cette détection des agents pathogènes et surtout l’approche de la résistance au traitement, nous pourrons grandement améliorer la prophylaxie. Par ailleurs, grâce à une meilleure connaissance du génome, nous pouvons envisager de repérer les faiblesses dans les profils immunologiques, puis de les faire corréler avec l’apparition de certaines maladies ou allergies. Je pense notamment aux maladies neurologiques à herpès de type 1. Nous sommes un peu dedans, mais c’est comme si nous abordions l’architecture d’une ville au niveau d’un quartier. Avec les outils que proposera Laurent Schibler, nous serons à l’échelle complète de la ville, avec une vision beaucoup plus large. »
Enfin, l’utilisation de la génomique peut permettre, grâce au screening pharmacologique, de mesurer de façon globale l’expression des gènes. Connaissant au préalable la signature génique de la maladie, il est possible d’espérer trouver ainsi des molécules qui présenteront une signature inverse. Ce ne sont encore que des idées émergentes, depuis guère plus d’un an, mais la preuve du concept est faite. Cela peut contribuer à réduire nettement, en amont du moins, l’investissement nécessaire pour trouver des molécules candidates au traitement de maladies. Toute la filière pourrait en profiter.
Cette filière équine, précisément, devra rapidement faire un choix stratégique : veut-elle aller, oui ou non, vers la caractérisation génomique ? Laissera-t-elle ses voisins étrangers poursuivre seuls dans cette voie ? Elle prendrait alors le risque de devoir rendre un jour des comptes aux clients à qui l’on pourra certifier par exemple que leur cheval, s’ils l’achètent à l’étranger, présente telle ou telle aptitude, ce qui sera impossible en France ! Saura-t-elle surmonter les antagonismes de ses acteurs divisés en une multitude de chapelles, ce qui nuit à toute action coordonnée ? Certaines maisons mères rompront-elles avec une certaine frilosité qui conduit, comme chez le pur-sang, à refuser l’insémination artificielle quand elle est autorisée partout ailleurs ? La filière parviendra-t-elle à conjuguer le rêve, qui la caractérise, avec la raison, à laquelle la recherche, notamment, apporte sa pierre ? Devant la multitude des potentialités qu’offre, entre autres, la génomique, elle se trouve à la croisée des chemins.
L’essor de cette technologie produira son lot de modifications des comportements, tant chez l’éleveur que chez le vétérinaire. Concernant ce dernier, une meilleure connaissance des entités nosologiques lui permettra d’améliorer le diagnostic et d’adapter plus finement les traitements. Mais la capacité à prédire telle aptitude ou telle apparition de maladie le mettra surtout en situation d’être davantage sollicité. Comme pour les médecines alternatives, il existe une tendance de fond à favoriser la prévention, à analyser l’animal dans sa globalité. Il sera sans doute plus attendu sur sa capacité à anticiper, à trouver des solutions pour mieux prévenir.
Le conseil génétique est l’une des retombées du développement de la génomique. Que peut signifier cette évolution pour l’activité vétérinaire « Autant que je sache, les vétérinaires n’abordent pas la génétique dans leur cursus, déplore Laurent Schibler. Pour beaucoup, c’est un peu ésotérique. Pourtant, aujourd’hui, des tests existent et tous les éleveurs, loin s’en faut, ne sont pas en mesure d’en interpréter le résultat, voire de décider d’en effectuer! Il y a tout un champ de conseils autour des tests, de leur intérêt et de leur interprétation dont peuvent se saisir les vétérinaires qui, pour cette prestation, sont en première ligne. L’activité libérale doit être productive et, à cet égard, le modèle économique reste à construire. Ce n’est certes pas un marché porteur, mais c’est un complément d’activité et un outil de fidélisation de la clientèle. »
Pour Laurent Mangold, praticien chef de haras à Magnac-Laval (Haute-Vienne), ce rôle de conseil fera en effet partie d’une offre de services complémentaires à ceux qui existent déjà : « Que cela soit totalement rentable, je n’y crois pas. En revanche, que ce service contribue au label qualité des entreprises qui maîtrisent tous les actes techniques, ainsi que la stratégie, la philosophie de la mise à la reproduction, là oui. Aujourd’hui, les gros cabinets dont l’activité en gynécologie est importante sont forcément tenus de bien connaître la génétique mâle, la production des étalons, leur génotype et leur phénotype. Le vétérinaire gynécologue équin est confronté tous les jours au conseil en génétique. Cela peut concerner la pathologie : face à une jument qui reste vide, qui a de petits ovaires, ou un comportement de mâle, etc., un caryotype sera réalisé pour vérifier si elle présente une anomalie chromosomique et, éventuellement, la sortir de la reproduction. Cela peut aussi porter sur l’amélioration génétique : le vétérinaire est le premier interlocuteur qui confortera ou infirmera le choix de l’étalon. Ce conseil, nous l’assurons depuis longtemps, même de manière empirique. Aujourd’hui, les grandes données concernant les maladies abortives ou létales sont disponibles, mais nous n’avons rien sur toutes les affections intermédiaires. Les nouvelles connaissances issues de la génomique nous seront, sans aucun doute, très utiles. »
La sensibilité du cheval aux nématodes commence à inquiéter, en raison de leur résistance aux anthelminthiques. L’arsenal thérapeutique s’amenuise. Dans les écuries, la question du traitement est soulevée. Quelques chevaux sont systématiquement fortement contaminés dans les élevages. Ils contaminent, par conséquent, l’ensemble de la parcelle, donc leurs congénères. S’il est possible de vérifier que ce constat est une généralité, que par ailleurs cette sensibilité a une origine génétique, il devrait être ensisageable de proposer des biomarqueurs précoces destinés à identifier les poulains les plus à risque. Ces derniers seront suivis de près et traités en conséquence. Limiter les sources de contamination permettra de réduire d’autant la pression sur les populations de nématodes, donc l’émergence de résistances. La complémentation est également une voie à explorer pour voir dans quelle mesure elle contribue à diminuer l’incidence de l’infestation. Le programme de l’Inra vient de débuter en Normandie, chez le trotteur et chez le cheval de selle français : « Nous allons surtout réaliser des coproscopies, explique Laurent Schibler. Avec le laboratoire Frank Duncombe, nous analyserons, chez 600 chevaux, le pourcentage de ceux qui présentent cette hypersensibilité et quel rôle joue la génétique, dans un sens comme dans l’autre. Parallèlement, nous utiliserons la génomique sur les nématodes. Cela nous permettra d’identifier les différentes espèces. Nous tendrons probablement vers une évolution du dépistage par séquençage sur du crottin individuel ou sur des pools de crottins, plutôt que via des coproscopies qui demandent beaucoup d’expertise. Nous obtiendrons alors des niveaux de sensibilité jamais atteints ! Cela pourrait être l’un des produits de la génomique. »
La génomique peut également permettre d’identifier des signatures du dopage. Du moins certaines techniques dérivées, comme la transcriptomique et la métabolomique. « Nous les utilisons pour mettre au point des modèles prédictifs, explique Yves Bonnaire, du Laboratoire des courses hippiques1. Nous comparons un groupe d’individus, traités avec un dopant quelconque, avec un lot non traité. Grâce aux mathématiques et aux statistiques, nous en déduisons un modèle qui permet de savoir avec quoi un seul sujet a été traité. L’idée est de pouvoir mettre en évidence la présence d’une substance même lorsqu’elle n’est plus là. C’est ce qui est notamment utilisé pour le passeport longitudinal, ce suivi que nous réalisons depuis 3 ou 4 ans sur les 50 meilleurs trotteurs en France. Il y a une interférence avec la génomique, car nous menons des études en collaboration avec l’Inra de Toulouse et des laboratoires privés. Elles ont permis de mettre en évidence les gènes susceptibles d’être impliqués dans la manifestation de l’usage de telle ou telle molécule. Aujourd’hui, nos 2 programmes sur l’hormone de croissance et l’EPO (érythropoiétine) sont achevés. Nous travaillons maintenant sur d’autres molécules, d’autres peptides ou des anabolisants plus classiques. »
1 Situé à Verrières-le-Buisson, c’est l’un des plus grands laboratoires de contrôle antidopage au monde.
La fondation Hippolia1 a pour vocation de mener des programmes de recherche en santé équine, en bien-être et sur la performance. Le volet « génétique et marqueurs en génomique » constitue l’un de ses 4 axes prioritaires dans les 3 champs de la prévention, du diagnostic et du traitement. Ses objectifs sont simples : stimuler des projets pluridisciplinaires ou transdisciplinaires entre les établissements privés et publics, qui donneront des applications concrètes dans le domaine de la santé du cheval (nouvelles solutions diagnostiques, thérapeutiques et préventives). Et, bien entendu, les soutenir financièrement.
C’est ainsi qu’elle a repris le projet Genéquin, porté à l’origine par l’Inra, l’école vétérinaire d’Alfort et l’université de Liège, qui font aujourd’hui partie de la fondation. Un projet plutôt lié au dépistage d’affections génétiques comme l’ostéochondrose et le cornage (neuropathie récurrente laryngée). « Genéquin a montré tout l’intérêt d’un projet pluridisciplinaire, avec des équipes en pathologie locomotrice, des médecins du sport, des généticiens, etc., souligne Romuald Glowacki, directeur de la fondation. Nous avons réussi à faire un beau projet qui a un impact sur la filière équine. Il peut être transposé dans le domaine du parasitisme, de l’infectiologie, etc. »
L’idée, pour l’ostéochondrose et le cornage, est de mettre au point dans les 2 ans des tests diagnostiques de manière à informer rapidement l’éleveur lorsque son cheval a la malchance de développer ce type d’affection. Dès lors, cela permettra de mettre en place des solutions adaptées en matière de techniques d’élevage. Pour l’avenir, quelques grands projets émergent, liés notamment au parasitisme (voir encadré page page 32). « Nous ferons intervenir des équipes de l’Anses2 et de l’Inra, poursuit Romuald Glowacki. Ce type de projet, intégrant la génomique, vise à apporter des réponses, d’ici à 5 ans, au fléau de la résistance antiparasitaire. »
1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1481 du 3/2/2012 en page 16.
2 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
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