Tout sur l’acidose ruminale chez les chèvres - La Semaine Vétérinaire n° 1505 du 31/08/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1505 du 31/08/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/CAPRINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU

L’acidose est décrite dans le monde entier, surtout chez les animaux élevés dans des conditions intensives (engraissement, production laitière). Cependant, des cas dus à un accès accidentel à des concentrés ou à des céréales peuvent se produire dans n’importe quel élevage. Elle se caractérise par de l’anorexie, une stase ruminale, de la diarrhée et de l’abattement. Une acidose ruminale peut s’accompagner d’une acidose générale et conduire à la mort des animaux atteints. De nombreuses données sont disponibles sur les ovins et les bovins, mais très peu sur les caprins. Ceux-ci sont moins sujets au développement d’une acidose en raison de leur comportement alimentaire, car ils gardent un apport en fibres, même s’ils reçoivent des rations déséquilibrées.

SIGNES CLINIQUES

La quantité et la nature de l’aliment ingéré, ainsi que la rapidité d’intervention influent sur les signes cliniques.

Les premiers symptômes appa­raissent 12 à 36 heures après l’absorption de l’aliment incriminé. Il est alors possible d’observer de l’anorexie, de l’abattement, voire un coma chez les animaux qui souffrent d’un choc hypovolémique. La déshydratation est souvent importante et des signes de toxémie sont notés (voir photo 1). Des coliques, une distension abdominale bilatérale, une stase ruminale et une impression d’omniprésence ruminale peu­vent être observées. L’apparition d’une diarrhée, d’intensité variable, contribue à accroître le degré de déshydratation des animaux. Les fèces peuvent avoir juste un aspect pâteux ou être liquides, aqueuses avec des morceaux de céréales.

La déshydratation, l’acidose lactique et la toxémie génèrent des signes neurologiques : ataxie, pousse au mur, opisthotonos, crises épileptiques. La température corporelle est élevée, dans les premiers temps, mais peut chuter avec l’installation d’un état de choc. Certains animaux développent une polioencéphalomalacie et semblent être aveugles.

MODIFICATIONS BIOLOGIQUES

Un pH ruminal faible qui atteint 4,5 est noté, mais revient à la normale 1 semaine après les premiers symptômes. Une augmentation significative du taux de glucose est observée.

Ces modifications du jus de rumen en entraînent d’autres relatives à la flore. Au fur et à mesure que le pH diminue, la population de protozoaires du rumen fait de même. Aucun protozoaire n’est retrouvé lorsque le pH atteint 4,5. Ceux de petite taille sont les premiers à recoloniser le rumen. La population bactérienne évolue également. Des coques sont majoritairement retrouvées. Cette affection provoque des modifications sanguines, que ce soit au niveau hématologique ou biochimique. Dans les 24 premières heures de l’évolution clinique, une hausse des cellules blanches est notée, avec l’augmentation des neutrophiles et une baisse des lymphocytes. Les modifications des cellules de la lignée rouge sont faibles. Une acidose sanguine est observée, avec une hausse de l’acide lactique présent dans le plasma qui atteint son maximum 24 heures après le début des symptômes. La baisse du taux de bicarbonates sanguins et l’augmentation de celui de glucose plasmatique sont également mises en évidence.

LÉSIONS

À l’examen nécropsique, les lésions macroscopiques les plus marquées consistent en une congestion sévère au niveau du rumen, du réticulum et des intestins. La présence d’aliment en grande quantité est notée lors d’une surcharge en grains. La muqueuse ruminale se détache par endroits (voir photo 2). Des hémorragies pétéchiales sont également observées au niveau de la membrane muqueuse de l’abomasum. Le cœur a une consistance molle. Le foie, les reins, les poumons et le cerveau montrent des degrés variables de congestion.

Au niveau histologique, les lésions les plus importantes se retrouvent au niveau des piliers et de la muqueuse du rumen.

Les changements les plus précoces sont observés chez les animaux qui meurent en moins de 24 heures. Ils consistent en une vacuolisation du cytoplasme des cellules épithéliales, puis en une rupture de ces cellules et en la formation de microvésicules. De plus, des aires de muqueuse détachées, avec une infiltration modérée de la sous-muqueuse par des lymphocytes, sont notées.

Chez les autres animaux, des pertes de kératine, des détachements d’aires de muqueuse de taille assez importante, des hémorragies et une infiltration marquée par des leucocytes – surtout des neutrophiles – sont également notés. Le foie est très congestif. Une dégénération hépatocellulaire n’est pas rare.

DIAGNOSTIC

L’anamnèse permet d’établir le diagnostic (changement alimentaire, accident de silo, etc.) associée à l’examen du jus de rumen, dont le pH est diminué (pH normal : 5,5 à 6,5). Le fluide, gris laiteux, est susceptible de contenir des particules alimentaires. Le nombre de protozoaires est fort réduit. Le nombre de lactobacilles est, quant à lui, augmenté. Les enzymes hépatiques (GGT, AST et LDH) le sont aussi.

TRAITEMENT

Le traitement à mettre en place doit corriger le choc cardiovasculaire, la déshydratation, l’acidose et la toxémie, mais aussi neutraliser ou ôter les aliments en cause. Il est ainsi possible d’administrer par voie intraveineuse des fluides contenant 5 % de bicarbonate de sodium. Leur administration par voie orale est déconseillée, car cela peut augmenter la distension du rumen et l’inconfort de l’animal lors de mauvaise absorption.

Le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est indiqué pour lutter contre la toxémie. La distribution orale d’hydroxydes et d’oxydes de magnésium (1 g/kg) favorise la neutralisation du pH et peut se révéler suffisante dans les cas les moins graves. Cependant, si de nombreux aliments sont présents dans le rumen, ces 2 agents alcalinisants auront une action temporaire.

L’administration d’antibiotiques par voie orale est possible, pour tuer la flore bactérienne ruminale et arrêter ainsi les fermentations. Elle est toutefois controversée, car les bactéries de la flore normale du rumen sont souvent plus sensibles aux antibiotiques que les espèces de Lactobacillus. Le relargage de bactéries (anaérobies) dans la circulation générale rend une antibiothérapie nécessaire.

Ôter le substrat nécessaire à ces bactéries semble être plus adapté, par ruminotomie (le sondage ne permet pas d’enlever tout le substrat). Ensuite, une transfaunation à partir de jus de rumen d’un animal sain peut être effectuée. Une supplémentation en thiamine est indiquée jusqu’à la reprise d’un fonctionnement ruminal normal. Selon certains auteurs, l’administration intraveineuse de calcium peut se révéler bénéfique.

Les fluides à base de bicarbonates de sodium et ceux à base de calcium ne doivent jamais être mélangés.

Si le traitement est rapide et agressif, le pronostic de survie à court terme est bon. L’apport d’eau et d’aliments (fourrages uniquement) est à limiter tant que les contractions ruminales n’ont pas repris de manière normale.

PRÉVENTION

La prévention de ce trouble métabolique passe par la mise en place de transitions alimentaires lors de l’introduction de concentrés dans la ration. Le passage d’une ration pauvre vers une autre riche en énergie avec des aliments très fermentescibles doit s’effectuer de manière progressive, sur une période de 2 à 3 semaines. Il est également possible de donner aux animaux les céréales entières et non réduites en farines. Le fait de consommer du blé complet réduit par exemple le risque d’acidose, d’entérotoxémie et de carence en vitamine E.

Dans le cas de bêtes nourries essentiellement à base de concentrés (animaux laitiers par exemple), il est possible d’ajouter à la ration des agents tampons. Ces tampons ruminaux sont susceptibles d’améliorer la production laitière et d’augmenter la prise alimentaire, ainsi que le gain moyen quotidien. La ration des animaux doit au moins contenir 20 % de fibres brutes. Des taux de fibres brutes inférieurs sont possibles sur de courtes périodes, si le rumen est préalablement préparé. Des troubles sont tout de même susceptibles de survenir. Le bicarbonate de sodium est le tampon le plus utilisé. Il est possible de le laisser en libre-service pour les bêtes ou introduit dans la ration jusqu’à 1 % de la matière sèche. Du carbonate de calcium ou de l’oxyde de magnésium (palatabilité faible, de 0,5 à 0,8 % de la matière sèche), en supplément dans la ration, peut aussi être utilisé.

Bibliographie

  • → Chamberlain AT., 2005: Acidosis in goats, is it a problem and how will we know, Stoke Meeting, Animed Vet Group, Shedfield, Southampton, 12-16.
  • → Nour MSM., Abusamra MT., Hago BED., 1998: Experimental induced lactic acidosis in Nubian goats: clinical, biochemical and pathological investigations, Small. Rum. Res. 31, 7-17.
  • → Macgregor BA., 2006: Feeding whole grain wheat to drought affected Angora goats, the influence of roughage on adaptation and estimate of energy requirements for maintenance, A. Feed Sc. Tech. 128, 53-66.

CIRCONSTANCES D’APPARITION

L’acidose du rumen est provoquée par la fermentation ruminale rapide d’hydrates de carbone très digestibles consommés en quantité excessive. Souvent, les animaux ont ingéré une grande quantité de céréales (maïs, blé, avoine, orge, etc.), ou de fruits (pommes), de pain, de betteraves ou de pommes de terre. Le développement de l’acidose est favorisé lorsque les céréales sont réduites en farine. En effet, plus les particules sont petites, plus les bactéries sont rapidement capables de fermenter les hydrates de carbone contenus dans l’aliment.

L’acidose du rumen peut également survenir chez des animaux habitués à une alimentation fourragère et qui reçoivent sans transition une ration riche en concentrés ou en énergie, si les apports sont augmentés de façon abrupte, ou lors d’erreurs de composition de la ration.

Lorsque les hydrates de carbone très digestibles sont dégradés, le pH du rumen diminue. Les espèces bactériennes de Lactobacillus, des producteurs d’acide lactique, prolifèrent dans l’environnement acide du rumen et contribuent à faire encore baisser le pH (voir figure). Au fur et à mesure que le pH du rumen diminue, les protozoaires et de nombreux utilisateurs du lactate commencent à mourir. La production d’acide lactique a tendance à faire augmenter la pression osmotique du rumen. Cela crée un appel d’eau vers la cavité ruminale. Les fluides quittent la circulation systémique pour gagner le rumen, ce qui génère une déshydratation et un possible choc hypovolémique. La concentration sanguine en lactate augmente et peut provoquer une acidose lactique systémique. De plus, l’acide lactique est toxique pour l’épithélium du rumen. Les lésions épithéliales au niveau de la muqueuse ruminale sont susceptibles d’entraîner la libération de bactéries et de toxines dans la circulation (générale et porte) de l’animal. L’acidose ruminale peut conduire à des séquelles chroniques qui incluent la ruminite et les abcès hépatiques. Ces derniers sont moins fréquemment retrouvés dans les espèces ovines et caprines que chez les bovins.

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