Dossier
Auteur(s) : Serge Trouillet
Les vétérinaires libéraux, associés ou non, sont des chefs d’entreprise. Si les soins qu’ils apportent aux animaux restent le cœur de leur métier, leur activité ne saurait être pérenne sans une optimisation permanente de la structure qui l’héberge. Chacun le fait à sa manière. Par l’échange entre confrères, la confrontation d’expériences, la formation, l’utilisation des technologies nouvelles, l’application de méthodes éprouvées de gestion, voire par la délégation des fonctions supports.
Le rôle du vétérinaire est devenu déterminant au regard de la santé publique. Mais en matière de santé, il est une chose à laquelle il doit attentivement veiller, c’est l’état de son cabinet lui-même, de sa structure, de son entreprise. Sa propre survie peut dépendre de sa capacité à le faire. Il est en effet vital pour lui de maîtriser ses stocks, son chiffre d’affaires par produit, par acte et par client, de cerner ses coûts afin de développer des politiques de marge et donc de prix, de mettre en place une stratégie d’investissement gagnante pour lui comme pour son client ! En un mot, il doit être un bon gestionnaire.
Certains l’ont compris depuis longtemps et s’organisent au sein d’associations. Par exemple, « Ergone, explique son président Pierre-Marie Cadot, rassemble des vétérinaires de tous les horizons (canine, rurale, équine, indus) qui possèdent une vision entrepreneuriale de leur activité. C’est une association d’entrepreneurs qui confrontent leurs expériences et les partagent pour développer et structurer leur entreprise. Nous ressentons tous le besoin, par moments, de sortir de notre quotidien et de rejoindre un espace et des confrères pour trouver des solutions concrètes à nos problématiques de terrain (recrutement, communication, pilotage de l’entreprise, stratégie de croissance et de développement, etc.). »
Chaque année, Ergone met sur pied divers événements, dont la visite, à partir de 2013, de structures par les adhérents : « La diversité des profils des vétérinaires présents dans ces rendez-vous favorise des échanges à bénéfices réciproques ; chacun d’eux apporte sa vision, son approche filière et l’histoire qui l’a conduit au succès », souligne Pierre-Marie Cadot.
Les praticiens s’organisent également au sein de leur secteur d’activité. L’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) comprend un Groupe d’étude et de recherche en management (Germ) géré par des vétérinaires qui sont aussi consultants, professeurs, directeurs de laboratoire. « Le but, explique son président Christophe Navarro, est de promouvoir l’amélioration des pratiques de gestion dans les structures vétérinaires françaises. Plutôt canines, mais pas seulement. Pour cela, nous organisons des formations théoriques et pratiques de différents niveaux. Nous participons également, dans ce registre, à l’élaboration scientifique de notre congrès annuel. »
Il en est de même chez les équins. L’Association vétérinaire équine française (Avef) a créé une commission “gestion de clientèle”. Son président depuis 2003, Éric Lévy, l’a réactivée : « Nous avons institué chaque année, lors du congrès de l’Avef, une demi-journée consacrée au management. Nous proposons des thématiques sur lesquelles planchent les membres de la commission ou, parfois, des intervenants extérieurs. Lors des journées 2012, l’intervention d’un spécialiste du recrutement, associé d’un gros cabinet de chasseurs de tête parisien, a vraiment intéressé tout le monde. »
Le métier de vétérinaire équin cultive en effet sa singularité, en termes de connaissances, de relation avec les clients, de responsabilité ou de mode d’exercice, il est devenu très différent de celui de praticien mixte ou canin. « L’activité fortement capitalistique, les délais de paiement comme la fragilité financière d’une partie de la clientèle imposent de porter un regard financier sur l’activité, que ce soit pour arbitrer les investissements à effectuer, financer le développement, rationaliser les modes de fonctionnement ou en garantir la pérennité », peut-on lire sur le site de l’association. « Nous sommes particulièrement à la traîne sur tous ces aspects de gestion de clinique, constate Éric Lévy, mais la sensibilisation à cette thématique fait aujourd’hui son chemin chez nous. »
Les associations d’entraide ne sont pas en reste. « En aucun cas, nous n’entendons nous substituer au syndicat ou aux experts-comptables, tient à préciser Édith Beaumont, présidente de Vétos-Entraide. Dans certaines situations d’isolement, cependant, les personnes ne peuvent plus s’adresser qu’à nous. Aussi assurons-nous la transition grâce à des confrères qui, au sein de notre association, sont capables de traiter leurs dossiers fiscaux ou sociaux. » Vétos-Entraide a aussi présenté l’an passé, lors de la journée “Véto, Boulot, Bobo”, puis dans le cadre de réunions syndicales départementales dans l’Hérault et les Bouches-du-Rhône, un nouvel outil, Vetstim, accessible sur le site web de l’association. « Il s’agit d’une e-calculette, une base de gestion et de comptabilité très commode que nous venons de mettre en ligne à l’usage des praticiens, explique Édith Beaumont. Tous les vétérinaires qui viennent sur notre site y ont accès. Il suffit de reporter sur cette calculette une partie des éléments de sa déclaration 2035, le document fiscal de base bien connu des vétérinaires, pour obtenir des indicateurs de gestion qui permettent de piloter son activité de manière plus fiable que simplement à l’intuition. Cela évite de suivre une formation de comptabilité analytique poussée pour en comprendre les arcanes. » Toujours sur le site, les praticiens peuvent accéder au document “Le vétérinaire et l’argent” utile pour établir son budget personnel.
De nombreux vétérinaires, qui ne sont pas dans le besoin, mais fâchés avec les chiffres, ne s’embarrassent même pas de tout cela. Soignants dans l’âme, ils préfèrent déléguer les tâches administratives à un tiers.
Thierry Habran a créé avec Yannick Poubanne, en 2009, la société Vetentreprise, qui offre de l’audit ponctuel : pour régler un problème de rentabilité, l’aménagement de locaux, la mise en route de procédures de gestion de l’équipe, l’évaluation de la valeur d’une clientèle pour la revendre ou prendre un associé. En résumé, toute opération visant à optimiser la gestion d’une clinique. « Mes clients n’ont pas toujours envie de faire cela eux-mêmes. J’ai eu l’occasion, dans ma carrière, de constater qu’il y avait un besoin, sinon une demande dans ce domaine. Comme j’étais intéressé par la gestion en général, j’ai souhaité en faire mon métier », précise Thierry Habran.
Bien lui en prend. Le marché de l’accompagnement des cliniques à l’année (avec une délégation de direction en partenariat avec les associés) se révèle porteur. Si bien qu’il lance avec son associé la société VetOne spécialisée dans la gestion globale déléguée, des achats à la stratégie en passant par les ressources humaines, et la relation clients : « Cela ressemble à une franchise vétérinaire, où chaque structure est indépendante tout en bénéficiant de la mise en réseau de compétences fortes en management et en communication. Nous avons vocation à fédérer chacune d’elles autour d’une marque nationale. Nous ne sommes présents que pour prendre en charge leurs fonctions supports afin de leur permettre de se consacrer pleinement à leurs clients. Aujourd’hui, nous gérons une quinzaine de cliniques dans toute la France, de Marck à Toulon et de Dax à Strasbourg. »
En matière de gestion, les vétérinaires s’organisent, se forment ou délèguent. Chacun construit son modèle, utilisant à sa guise les ressources qu’il juge utiles pour se développer. C’est le sens que donne à l’arsenal réglementaire le vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires, Jacques Guérin : « Comme la mécanique réglementaire tend à prendre forme et à s’ouvrir à des solutions innovantes de gestion des sociétés vétérinaires, il restera à chaque praticien le devoir d’étudier l’équation et d’appréhender l’ensemble des paramètres pour les adapter à son projet particulier. La réglementation est ainsi faite qu’elle ne cherche pas à privilégier un modèle par rapport à un autre, mais plutôt à faire prévaloir la diversité des solutions qui font la richesse de notre profession. »
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