Prise en charge de l’hibernation des tortues - La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012

Formation

NAC

Auteur(s) : LIONEL SCHILLIGER

Fonctions : diplomate ECZM (Herpetology), praticien à Paris.

L’hibernation se définit comme « un état de torpeur et d’insensibilité dû à un abaissement de la température corporelle et dans lequel certains animaux passent l’hiver ». Elle correspond à un état de sommeil profond accompagné d’une diminution de la température interne. Chez les tortues, il s’agit d’un comportement d’adaptation à des conditions environnementales devenues hostiles pendant la saison froide. Le fait de s’enterrer dans le sol pendant les mois les plus froids de l’année leur permet de résister au gel qui leur serait fatal.

MÉCANISME

Pendant cette période de léthargie hivernale, toutes les grandes fonctions de l’organisme sont ralenties : fréquence cardiorespiratoire, vitesse de la circulation sanguine, digestion, défenses immunitaires, etc. Ce ralentissement du métabolisme des tortues, lié à leur ectothermie, n’est observé dans la nature que chez les espèces originaires de régions subtropicales ou de pays à climat tempéré.

Pendant l’hibernation, la respiration en anaérobiose est favorisée par des spécificités anatomo-physiologiques des tortues :

– lenteur du niveau de métabolisme basal ;

– capacité d’extraction de l’oxygène à partir de l’air inhalé ;

– inversion du sens de la circulation sanguine (“shunt intracardiaque droite-gauche”) lors d’hypoxie, qui court-circuite la circulation pulmonaire et permet, en cas d’apnée, d’assurer une perfusion sanguine des organes vitaux ;

– tolérance aux fortes concentrations sanguines d’acide lactique.

Faut-il ou non faire hiberner les tortues ?

→ L’hibernation en captivité est source de polémiques. Pour certains, elle constitue un risque trop élevé de mortalité et de maladies a frigore. Pour d’autres, elle garantit une meilleure longévité, évite certaines périodes d’anorexie et conditionne le succès de la reproduction. La vérité se situe probablement entre ces deux positions pour de nombreuses espèces.

→ Pour les tortues d’Afrique du Nord, qui vivent dans des biotopes où le climat est particulièrement doux l’hiver (15 à 20 °C), il convient plutôt de leur faire subir un temps de « brumation », c’est-à-dire une période de léger refroidissement hivernal, de novembre à fin février ou mi-mars (à 18 ou 20 °C au lieu de 5 à 10 °C comme préconisé pour les tortues du genre Eurotestudo). Cette brumation constitue, pour les tortues du Maghreb, une phase de ralentissement métabolique, un engourdissement modéré au cours duquel leur organisme fonctionne au ralenti. Elles mangent moins et dorment beaucoup, sans être totalement inactives.

→ Concernant les tortues d’Hermann, des steppes et de Turquie, il est préférable de les faire hiberner. D’ailleurs, lorsque ces espèces sont placées pendant tout l’hiver dans un terrarium, elles observent d’elles-mêmes une certaine léthargie, accompagnée d’une baisse de l’appétit. Le fait de les empêcher d’hiberner peut alors constituer un non-respect de leurs cycles métaboliques. De plus, la folliculogenèse et l’ovulation étant stimulées par l’accroissement progressif de la température ambiante et de la photopériode, cette période de refroidissement hivernal est primordiale pour la reproduction de ces espèces. En outre, l’hibernation constitue une mesure de prévention contre l’ostéo­fibrose : lorsqu’une tortue de l’une des espèces citées évo­lue en permanence dans une température de 28 à 30 °C, son organisme ne contient pas le pool de calcium nécessaire à une croissance continue tout au long de l’année.

→ Toutefois, il est certain qu’une hibernation mal conduite est pire que l’absence d’hibernation. Le principal risque inhérent à cette période est de faire hiberner une tortue malade ou trop maigre. En cas de doute, son état doit être évalué en consultation avant sa mise en hibernation.

Un autre risque important consiste à faire hiberner une tortue à une température intermédiaire (par exemple dans un carton, sur le sol d’une pièce d’habitation à 20 ou 21 °C), alors que normalement elle hiberne au froid (de 5 à 10 °C). Dans ces conditions, son métabolisme n’est pas suffisamment ralenti, la tortue “brûle” ses réserves de lipides et de glycogène, et son activité n’est pas suffisante pour lui donner de l’appétit et lui permettre de reconstituer son capital de “carburant”.

L’hibernation peut également être risquée pour une tortue lorsque la température ambiante est inférieure à 0 °C : elle peut alors mourir congelée.

À partir de quel âge ?

Il est conseillé de faire hiberner les tortues dès leur première année, à l’âge de trois mois environ. En effet, le taux de mortalité des tortues méditerranéennes nouveau-nées et juvéniles (âgées d’un à six ans) apparaît plus élevé si elles n’hibernent pas, par rapport à une hibernation au cours de leur premier hiver. En outre, ce taux de mortalité décroît à mesure que la durée d’hibernation s’allonge : 3 à 5 % lorsqu’elles hibernent trois mois et plus, au lieu de 7 à 9 % lorsqu’elles hibernent un à deux mois et 23 à 30 % lorsqu’elles n’hibernent pas du tout.

HIBERNATION EN MILIEU NATUREL

→ Les tortues terrestres méditerranéennes maintenues en semi-liberté ne peuvent hiberner dehors que si elles disposent d’une parcelle de terre suffisamment meuble pour pouvoir s’y enterrer, si possible à l’abri de l’humidité et des attaques de rongeurs. Pour plus de sûreté, il est conseillé d’aménager un refuge dans le jardin, où les tortues pourront se terrer dès la baisse des températures à l’automne. Ce petit local doit être hermétique, étanche, équipé d’une trappe de visite et rempli d’une épaisse couche de terreau, recouverte d’un lit de feuilles.

→ Si une tortue sort d’hibernation prématurément en plein hiver, à la faveur d’un radoucissement climatique, elle doit être rentrée à l’intérieur et réchauffée par paliers pour éviter de succomber dehors à une gelée imminente. Si elle est maintenue malgré tout à l’extérieur, elle ne doit pas être nourrie, car elle risque de subir de graves putréfactions de son contenu digestif au retour du froid.

→ Lorsque les tortues ont hiberné dans le jardin, elles sortent généralement de leur torpeur au printemps, du jour au lendemain, dès l’apparition du redoux. Il est alors conseillé de les baigner dans de l’eau tiède pendant une vingtaine de minutes. Ce bain aura pour effet de les réhydrater (absorption percloacale de l’eau) et de les faire uriner et déféquer, leur permettant ainsi de se libérer des toxines accumulées dans leurs voies excrétrices pendant l’hibernation.

HIBERNATION EN MILIEU ARTIFICIEL

→ Une tortue (d’Hermann, bordée de Grèce, de Turquie, des steppes) peut également hiberner dans des conditions artificielles (à l’intérieur), mais en obéissant à certaines règles.

Avant l’hibernation

→ Choix de l’hibernatorium

La température de la pièce qui abrite le reptile doit être quasi constante, entre 5 et 12 °C (optimum à 10 °C) : cave enterrée non chauffée, cellier, cabanon de jardin à l’abri du gel, vide sanitaire, etc. Cette pièce doit être calme, sombre, abritée des rongeurs et des inondations. L’hibernation dans un réfrigérateur est à proscrire, car elle provoque une déshydratation. En revanche, les caves à vin artificielles conviennent bien.

→ Choix de l’hibernaculum

La boîte dans laquelle est placé le reptile doit être hermétique et, si possible, isotherme (en polystyrène, par exemple). Elle doit être équipée d’un thermomètre à mémoire “minima-maxima” pour contrôler les écarts de températures. L’animal doit reposer sur un sub­strat sec dans lequel il peut facilement s’enfouir (paille, papier-journal froissé, etc.). Le sable et la terre de jardin sont à éviter pour des raisons hygiéniques.

→ Préparation de l’animal

Une tortue placée en hibernation doit être en bon état d’embonpoint, indemne de parasitose ou de maladie infectieuse, et non gravide. Tout individu qui affiche un poids inférieur de plus de 10 % à son poids théorique ne doit pas hiberner.

Elle doit être nourrie assez copieusement au cours des six semaines qui précèdent l’hibernation, puis jeûner pendant les dix jours qui précèdent sa mise en hibernaculum. Elle doit alors, pendant cette période, faire l’objet d’un bain quotidien pour stimuler les défécations. Une fois son tube digestif totalement vidé, l’hibernation peut commencer.

Une pesée précise est utile pour estimer, au réveil, la perte de poids induite par l’hibernation (1 % du poids vif par mois au maximum et pas plus de 10 % au total).

Pendant l’hibernation

Une fois par semaine environ, il convient de procéder à une brève visite de l’hibernaculum pour vérifier l’engourdissement de l’animal et contrôler la température ambiante.

Au sortir de l’hibernation

Le reptile est pesé, réchauffé progressivement jusqu’à atteindre en quelques jours sa température moyenne préférentielle. Pendant cette période, il est réhydraté (bains d’eau tiède) puis réalimenté. Lorsque son métabolisme est redevenu optimal, l’animal doit faire l’objet d’un examen clinique.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article dans les compléments de La Semaine Vétérinaire sur WK-Vet.fr, http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4063

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