Formation
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Adrien Aertsens*, Guillaume Ragetly**
Fonctions :
*praticiens au CHV Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne)
**(diplomate ECVS) praticiens au CHV Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne)
– Les démarches simplifiées de transport pour les chiens entre la France et le Royaume-Uni risquent d’augmenter la prévalence de l’ossification incomplète du condyle huméral en France.
– Cette affection est surtout diagnostiquée chez les spaniels mâles d’âge moyen.
– Il existe deux présentations principales : une fracture articulaire de l’épiphyse distale humérale chez un chien adulte (pas forcément associée à un traumatisme important) ou une boiterie chronique (unilatérale ou bilatérale) d’un membre thoracique.
– Le traitement est plus complexe que celui des fractures habituelles de l’épiphyse distale humérale : la guérison osseuse n’est pas systématique, même en cas de réduction et de stabilisation adéquates.
Un cas d’ossification incomplète du condyle huméral (IOHC) chez un spaniel a été présenté pour la première fois en 1989. Depuis, de nombreuses publications ont décrit cette affection chez des races de taille moyenne à grande, principalement sur les territoires britannique et américain. Quel sera l’impact de l’allégement récent des démarches pour voyager entre l’Europe et le Royaume-Uni sur l’incidence de cette affection en France ?
> Le condyle huméral est composé d’une partie latérale et d’une partie médiale. Cette dernière, appelée trochlée, s’articule avec l’ulna, alors que la partie latérale du condyle (le capitulum) s’articule avec le radius. Ils ont chacun leur propre centre d’ossification, relié par une bande cartilagineuse. L’ossification de l’humérus distal débute à l’âge de deux semaines à partir de ces deux centres, et doit être terminée entre huit et douze semaines. Lors d’une ossification incomplète du condyle huméral, l’union des condyles ne se produit pas. Le condyle huméral est ainsi plus fragile, car des micromouvements entre ses deux parties sont possibles. La pathogénie reste incomprise. Une origine métabolique, un excès d’exercice, un lien avec la chondrodystrophie sont suggérés. Mais cette anomalie est différente de la dysplasie du coude.
> Les fractures du condyle huméral sont fréquentes chez le chien (44 à 54 % des fractures humérales). Lors de traumatisme mineur (causé par des jeux, des petits sauts, dans les escaliers, etc.), les fractures sont courantes chez un chiot dont le condyle huméral est encore en développement, alors que les fractures chez un animal adulte sont souvent consécutives à un traumatisme majeur. Un condyle huméral fracturé à la suite d’une activité normale chez un chien adulte suggère donc une affection sous-jacente.
Tous les chiens atteints sont prédisposés aux fractures du condyle huméral.
Les races prédisposées sont les spaniels, surtout les cockers aux États-Unis et les springers au Royaume-Uni. Une étude britannique récente montre que parmi 100 springers spaniels asymptomatiques, 14 présentent une fissure partielle des condyles. Les cavaliers king charles sont aussi prédisposés. Des races de grande taille sont également affectées : labrador retriever, pointer, berger allemand, rottweiler, mastiff tibétain. Les mâles d’âge moyen (3 ans en moyenne) sont plus fréquemment touchés (70 à 83 % des cas).
Deux présentations cliniques sont possibles.
> Certains chiens sont asymptomatiques jusqu’à l’apparition aiguë d’une boiterie sans appui lors d’une activité physique normale. Le condyle latéral est le plus souvent fracturé (51 % des cas), suivi par les fractures dicondylaires (36 %, voir photo 1). Les fractures du condyle médial sont plus rares (13 %). Lors de la présentation d’un animal pour une fracture, une fissure est identifiée dans près de 86 % des cas au niveau du coude controlatéral.
> D’autres chiens présentent une boiterie persistante d’intensité variable, non améliorée par les AINS. L’examen clinique peut révéler une baisse de 20 à 30° de l’amplitude de flexion du coude, des crépitements lors de sa manipulation (dont l’hyperextension ou l’hyperflexion avec pronation) et une douleur à sa mobilisation.
> L’IOHC est bilatérale dans près de 25 % des cas. Les spaniels sont plus fréquemment affectés bilatéralement. L’évaluation du condyle huméral controlatéral est donc fortement recommandée.
Lorsqu’un chien d’une race prédisposée est présenté pour une fracture distale humérale impliquant la surface articulaire, une IOHC est à envisager. Le coude opposé doit être évalué (et éventuellement traité).
Le diagnostic est parfois difficile et peut nécessiter le recours à des techniques d’imagerie avancées. Les radiographies peuvent mettre en évidence une fissure intercondylienne (complète ou non) dans le plan sagittal. Dans ce cas, une incidence cranio-caudale standard est généralement suffisante, mais une vue latérale en flexion, ainsi qu’une oblique (15° cranio-médiale à caudo-latérale) peuvent être nécessaires (voir photo 2). Une étude chez des springers spaniels montre une fragmentation du processus coronoïde médial dans près de 25 % des cas.
L’arthroscopie permet l’identification d’une fissure au niveau du cartilage, mais cette lésion n’est pas identifiée dans tous les cas.
Le scanner est la technique de choix. Il offre la meilleure sensibilité et spécificité (voir photo 3). Une étude récente a également montré l’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique.
La fracture est stabilisée avec une vis intercondylienne aussi large que possible, associée, selon la nature de la fracture, à une ou plusieurs broches ou plaques au niveau des crêtes épicondyliennes. Le pronostic de récupération est cependant réservé car la portion intercondylienne du condyle huméral cicatrise difficilement. Le taux de complications est élevé (il serait de 60 %) avec 23 % de non-union, rupture d’implant et/ou perte de réduction. Les infections et séromes sont également fréquents.
Lorsqu’un chien est présenté pour une boiterie associée à une IOHC sans fracture, un traitement chirurgical prophylactique est fortement indiqué pour résoudre la boiterie et prévenir toute fracture. En effet, le traitement médical est associé à une probabilité importante de fracture du condyle huméral : 43 % dans les 18 mois qui suivent le diagnostic. Une vis intercondylienne aussi large que possible, associée ou non à un curetage de la surface intercondylienne et à une greffe ou au forage de tunnels osseux, est la technique de choix. Cependant, des récidives quelques années après l’intervention sont possibles si la guérison osseuse intercondylienne n’a pas lieu. Différentes techniques ont été tentées pour optimiser les résultats. Notre confrère britannique Noël Fitzpatrick a décrit, en 2009, l’utilisation d’une vis sans tête transcondylienne associée à une greffe autologue en carotte d’os spongieux, dont les résultats semblent encourageants.
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