Congrès de Genève
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Auteur(s) : Marine Neveux
Le thème du pied a réuni 400 participants lors du 12e congrès de médecine et de chirurgie équines, qui s’est tenu du 11 au 13 décembre dernier à Genève (Suisse). Des journées au retentissement international, comme en témoigne la présence de près de 20 nations.
Sous la présidence de notre confrère Pierre Chuit, le congrès de Genève, qui a lieu tous les deux ans (trois pour cette dernière édition en raison de l’année mondiale vétérinaire en 2011), est un rendez-vous fédérateur pour les praticiens, mais aussi pour d’autres professionnels. Le sujet phare, consacré au pied du cheval, a réuni des conférenciers de renom et suscité nombre de questions et de débats, via une approche à la fois pratique et en lien avec l’actualité.
Une table ronde sur le pied nu a conclu la dernière journée du congrès. En effet, ce sujet fait débat dans le milieu équin. « La ferrure est indispensable au cheval en compétition », estime le Pr Jean-Marie Denoix. Vidéo à l’appui, il a montré son utilité dans les virages, pour éviter au cheval de saut d’obstacles de glisser. En course de trot, la pratique du pied nu est plus fréquente, car elle est censée améliorer la performance. Toutefois, si le cheval est déferré trop souvent, « un échauffement et une abrasion totale de la sole surviennent ». Cela génère en outre une image négative en termes de bien-être animal sur le public des courses.
Autre avantage des pieds ferrés : la possibilité de corriger des défauts de conformation grâce aux fers orthopédiques. Xavier Méal, podologue et pédicure pour chevaux (un titre non reconnu en France), fait partie de ceux qui prônent plutôt les pieds nus et la préparation du “pied fort”, bien que le développement théorique de cette notion ait laissé circonspect plus d’un congressiste quant à sa pertinence scientifique. Le débat sur le pied nu reste ouvert, et les positions de certains dans la filière équine tiennent d’ailleurs plus du dogmatisme que de la démarche scientifique. Fleurissent également les “pareurs”, qui n’ont pas été formés à la maréchalerie. La réflexion mérite donc d’être poursuivie.
« Le premier objectif est de rechercher le bien-être du cheval, a indiqué un congressiste. La ferrure peut apporter un certain confort, mais son absence aussi, l’évaluation doit se faire au cas par cas. » Selon Jean-Marie Denoix, « dans la tradition européenne, la maréchalerie s’intéresse autant au parage qu’à la ferrure ». « Quand je gère un cheval qui évolue sur un sol normand profond, je lui laisse davantage de paroi pour s’y adapter. Si le sol est plus ferme, je vais arrondir plus la paroi, car sinon elle risque de s’écailler », a poursuivi notre confrère Denis Leveillard.
« La question à se poser est de savoir ce que l’entraîneur et le cavalier attendent de tel cheval, afin de déterminer où se situent les exigences. Il faut, par exemple, que l’éponge soit plus longue pour que les chevaux de saut d’obstacles puissent prendre les virages », a renchéri un autre confrère. Pour Olivier Lepage (Yvelines), l’interrogation concernant le pied nu ou ferré se pose surtout pour le cheval de loisirs, car certains foulent le macadam, d’autres non. Dans ce cas, la discussion mérite d’être engagée essentiellement avec le propriétaire. Concernant les autres disciplines, chacune a ses habitudes, par exemple le pied est plus souvent déferré en dressage, alors qu’une ferrure est requise en obstacle, en reining, en endurance, en attelage, etc.
Au-delà de la notion de ferrage, un congressiste s’est demandé s’il existait des solutions alternatives à la fixation du fer avec des clous. Peut-on passer à la colle ? Les clous limitent le mouvement de verticalité, donc l’expansion du pied, mais s’ils modifient l’élasticité, les maréchaux s’attachent depuis longtemps à les placer où il faut. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’une autre conférence.
La question du ferrage ou non a même été jusqu’au dopage : la ferrure qui améliore les performances peut-elle être considérée comme dopante ? À l’opposé, certains estiment que déferrer relève du dopage, car cela met à contribution la vascularisation, qui est une pompe. Ces contre-arguments soulignent surtout la nécessité de mener des études scientifiques.
Enfin, de multiples facteurs influencent la gestion du pied : son hygiène au quotidien, la région et le type de terrain sur lequel le cheval évolue, la discipline, etc. Un congressiste s’est également inquiété du niveau de formation de certains pareurs : « Quelques-uns n’ont suivi qu’un stage de deux jours avant de parer eux-mêmes les pieds. » Le débat n’est donc pas clos, et la table ronde a eu le mérite de faire avancer la réflexion, mais sans aboutir à un consensus.
Le congrès de Genève a aussi abordé les techniques de pointe pour l’étude du pied : l’imagerie médicale, la radiographie, l’échographie, l’imagerie par résonance magnétique, la scintigraphie, l’arthroscopie. Les travaux sur la biomécanique sont particulièrement pertinents pour objectiver de façon scientifique tous les facteurs susceptibles d’influer sur le pied, comme l’ont montré nos confrères Henry Château et Nathalie Crevier-Denoix (ENVA, Cirale, Dozulé). La sous-couche des sols influence notamment la vitesse de mise en charge maximale du pied. Ainsi, à vitesse égale, la foulée est plus grande sur une sous-couche plus ferme. « Il convient donc de trouver un compromis entre la pathologie et la performance », a expliqué Nathalie Crevier-Denoix. Selon la souplesse du sol (et l’enfoncement des pieds), la mise en tension des talons et de l’appareil suspenseur du boulet est plus ou moins progressive. La mise en charge maximale verticale met en jeu les couches profondes.
Quant aux différentes affections du pied du cheval, elles ont été traitées de façon pratique et mises en perspective avec les travaux de recherche les plus récents. Andrew Van Eps (université du Queensland, Australie) a ainsi développé les trois types de fourbure chez le cheval. Le premier est associé à la septicémie. Le deuxième est lié à l’insuline, à la maladie de Cushing, au syndrome métabolique. Le troisième est dû à une charge excessive sur un membre. Dans le cas des fourbures aiguës, le traitement par la cryothérapie montre une certaine efficacité.
Le pied de l’âne et ses particularités ont été abordés par le Pr Ahmed Chabchoub (école de Sidi Thabet, Tunisie). « L’âne est particulièrement stoïque face à la douleur, ce qui rend la sémiologie plus difficile. Il faut connaître et étalonner son acte avant même de conclure. »
Christophe Degueurce (ENVA) a quant à lui présenté une conférence sur les affections identifiées depuis les temps anciens (comme le javart) et sur des traitements chirurgicaux comme la dessolure, qui a été la panacée de l’Antiquité au xixe siècle, une intervention jugée particulièrement barbare aujourd’hui. « La dessolure a une dimension sociale, car elle est indissociable de l’avènement de la médecine vétérinaire dans la seconde moitié du xviiie siècle », a souligné notre confrère. Si la force des habitudes était grande, « la contestation vis-à-vis de cette pratique est venue de l’intérieur même de la corporation des maréchaux ». Bourgelat fut également l’une des figures de proue de la remise en cause de ces pratiques routinières, mais néanmoins barbares.
La prochaine édition du congrès se tiendra du 16 au 18 décembre 2014 au centre international de conférences de Genève.
La fondation Flying Anvil souhaite rendre la maréchalerie plus accessible aux pays défavorisés. Son responsable, le maréchal-ferrant suisse Bernard Duvernay, a rappelé que 100 millions d’équidés travaillent dans le monde, avec souvent un accès limité aux soins de maréchalerie, mais aussi vétérinaires. « Dans beaucoup de pays, la formation à la maréchalerie n’existe pas. Nous qui avons la chance de passer par des écoles, nous pouvons initier un mouvement de solidarité. » Il a souligné l’intérêt d’enseigner les rudiments, de façon durable, pour rendre autonomes les maréchaux dans ces pays et contribuer au bien-être des équidés au travail, qui sont aussi des outils de traction pour la population. La profession vétérinaire y est souvent sous-représentée également. Bernard Duvernay a pu constater de nombreuses lésions (des crapauds, des seimes mal gérées, des fourbures qui laissent des marques indélébiles), car les maréchaux autochtones ne savent pas rééquilibrer la boîte cornée. « Notre formation repose sur l’image, sur des travaux pratiques, nous montrons que la maréchalerie est un art. Dans ces pays où le maréchal est un paria, voire négligé, nous voulons aussi lui dire qu’il a un avenir devant lui, a poursuivi Bernard Duvernay. C’est un terrain vierge où nous pouvons transmettre notre savoir-faire sans ego. »
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