Le théâtre commun des émotions

La pensée occidentale a longtemps interdit aux animaux la vie affective développée que tous ceux qui vivent avec eux expérimentent pourtant avec évidence. Le vent tourne à la fin des années 60 quand de longues études de terrain montrent que le comportement de nombreuses espèces est plus complexe que ce que la science a reconnu jusque-là. Les recherches développées depuis (en biologie évolutive, en neurosciences sociales, en éthologie cognitive) corroborent l’opinion selon laquelle les animaux éprouvent des émotions primaires¹, mais sont aussi des êtres empathiques et moraux.

Les humains ne sont plus les seuls acteurs dans le théâtre des émotions. Le livre de l’éthologue américain Marc Bekoff (réédité en poche) réaffirme l’importance de celles-ci, tant pour les animaux que pour les hommes avec qui ils partagent la planète. L’auteur souligne par là qu’il importe d’en tirer les conclusions éthiques qui s’imposent. On l’aura compris, il s’agit d’un livre engagé. L’une de ses originalités majeures est son appel chaleureux et argumenté pour une science du vivant moins hautaine et obtuse. Si le propos ne convaincra pas les plus sceptiques, il apporte, comme l’écrit Jane Goodall dans sa préface, « une voix puissante au chœur de ceux qui veulent transformer nos comportements vis-à-vis des animaux ».

• 1 N’exigeant aucune pensée consciente, elles incluent les émotions universelles énoncées par Darwin (peur, colère, dégoût, surprise, tristesse et contentement).