Formation
PRODUCTIONS ANIMALES/ANIMAUX DE RENTE
Auteur(s) : Karim Adjou
Le recours à un autovaccin est autorisé seulement dans les cas où il n’existe pas de vaccins avec autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la maladie concernée et lors d’inefficacité avérée d’un vaccin commercial1. Leur utilisation présente des avantages, mais aussi des limites.
Un autovaccin peut être fabriqué et délivré dans un très court laps de temps si l’agent pathogène a été identifié, grâce à l’allégement réglementaire dont il bénéficie par rapport aux dossiers d’AMM. Les autovaccins permettent ainsi de vacciner en “urgence”, avant le développement éventuel de vaccins avec AMM, qui prendront le relais par la suite.
Pour exemple, il existe des autovaccins pour des bactéries “émergentes” telles que Riemerella anatipestifer chez les canards ou Campylobacter jejuni chez les ovins.
Pour fabriquer un autovaccin, une demande d’autorisation est à déposer, pour le nouvel agent pathogène et l’espèce cible, auprès du directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).Ce dernier autorise la fabrication de l’autovaccin et ajoute le nouvel agent sur la liste des pathogènes autorisés pour l’espèce cible. En général, cette démarche prend une quinzaine de jours et est légalement inférieure à un mois. L’autovaccin est ensuite fabriqué en quelques semaines (cinq en moyenne) puis délivré au vétérinaire prescripteur.
Il y a un réel manque de médicaments vétérinaires, en particulier de vaccins avec AMM, pour les espèces et les indications mineures. Cette carence en vaccins commerciaux est notamment bien réelle pour certaines bactéries (riemerelles, colibacilles, Ornithobacterium, Yersinia, staphylocoques, certaines salmonelles, spirochètes, etc.) pour lesquelles les autovaccins représentent une solution intéressante.
Dans le cas de l’autovaccin, est directement utilisée la souche de la bactérie isolée dans l’élevage : l’antigène vaccinal est donc identique à l’agresseur. Les autovaccins permettent ainsi de s’adapter aux variations qui interviennent en élevage (nouvelle souche, dérive antigénique). La vaccination de l’ensemble des animaux par un autovaccin spécifique de la souche de l’élevage peut alors contribuer à l’élimination d’une maladie chronique.
Quelques espèces bactériennes ont tendance à muter facilement ou se caractérisent par une forte variabilité, rendant l’obtention d’une AMM aléatoire et justifiant le recours aux autovaccins : Streptococcus suis chez le porc, Rhodococcus equi chez le cheval, Avibacterium paragallinarum chez la poule, etc.
Le processus de fabrication des autovaccins permet d’adapter la voie d’administration à l’espèce.
Par exemple, la voie intradermique chez le lapin assure une meilleure protection vaccinale.
Chez les poissons, les autovaccins peuvent être injectés par voie intrapéritonéale aux individus d’un poids supérieur à 20 g, par l’immersion de l’alevin dans une solution diluée d’antigène, ou par voie orale avec des formes gastroprotégées.
La vaccination par injection sous-cutanée ou intramusculaire, la méthode la plus courante, permet d’obtenir une réponse immunitaire systémique. Cependant, pour certaines maladies, l’immunité systémique n’est pas aussi efficace que l’immunité locale. Il est donc plus approprié d’administrer le vaccin par les voies naturelles de l’infection et d’utiliser des formulations permettant une immunisation par voie muqueuse.
De plus, il est possible de développer des formes galéniques innovantes susceptibles de réduire les interventions humaines et de traiter un grand nombre d’animaux, comme le recours à des autovaccins adaptés à l’aérosolisation ou à une administration par voie orale.
Les autovaccins permettent d’associer plusieurs valences, ce qui diminue le nombre d’injections vaccinales. Le coût des manipulations, les nuisances qui en résultent pour les opérateurs et le stress occasionné chez les animaux sont ainsi réduits.
Pour être autorisés par l’Anses, les autovaccins ne doivent contenir que des substances associées à des temps d’attente nuls. Il s’agit d’un point essentiel, surtout dans certaines filières où le cycle de production est très court.
Ces indications ne constituent pas une liste exhaustive, le principe de l’autovaccin étant sa souplesse de mise en œuvre et sa fabrication “sur mesure”. Ainsi, le recours à l’autovaccin résulte le plus souvent du caractère récurrent d’une affection dans un élevage et, bien entendu, de l’isolement de l’agent responsable à partir de lésions. L’émergence de nouvelles maladies infectieuses, la volonté de diminuer l’utilisation des antibiotiques par la prévention, les problèmes de multirésistances sont autant de facteurs qui contribuent au développement de leur utilisation. Les autovaccins fournissent donc un certain nombre d’avantages par rapport aux traitements conventionnels (voir tableau 1). à la différence de vaccins purement préventifs, ils peuvent être utilisés pour traiter une infection en cours (vaccin thérapeutique), sont spécifiques de la souche, permettent le traitement de maladies infectieuses pour lesquelles aucun vaccin classique n’est disponible, etc. Toutefois, leur utilisation n’est pas sans limites.
Le cadre réglementaire associé à l’utilisation des autovaccins les prédispose à un certain échec, car ils ne peuvent être utilisés que dans les élevages où l’infection par cette souche particulière, contenue dans l’autovaccin, est déjà répandue. Ainsi, la probabilité est forte de vacciner des animaux déjà infectés (W. Agnewa, 2007). L’usage des autovaccins s’effectue donc surtout dans le cadre d’une métaphylaxie (chez des animaux déjà cliniquement malades et apparemment sains), en réponse à une épidémie existante. L’emploi d’un autovaccin dans le cadre d’une prévention est envisageable pour empêcher la propagation d’une épidémie, mais seulement dans les élevages qui possèdent plusieurs lots d’animaux, ce qui est souvent le cas dans les filières intégrées (Tizard, 2009).
De plus, il est impossible de vacciner plusieurs élevages avec des liens épidémiologiques. Cela constitue un véritable frein dans la gestion des élevages de porcs, de volailles et de poissons.
Pour le moment, ils sont également interdits chez les ruminants et pour tout agent pathogène non bactérien. Il est donc exclu de les utiliser pour des affections virales, contrairement aux pratiques dans la majorité des pays de l’Union européenne et aux États-Unis.
L’emploi d’un autovaccin doit avoir un fondement scientifique. Cela signifie qu’un diagnostic a été établi et que l’organisme identifié est bien responsable des baisses de production (reproduction, performance, mortalité, etc.). Trouver seulement un organisme sans aucune preuve de maladie ou de problèmes de production ne signifie pas automatiquement qu’il faut contrôler ou éliminer cet agent avec un vaccin.
Rappelons également que la vaccination doit être utilisée de façon raisonnée, car elle empêche le dépistage sérologique d’une infection sur le terrain, les anticorps postvaccinaux et postinfectieux n’étant pas différenciables. L’utilisation d’autovaccins peut alors bloquer les possibilités d’exportation et influencer l’utilisation des animaux pour la reproduction.
→ Limites liées à l’agent pathogène introduit dans l’autovaccin
Encore une fois, la vaccination réussie exige l’utilisation de souches bactériennes appropriées. Dans certaines situations, les autovaccins peuvent se montrer inefficaces, comme les vaccins commerciaux, car la pathogénie ou l’agent étiologique de la maladie sont encore mal compris.
Par ailleurs, la présence de sous-populations dans un élevage, par mutation ou introduction, est un facteur de maintien de la transmission de bactéries. En effet, de nombreuses souches circulent en même temps et il n’est pas toujours possible de vacciner contre toutes celles d’un même agent pathogène. De plus, le délai de fabrication d’un autovaccin est d’au moins cinq semaines : ce laps de temps, pourtant très court, peut être suffisant pour l’introduction d’un nouveau sérotype virulent ou pour la mutation de la bactérie isolée dans l’élevage, rendant l’autovaccin moins efficace. Ce cas de figure est parfois rencontré lors d’actinobacilloses chez le porc.
→ Limites liées au processus de fabrication de l’autovaccin
Un manque d’efficacité des autovaccins est possible, notamment par un défaut de stabilité, une adsorption des antigènes par les adjuvants, une déficience de la production d’antigènes protecteurs avant l’inactivation, une dégradation des antigènes lors de l’inactivation, etc. L’efficacité des autovaccins est présumée, mais non démontrée, contrairement aux vaccins avec AMM. Le coût et la logistique pour évaluer rapidement l’efficacité d’un autovaccin chez l’espèce cible sont en effet souvent prohibitifs. Le vétérinaire prescripteur joue alors un rôle important pour évaluer l’efficacité de l’autovaccin à travers son suivi des animaux de l’élevage. En cas d’inefficacité, il doit faire une déclaration de pharmacovigilance.
En outre, si les autovaccins multivalents sont intéressants pour réduire la manipulation des animaux, l’inoculation simultanée de plusieurs antigènes entraîne parfois une synergie ou un antagonisme entre eux. Un antigène peut ainsi dominer le mélange, ou interférer avec la réponse immunitaire des autres.
1 Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1523 du 18/1/2013 en pages 48-49. Source : Lacroix A.-S. Place des autovaccins dans la lutte contre les maladies chez les espèces de rente. Thèse vétérinaire, ENV d’Alfort (2012).
→ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Liste des établissements de préparation d’autovaccins autorisés par l’Anses-ANMV [en ligne]. Mise à jour le 11 mai 2012. [http://www.etavet.anmv.anses.fr:8080/doc/Liste_EPAV.pdf].
→ Thibault E. Les autovaccins chez les petits ruminants. In : Comptes rendus des Journées nationales des GTV. Tours. 26 au 28 mai 2004. Paris, SNGTV, 2004, 925-931.
→ Thibault E. Les autovaccins en aviculture. In : Colloque « Biosécurité et vaccination en pathologie aviaire ». Maisons-Alfort. 18 au 19 juin 2009. 199-200.
→ Vandaële E. Les autovaccins sont un recours en l’absence d’autres vaccins. Point Vet., 2005, n° 260, 14-15.
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