La directive “services” : tout ce qu’il faut savoir - La Semaine Vétérinaire n° 1524 du 25/01/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1524 du 25/01/2013

Dossier

Auteur(s) : Clarisse Burger

Depuis six ans, la directive “services” génère de nombreux débats, parfois houleux, au sein de l’Union européenne. Sa transposition dans notre droit national est partielle et tardive. Ce cadre juridique est censé dynamiser le marché européen des services et faciliter les procédures et les formalités imposées aux prestataires. La plupart des professions libérales réglementées (dont les vétérinaires) sont concernées par ce texte européen. Radioscopie de la situation pour les praticiens.

Adoptée en 2006 par les députés européens, la directive “services” a, depuis, fait couler beaucoup d’encre. De quoi s’agit-il ? C’est un cadre législatif qui permet la libre circulation des services dans le marché européen. Les 27 États membres disposent aujourd’hui de « quatre libertés » de circulation dans l’espace économique communautaire : celles des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Elles sont garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’acte fondateur auquel doivent se conformer tous les pays membres.

LE CHAMP D’APPLICATION DE LA DIRECTIVE

Cette directive européenne s’applique à un large éventail de services (voir encadré en page 28). Les prestations des vétérinaires y sont incluses, car la Commission européenne ne les considère pas comme une profession de santé. Son objectif est de simplifier les modalités d’établissement d’une entreprise dans un État membre. Cela signifie, d’une part, que les professionnels européens peuvent exporter leurs services et établir leur entreprise dans le pays de l’Union de leur choix, et d’autre part, que le marché des services d’un État membre est ouvert à tous. Il est donc interdit de traiter différemment un produit ou un service importé et d’imposer des règles contraignantes ou injustifiées (nombre minimal d’employés, restrictions territoriales, etc.). En contrepartie, ces professionnels s’engagent à respecter la législation du pays hôte (en matière de rémunération, de protection sociale, etc.).

Le champ d’application de la directive “services” va moins loin que la version précédente (appelée directive Bolkenstein, du nom de son concepteur, un député libéral) qui avait provoqué de vifs débats, en raison de son “principe du pays d’origine”. Ce dernier soumettait le prestataire aux dispositions légales de son propre pays qui n’étaient, dans certains cas, pas du tout avantageuses. L’exemple du “plombier polonais” l’illustre bien : celui-ci aurait travaillé en France selon les règles de son pays (à bas coût horaire, par exemple) en imposant de fait une concurrence déloyale vis-à-vis du pays d’accueil. Bien qu’illégale et contraire à la directive “services”, cette pratique sévit actuellement en France, notamment dans le secteur du bâtiment.

LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE DANS LE DROIT FRANÇAIS

Au nom du principe de primauté, à savoir celui de la supériorité du droit européen sur le droit national, les États membres doivent s’adapter à la directive “services”, harmoniser, voire modifier leurs codes pour s’y conformer. Le dernier rapport de la Commission européenne sur l’état de la transposition de la directive (daté du 8 juin 2012) pointe le retard de certains pays, dont la France.

En ce qui concerne la profession vétérinaire, certaines dispositions du Code rural (donc du Code de déontologie) ont été réformées. « Il s’agit, pour la première fois depuis que le Code de déontologie existe, d’une mise en conformité de nos règles avec une directive d’une telle ampleur, puisque tous les accès à nos activités et leur exercice sont concernés par cette loi européenne », souligne le vétérinaire Christian Lemaire.

Si le texte européen bouleverse leur mode d’organisation, il devrait permettre également de dynamiser l’activité des services vétérinaires. Il a fallu plus de trois ans pour transposer la directive “services” à la profession. Le décret du 8 juillet 2010 a adapté le livre II du Code rural à ce texte. Il y a eu plusieurs thèmes de réflexion liés à cette transposition. Les dispositions qui ont fait ou feront l’objet de modifications concernent l’unicité du domicile professionnel d’exercice (DPE), l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) aux tiers non vétérinaires, la constitution de holdings vétérinaires appelées sociétés de participation financière de professions libérales (SPFPL). Quant aux conditions d’accès à la profession vétérinaire, qui est réglementée, elles sont inscrites dans la directive 2005/36 relative aux qualifications professionnelles.

LES CHANGEMENTS POUR LES VÉTÉRINAIRES

Force est de constater que les réformes du Code de déontologie n’ont été que partielles ou tardives pour la profession. Trois mesures ont d’abord été supprimées, à commencer par l’unicité du mode d’exercice. Dorénavant, le vétérinaire peut exercer son métier sous plusieurs formes (à titre individuel, en tant qu’associé d’une SEL par exemple). La limitation du nombre de DPE (fixée à trois auparavant) détenus simultanément par une SEL a été abandonnée.

En outre, un praticien n’est plus limité quant au nombre de collaborateurs libéraux ou de salariés avec lesquels il souhaite travailler. L’exercice simultané sous plusieurs formes et dans plusieurs cabinets vétérinaires a ensuite été autorisé. En octobre dernier, deux mesures ont été retirées par le Conseil d’État : celle de la durée minimale d’ouverture du DPE déclarée contraire à la directive “services” et, dans la même logique, l’obligation d’un vétérinaire administrateur par DPE devenue caduque.

Néanmoins, la directive permet de maintenir certaines règles, si elles sont justifiées. Les États membres disposent donc d’une marge de manœuvre pour tenir compte de spécificités nationales et/ou professionnelles.

Pour le moment, les mesures liées à la communication et au démarchage pour les vétérinaires restent inchangées (sauf pour les sites Web : art. 247-72 abrogé). La publication d’un décret d’application sur ce thème est attendue, le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO) devant transmettre ses propositions à la Direction générale de l’alimentation (DGAL).

Une nouveauté : la constitution de holdings de sociétés vétérinaires (les SPFPL qui résultent de la loi Murcef de 2001) a été autorisée via un décret d’application, en décembre 2012. Ces nouvelles structures d’exercice confèrent des avantages juridiques et fiscaux (tels la détention de parts de SEL).

Le cadre législatif général de la directive “services” n’est aujourd’hui pas complètement transposé. Certains professionnels dénoncent la rigidité des règles du Code de déontologie. L’exercice sous diverses formes juridiques (sociétés anonyme, par actions simplifiées ou en commandite par actions) n’est pas autorisé aux vétérinaires. De même, l’ouverture du capital social aux investisseurs (à hauteur de 25 % pour les SEL vétérinaires) n’atteint pas 50 %. Il reste à savoir quand le décret concernant l’ouverture totale de la communication commerciale et de la publicité, dans le respect des devoirs professionnels (éthique, secret professionnel, respect du client, etc.), verra le jour.

Dans ce contexte de transposition inachevée, et en l’absence de bilan, il est encore difficile d’évaluer les bénéfices de la directive “services” pour la profession vétérinaire.

LA DIRECTIVE “SERVICES” EN CINQ POINTS

> Définition

Cet acte juridique, pris par l’Union européenne, définit un cadre législatif relatif aux services dans le marché intérieur. Il a été adopté et voté le 12 décembre 2006 (directive 2006/123/CE), après plusieurs amendements édictés par le Conseil et le Parlement européens. Mise en œuvre : au plus tard le 28 décembre 2009.

> Objectifs

Le but est de faciliter la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne, et de renforcer les droits des destinataires des services en tant qu’utilisateurs de ces derniers. Il s’agit aussi de promouvoir des secteurs, tout en tenant compte de la spécificité de certaines activités ou professions. L’objectif est de valoriser la qualité de services en Europe et d’abroger les règles nationales qui freineraient le développement et l’établissement des entreprises.

> Application

La directive s’applique à un large éventail de services destinés aux entreprises et aux particuliers. Elle concerne la plupart des professions libérales réglementées, dont les vétérinaires, les avocats, les architectes, les experts-comptables, les géomètres-experts. En revanche, elle ne concerne pas les métiers en santé humaine, ou juridiques comme les notaires et les huissiers de justice. Selon ce texte européen, il s’agit de « toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 50 du traité ».

> Transposition en droit français

Les États membres de l’Union européenne doivent transposer la directive dans leur droit national. C’est le principe de la primauté du droit européen qui s’applique. Chaque pays doit modifier, voire abroger les règles nationales contraires au texte de loi européen. Il doit supprimer les exigences contraignantes (discrimination fondée sur la nationalité, interdiction d’inscription à l’Ordre de plusieurs États membres, etc.) de ses règles internes. La non-transposition de la directive peut aboutir à une procédure de manquement devant la Cour de justice européenne.

> Rôle de l’Ordre

La directive laisse aux instances nationales la compétence pour transposer le texte européen dans le droit national. En France, l’Ordre des vétérinaires a été chargé par la DGAL de faire des propositions réglementaires. Le décret du 8 juillet 2010 a modifié le livre II du Code rural et de la pêche maritime.

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