La transfusion sanguine en pratique - La Semaine Vétérinaire n° 1525 du 01/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1525 du 01/02/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Agnès Faessel*, Julien Guillaumin**

Fonctions :
*diplomate Acvecc, professeur assistant en urgences et soins intensifs au Centre médical vétérinaire de l’université de l’Ohio (États-Unis)

POINTS FORTS

– La transfusion répond à plusieurs indications (anémie, déficit en facteur de coagulation, thrombocytopénie).

– Dans l’idéal, une partie seulement des constituants du sang est transfusée, selon les besoins de l’animal.

– Du recrutement du donneur à l’injection au receveur, la transfusion se déroule selon des étapes précises.

INDICATIONS

Anémie

Une anémie est définie par un déficit en érythrocytes. Elle peut être régénérative (hémorragique, à la suite d’un traumatisme ou d’un trouble de l’hémostase, ou hémolytique, à médiation immune ou non) ou arégénérative (lors de trouble médullaire, d’insuffisance rénale, etc.), le plus souvent chronique dans ce cas.

En l’absence de valeur seuil validée, la décision de transfusion s’appuie essentiellement sur des critères cliniques. Les symptômes de l’anémie sont une tachycardie, une tachypnée, une intolérance à l’effort et, parfois, un collapsus cardiovasculaire. Leur gravité dépend de la rapidité d’installation de l’anémie, de la capacité de régénération des hématies et des mécanismes compensatoires développés (lors d’anémie chronique en particulier). L’hématocrite (inférieur à 10 ou 12 %), l’hémoglobinémie (3 à 4 g/dl) et la lactatémie apportent toutefois des éléments objectifs de décision.

Idéalement, le praticien transfuse un culot globulaire : 1 ml/kg pour une augmentation de l’hématocrite d’un point. À défaut, du sang frais à la dose de 2 ml/kg offre un résultat équivalent. La quantité transfusée est évaluée dans l’objectif d’une résolution des signes cliniques, généralement obtenue lorsque l’hématocrite remonte à 25 %. Lors de trouble immunitaire, le volume est réduit au minimum. Dans tous les cas, l’hématocrite est contrôlé après la transfusion.

Ainsi, un chien de 10 kg présentant un hématocrite de 10 % a besoin de 300 ml de sang frais (2 ml x 15 points = 30 ml/kg, donc 300 ml). En pratique, une poche de sang de 250 ml sera transfusée.

Déficit en facteur de coagulation

Les causes d’un déficit en facteur de coagulation sont variées : intoxication aux anticoagulants (antivitamine K), insuffisance hépatique, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) en phase hémorragique, etc. La décision de transfuser repose surtout sur la clinique (hémorragie active), ainsi que sur une augmentation du temps de coagulation. Celui-ci est évalué par le temps de Quick, de céphaline activée ou de Lee-White (coagulation globale sur un tube de verre). La présence d’un saignement actif est confirmée par l’observation d’un hémothorax, d’un hémo-abdomen, ou d’une hémorragie nasale ou intestinale. La transfusion est déconseillée si seuls les temps de coagulation sont anormaux, sans hémorragie active.

Le traitement fait appel à la transfusion de plasma frais ou d’un soluté équivalent (à la dose de 10 à 15 ml/kg), ou de sang frais (20 à 30 ml/kg). Les volumes totaux transfusés sont à limiter.

Thrombocytopénie

Un déficit en plaquettes résulte d’une altération de leur production (atteinte de la moelle osseuse), d’une surconsommation (en cas d’hémorragie, de trouble de l’hémostase ou de splénomégalie) ou d’une destruction des thrombocytes (lors de thrombocytopénie auto-immune, notamment). Les symptômes cliniques sont des saignements cutanés et/ou muqueux (au niveau de la cavité buccale, de l’œil, etc.). La numération et la formule sanguines, ainsi que l’observation d’un frottis sanguin sont des examens complémentaires utiles (qui révèlent notamment une chute de l’hématocrite). L’évaluation des temps de saignement est, en revanche, peu informative. Des troubles de l’hémostase surviennent à partir de concentrations inférieures à 60 000 à 100 000 plaquettes/µl. Lors de concentrations très basses (10 000 à 20 000/µl), des saignements spontanés apparaissent.

Ici encore, la clinique guide le choix de transfuser l’animal. La transfusion est inévitable en cas de saignement massif ou lorsque le pronostic vital est engagé (lors d’une hémorragie cérébrale, par exemple).

La transfusion de sang frais est habituelle en France (aucun concentré plaquettaire n’y est commercialisé). Elle débute à la dose de 10 à 20 ml/kg.

LA TRANSFUSION PAS À PAS

Recrutement du donneur

Le chien donneur est jeune (d’un à six ans), de bon tempérament, et pèse entre 25 et 40 kg. Il est correctement vacciné et déparasité. Il est indemne de babésiose et de leishmaniose (ce qui implique un examen sérologique préalable). Son groupe sanguin est connu. Il peut procurer un volume de sang correspondant à 10 à 15 % du volume total (soit 100 à 150 ml/10 kg de poids) toutes les trois semaines.

Le chat donneur est également âgé de 1 à 6 ans et pèse plus de 5 kg. C’est un animal d’intérieur, vacciné, déparasité, testé négatif vis-à-vis des virus de la leucose féline (FeLV) et de l’immunodéficience féline (FIV) (et idéalement aussi pour la bartonellose), et de groupe sanguin identifié. Il est facile à anesthésier et peut fournir 60 ml toutes les trois semaines.

Prélèvement de sang

Le prélèvement de sang est précédé d’un examen clinique du donneur et de sa pesée. L’animal est positionné en décubitus latéral ou sternal. La zone de ponction (veine jugulaire) est tondue et préparée chirurgicalement. La poche vide est pesée. Elle peut être placée sur une balance, tarée de sorte à indiquer le poids au fur et à mesure du prélèvement (1 ml de sang = 1 g). Une pression de la veine en aval du point de prélèvement est réalisée pour faciliter la ponction jugulaire à l’aide du trocart. Ensuite, le sang coule par gravité. La poche de sang est agitée doucement tous les 50 à 70 ml prélevés. Lorsque la quantité requise est obtenue (60 ml au maximum chez le chat), la tubulure est clampée. Si plusieurs poches sont disponibles, la centrifugation du sang prélevé permet de séparer le plasma, qui est conservé séparément.

L’ensemble de la procédure est effectué chez un animal éventuellement sédaté ou anesthésié (l’anesthésie est presque indispensable chez le chat). Le port de gants stériles est obligatoire.

Une numération et une formule sanguines et une analyse biochimique du prélèvement sont pratiquées avant toute transfusion. Idéalement, le clinicien laisse sédimenter la poche afin d’éliminer les grosses particules. Le sang est administré via une tubulure spéciale comportant un filtre (200 µ). Malgré toutes ces précautions, le risque infectieux ne peut être totalement écarté.

Contrôle de compatibilité

Le reliquat de sang contenu dans la tubulure est utilisé pour réaliser un cross-match. Ce test est toujours recommandé, surtout dans l’espèce féline ou avant une seconde transfusion chez le chien. Il diminue le risque d’hémolyse post-transfusionnelle chez le receveur. Le cross-match majeur correspond au mélange des globules rouges du donneur (culot de centrifugation) avec le sérum du receveur. C’est l’opération inverse pour le test mineur. L’incompatibilité se manifeste par une agglutination, visible à l’œil nu ou sous microscope.

Transfusion au receveur

La transfusion s’effectue par voie intraveineuse, sur une durée de quatre heures si l’animal est normovolémique. Elle débute à la dose de 1 à 5 ml/kg/h pendant 15 à 60 minutes, puis le volume est augmenté selon l’effet à 5 à 20 ml/kg/h. Le suivi de l’animal comporte un contrôle de son attitude et de son état général, ainsi que les mesures de la température rectale, et des fréquences cardiaque et respiratoire, toutes les 15 minutes pendant une heure, puis toutes les 30 à 60 minutes.

EFFETS INDÉSIRABLES

La réaction la plus grave susceptible de survenir chez le receveur est liée à l’incompatibilité entre son groupe sanguin et celui du donneur (voir encadré ci-contre). Celle-ci peut entraîner une hémolyse aiguë, provoquant un choc et une insuffisance rénale aiguë possiblement mortels.

Une réaction anaphylactique peut également se produire, à l’origine d’un prurit, d’une rougeur ou de vomissements. La transfusion est alors arrêtée de suite, pour éventuellement être tentée de nouveau plus tard.

En cas d’hyperthermie (signe d’incompatibilité des leucocytes ou des plaquettes), la transfusion est interrompue, puis reprise à faible vitesse. D’autres effets indésirables peuvent être observés, comme une hypervolémie (surcharge volémique), une hypocalcémie, une hypothermie ou la transmission d’une maladie infectieuse.

CONSERVATION DES PRÉLÈVEMENTS

Les culots globulaires se conservent environ trois semaines au réfrigérateur. Le plasma congelé peut être stocké pendant deux ans (à – 20 °C). La fragilité des plaquettes, en revanche, limite leur durée de vie à quelques heures (de six à huit heures). En pratique, le sang frais est utilisé immédiatement, sans stockage.

GROUPES SANGUINS DES CARNIVORES DOMESTIQUES

> Chez le chien, huit à neuf groupes sanguins sont différenciés, mais le DEA 1.1 est le plus important en pratique. La première transfusion comporte un faible risque d’incompatibilité. Les transfusions suivantes sont plus risquées, car le receveur aura produit des anticorps contre les constituants du sang préalablement reçu s’il est de groupe différent. Par exemple, si un chien DEA 1.1 négatif reçoit du sang d’un chien DEA 1.1 positif, le receveur va produire des anticorps anti-DEA 1.1, à l’origine d’une réaction hémolytique sévère si la seconde transfusion provient d’un individu DEA 1.1 positif.

> Chez le chat, le groupe sanguin A est le plus fréquent (90 % des individus). Le groupe B est répandu dans certaines régions (en Turquie, par exemple) et dans quelques races (l’abyssin, le persan, le devon rex). Le groupe AB reste rare. Le chat développe des anticorps naturels contre les constituants des autres groupes sanguins, ce qui génère un risque d’hémolyse dès la première transfusion.

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