Causes métaboliques du décubitus chez la vache laitière - La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU

Fonctions : maître de conférences, service de pathologie médicale du bétail à l’ENV d’Alfort.

La “vache couchée après le vêlage”, un trouble bien connu des éleveurs laitiers, est un syndrome, car plusieurs causes sont identifiées et peuvent coexister. L’hypocalcémie post-partum, ou “fièvre de lait”, est la plus fréquente, mais non la seule. D’autres causes métaboliques peuvent provoquer un décubitus chez l’animal.

L’HYPOCALCÉMIE

L’hypocalcémie (ou fièvre de lait) est une maladie apyrétique de la vache laitière adulte, dans laquelle un déficit aigu de calcium sanguin entraîne un dysfonctionnement neuromusculaire. Son incidence augmente avec le niveau de production. La concentration intracellulaire de calcium est comparable chez des vaches à terre et chez leurs congénères “périparturiantes” normales, malgré une hypocalcémie plus sévère, alors que la concentration en sodium est augmentée et celle en potassium diminuée. La baisse d’appétit et le ralentissement du transit intestinal, fréquents chez les vaches parturientes, créent une baisse de l’absorption intestinale qui majore la sévérité de l’hypocalcémie.

Les facteurs prédisposants sont essentiellement d’ordre alimentaire : un excès de calcium dans la ration de tarissement, un rapport phosphocalcique inadéquat, une sur-alimentation. De plus, l’augmentation du taux d’œstrogènes qui circulent au moment de l’œstrus entraîne une baisse d’appétit, associée à de possibles fièvres vitulaires atypiques chez les vaches hautes productrices.

Trois stades cliniques sont clas­siquement distingués.

→ Stade I. La vache est dans un état d’excitation moyen, assez nerveuse, hypersensible à son environnement, elle présente une légère tétanie, mais sans décubitus. Anorexique et faible, l’animal passe le poids de son corps de gauche à droite et traîne les pieds au sol. Ces signes d’appel passent souvent inaperçus, car ils sont subtils et de courte durée. Un examen clinique effectué à ce stade montrerait de la tachycardie et une légère hyperthermie due à l’augmentation de l’activité, ainsi qu’un décubitus sternal secondaire à une paralysie flasque.

→ Stade II. La vache est dans un état de dépression, la tête tournée vers le flanc ou tendue vers l’avant. Le déséquilibre du tonus musculaire de l’encolure entraîne sa flexion en S. L’examen clinique montre de fines trémulations musculaires, une augmentation du rythme cardiaque avec une diminution de l’intensité des bruits. Les extrémités sont mal perfusées et froides. Tous les muscles lis­ses sont concernés par l’hypocalcémie, ce qui entraîne une atonie gastro-intestinale, une légère météorisation, de la constipation et une perte du réflexe anal. Les pupilles sont dilatées et le réflexe pupillaire est absent. Cette phase dure entre une et douze heures.

→ Stade III. La perte progressive de conscience conduit à un état comateux. La vache est en décubitus latéral sans aucune réaction. La météorisation est alors sévère et les symp­tômes de défaillance cardiaque empirent (bruits quasi inaudibles, fréquence supérieure à 120 battements par minute, forte baisse de pression artérielle et pouls non détectable). En l’absence d’un traitement rapide, la mort de l’animal est inéluctable en quelques heures.

L’HYPOKALIÉMIE

La baisse du taux de potassium dans le sang est secondaire à de nombreuses affections d’origine digestive, et elle ne semble pas être primitive. Les apports en potassium dans la ration sont habituellement largement supérieurs aux besoins d’entretien et de production, la source majeure étant le fourrage. Tout jeûne (ou diète) peut entraîner rapidement une chute de la kaliémie. L’animal est dépendant d’un apport quotidien, car cet électrolyte ne se stocke pas.

Le syndrome hypokaliémique est caractérisé par l’association d’une paralysie flasque (qui se traduit par un port particulier de la tête) ou d’une parésie, d’une tachycardie, d’une hypomotilité ou atonie ruminale, et d’un fumier anormal. Souvent, la vache est couchée, la tête et l’encolure repliées le long de son thorax, dans une attitude dite d’auto-auscultation. Ou alors l’encolure, dirigée vers l’avant, n’est plus rectiligne, mais en forme de S. La vache est consciente, sans fièvre, et réagit aux stimuli, mais elle est incapable de se lever ou de se maintenir debout (même relevée à la pince, par exemple).

Le diagnostic repose sur l’association de ces signes cliniques avec une kaliémie inférieure à 2,5 mmol/l.

Le pronostic est réservé à grave et dépend en grande partie de la qualité des soins de support fournis.

LA MAGNÉSIÉMIE

Le plus souvent, une hypermagnésiémie intensifie la paralysie via une diminution des décharges d’acétylcholine. Parfois, une hypomagnésiémie entraîne une hyperesthésie, une tétanie et une tachycardie.

Le magnésium joue également un rôle dans la gravité des signes d’hypocalcémie par sa participation à la balance électrolytique. Un taux de calcium diminué, associé à un taux de magnésium normal ou augmenté, crée une forte baisse du rapport Ca/Mg, ce qui entraîne un coma plus ou moins sévère selon l’importance de la chute de ce rapport. En revanche, si les taux de calcium et de magnésium baissent dans des proportions comparables, le rapport Ca/Mg est peu perturbé et l’animal ne présente pas de coma, mais plutôt de l’excitation, voire des convulsions.

Chez la vache grasse en fin de gestation, il existe souvent une hypomagnésiémie subclinique. Cela diminue la possibilité de mobilisation du calcium en réserve, par une baisse de l’hydroxylation de la vitamine D et de la synthèse de la parathormone, ainsi que par une diminution de l’efficacité de son action sur les os et les reins.

L’HYPOPHOSPHATÉMIE

Après une amélioration passagère de la fièvre vitulaire, l’hypophosphatémie est considérée comme l’une des causes qui favorisent le prolongement du décubitus. Le taux de phosphore inorganique est toujours bas lors des rechutes d’une parésie vitulaire, alors que la calcémie est souvent revenue à un niveau quasi normal. Il est difficile de relier, de manière stricte, le profil biochimique aux signes cliniques car, en d’autres circonstances, une hypophosphatémie de longue durée n’induit pas de symptôme caractéristique, en particulier aucun trouble nerveux.

L’apport conjugué de calcium et de phosphore dans le traitement des parésies vitulaires est courant et fréquemment couronné de succès. Dans ce cas, la vache est consciente, en décubitus sterno-abdominal, les grandes fonctions ne sont pas perturbées, l’animal est attentif et tente de se relever, mais une défaillance du train postérieur l’en empêche. Une faiblesse musculaire généralisée est observée, les articulations du boulet sont très flexibles, les muscles jambiers et ceux de la croupe ont perdu leur consistance normale : il s’agit alors d’une paralysie flasque. Le taux de phosphore sanguin est souvent bas, alors que l’hypocalcémie n’est pas toujours marquée.

Elle touche généralement des vaches âgées et les meilleures productrices dont les besoins sont plus élevés et les réserves plus basses. Sa fréquence augmente en hiver, chez les animaux en stabulation qui sont privés d’exposition au soleil et de ses effets bénéfiques sur la synthèse de la vitamine D. Enfin, bien que parfaitement équilibrée en théorie, la ration effective des vaches laitières est souvent déséquilibrée dans les faits (carence en vitamine A perturbant l’absorption intestinale des minéraux, excès de calcium transformant le phosphore disponible en phosphate tricalcique non assimilable). L’accumulation de petits déséquilibres alimentaires est l’une des causes qui favorisent le déficit en phosphore. En outre, la production de vitamine D3 active évolue dans le sens inverse de la phosphatémie. Augmenter la ration en phosphore n’est donc pas le meilleur moyen de lutter contre la parésie vitulaire.

LE SYNDROME DE LA VACHE GRASSE

La vache grasse est celle qui n’a subi aucune restriction alimentaire pendant le tarissement. Elle se trouve en déséquilibre alimentaire depuis longtemps, mais ne l’extériorise que quelques jours après le vêlage, sous trois formes possibles :

→ une hépatonéphrose puerpérale : la vache est en état de choc avancé, sa fréquence respiratoire est augmentée, ses mouvements respiratoires sont profonds et plaintifs. Une congestion et un œdème pulmonaires sont notés, associés à une tachycardie, à une cyanose des muqueuses (parfois de couleur jaune safran à cause de l’ictère), à une anorexie,à un arrêt de la motricité du tube digestif, à des fèces brunes, rares, collantes, à l’aspect muqueux. Une chute brutale de la production laitière est également observée, fréquemment associée à une rétention placentaire et à une métrite ;

→ une forme parétique ;

→ une forme aiguë, beaucoup plus grave. La vache est dans un état d’hyperexcitabilité et présente une hypersalivation, des mouvements anormaux de mastication, une amaurose et de l’agressivité.

La sévérité de l’affection est davantage liée à l’état corporel au moment du vêlage qu’à la perte de condition. La vache grasse au vêlage est prédisposée à toutes les maladies de la période du post-partum immédiat : parésie vitulaire, cétose, déplacement de caillette, rétention placentaire, mammites et métrite. La meilleure prévention tient dans la maîtrise de la période de tarissement.

LA CÉTOSE

La forme parétique de la cétose s’accompagne de l’amaigrissement rapide de la vache, avec une chute de la production laitière et une baisse sélective de l’appétit. L’animal délaisse les concentrés au profit des fourrages. Une stase digestive est notée, avec un arrêt de la rumination et une constipation. Cela intervient surtout chez les fortes productrices, entre dix et trente jours après la parturition, avec une fréquence qui augmente quand la vache approche du pic de lactation. Dans ce cas, la parésie atteint tant les antérieurs que les postérieurs. Une hypoglycémie et une acétonémie sont présentes, associées à une cétonurie intense qui donne à l’urine, à l’haleine et au lait de l’animal une odeur caractéristique de pomme verte qui ne laisse aucun doute sur le diagnostic.

CAUSES DE DÉCUBITUS CHEZ LA VACHE (PAR ORDRE DÉCROISSANT DE FRÉQUENCE PROBABLE)

→ Avant la mise bas :

– hypocalcémie ;

– luxations proximales ;

– avortements ;

– hydropisie des enveloppes ;

– métrite septique de gestation ;

– tétanie d’herbage ;

– cétose ;

– torsion grave de l’utérus, parfois avec rupture de l’artère utérine.

→ Au cours du part ou dans les quatre jours suivants :

– hypocalcémie ;

– métrite septique, avec ou sans rétention placentaire ;

– mammite septique ;

– paralysie de vêlage ;

– avortement ;

– luxations ou fractures ;

– gastrite traumatique avec péritonite diffuse ;

– indigestion toxique après hypocalcémie ;

– simulation ;

– tétanie d’herbage ;

– cétose ;

– rupture de l’utérus avec péritonite diffuse.

→ De 4 à 14 jours après le vêlage :

– métrite septique, avec ou sans rétention placentaire ;

– mammite septique ;

– gastrite traumatique avec péritonite diffuse ;

– débilité ;

– paralysie de vêlage ;

– fractures ou luxations ;

– arthrite suppurée (grasset ou jarret) et pyoémie ;

– cétose ;

– hypocalcémie ;

– hypomagnésiémie ;

– hémoglobinurie post-partum ;

– pyélonéphrite grave et avancée.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur