Témoignages de trois confrères français expatriés - La Semaine Vétérinaire n° 1528 du 22/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1528 du 22/02/2013

Dossier

Auteur(s) : Clémentine Deny

Opportunités, conditions de vie et de travail agréables, tout en présentant des similitudes avec l’exercice en France, autant d’avantages qui poussent des confrères français à s’installer au Canada.

FRANCK OLLIVIER « UN VRAI ESPRIT CONFRATERNEL ENTRE VÉTÉRINAIRES »

Franck Ollivier, originaire de Grenoble, est installé à Montréal depuis 2011. Après l’obtention de son diplôme en 1996 à l’ENV de Lyon, il effectue un internat en ophtalmologie à l’école de Toulouse. « J’aurais aimé faire mon résidanat en Australie, à l’occasion de mon service militaire, mais les confrères australiens se formaient alors aux États-Unis. Je suis donc parti au congrès mondial de l’American College of Veterinary Ophthalmologists (Acvo), en 1999, pour rencontrer du monde et me familiariser avec le matching program1 », explique-t-il.

Notre confrère effectue alors des stages dans plusieurs universités américaines et obtient un poste d’assistant de recherche (2000-2004) et une résidence (2003-2006) à l’université de Floride. Il devient ensuite membre des collèges américain (Acvo, 2008) et européen (Ecvo, 2009) d’ophtalmologie.

De retour en France, Franck Ollivier exerce dans plusieurs cliniques canines et équines. Cependant, malgré son parcours, il déplore alors « un manque total de reconnaissance des spécialistes ophtalmologistes français, et la confusion des vétérinaires (donc du public) sur la différence entre le titulaire d’un certificat d’études supérieures et un diplômé de collège ». Au final, « malgré deux ans de travail acharné, je n’ai pas pu développer de clientèle. Il m’aurait fallu cinq, peut être dix années ou plus pour obtenir une place de résident. C’est alors que le centre vétérinaire DMV est venu me chercher à Paris pour me proposer de travailler à Montréal. Sans me connaître personnellement, il était au fait de la valeur des diplômes des collèges américain et européen. »

Une compétition saine, qui tire vers le haut

« Ce qui me plaît le plus ici, ce sont le pragmatisme du travail à la nord-américaine, le positivisme de la mentalité et l’esprit confraternel entre vétérinaires. Donc une compétition saine, qui tire vers le haut, commente-t-il. Les avantages sont nombreux : un statut qui me donne accès à des formations continues, des échanges avec les facultés de médecines vétérinaire et humaine, des présentations dans le cadre du congrès québécois. Je reçois suffisamment de cas pour être autonome financièrement, voire pour prendre un résident dans quelques années. » Malgré l’inconvénient d’être loin de ses proches, le doux mélange entre États-Unis et France qu’offre Québec lui convient.

ÉRIC DE MADRON « UNE RECONNAISSANCE RÉELLE DE LA SPÉCIALITÉ »

Éric de Madron, originaire de Bordeaux, est sorti de l’ENV d’Alfort en 1980. « Après la soutenance de ma thèse, j’ai voulu approfondir mon expérience en échocardiographie et j’ai donc écrit au Pr John Bonagura, abondamment cité dans les références de mon travail. Il m’a permis de venir en tant qu’étudiant libre à l’école vétérinaire de l’université d’Ohio, à Columbus, afin de travailler avec lui sur deux projets de publication relatifs à l’échocardiographie. Par la suite, il m’a aidé à obtenir une place de résident en cardiologie à l’école vétérinaire de l’université de Pennsylvanie, à Philadelphie (1984-1986) », explique-t-il.

De retour en France, notre confrère sillonne la région Provence-Alpes-Côte d’Azur jusqu’en 1995, et, dans le même temps, repasse tous ses diplômes aux États-Unis afin d’obtenir celui de vétérinaire en Amérique du Nord. Puis il s’installe au Canada.

Vivre à fond sa spécialité

« Une opportunité de travailler à Montréal, dans un grand centre vétérinaire bien équipé avec un service d’urgences 24 heures sur 24, essentiel pour la pratique de ma spécialité, a motivé mon départ. Cette occasion s’est présentée à un moment où je cherchais encore des options viables pour pratiquer ma spécialité en France. » Il reconnaît avoir eu des moments de découragement, « mais comme j’avais émigré deux fois, je savais que retourner en France n’était plus une option. Donc, je me suis accroché, n’ayant d’autre possibilité que celle de réussir ».

Émigrer au Canada lui a permis « de vivre [sa] spécialité à fond, sans considération de réseau d’influence, sans avoir à convaincre [ses] collègues du bien-fondé du référé ». « D’un point de vue financier, cela s’est révélé positif également, en raison du nombre élevé de cas qui m’ont été confiés, et d’un système fiscal favorable aux entrepreneurs. »

Même s’il reste ouvert aux opportunités qui lui permettraient de renouer avec l’Europe, « sans trop y croire dans le contexte actuel », Éric de Madron compte rester au Canada et vivre pleinement son expérience, qu’il qualifie d’« absolument géniale, avec une qualité de vie fantastique ! ».

CHRISTOPHE CÉLESTE « PEU D’OPPORTUNITÉS POUR LES VÉTÉRINAIRES ÉQUINS SPÉCIALISÉS EN CHIRURGIE »

Christophe Céleste exerce au Québec depuis 1998. L’été qui a suivi l’obtention de son diplôme à l’ENV de Nantes, en 1997, il est parti en stage à l’université de Montréal. Cette destination géographique est alors un pur hasard. Son stage à l’hôpital des chevaux se passe bien et la faculté lui propose de revenir l’année suivante pour effectuer un internat en médecine et chirurgie équines, qu’il poursuivra par une résidence en chirurgie équine. « Il s’agit donc d’un simple concours de circonstances ! Des opportunités intéressantes se sont présentées, et je les ai saisies », explique-t-il. Puis il intègre les collèges européen (2006) et américain (2007) de chirurgie équine.

Une rude concurrence en équine

Christophe Céleste regrette cependant que les occasions professionnelles pour cette spécialité au Québec soient restreintes, en raison d’une « pénurie de chevaux actifs et de valeur, surtout depuis l’effondrement de l’industrie des courses. De plus, la concurrence en pratique générale équine est parfois rude, avec une concentration de praticiens à proximité des grands centres urbains. Le seul hôpital équin pleinement opérationnel à ce jour est celui de l’université de Montréal, et il peine à boucler son budget ».

Par ailleurs, « les structures vétérinaires sont principalement concentrées autour des grandes villes. Il n’est donc pas rare de recevoir des chevaux qui ont voyagé pendant de longues heures sans avoir reçu de soins spécifiques au préalable. Le pronostic est donc parfois davantage associé à la localisation géographique du cheval, voire au climat, qu’à la maladie elle-même ».

Ce qui retient notre confrère au Québec est principalement d’ordre personnel et familial. « C’est un endroit où il fait bon vivre, à mi-chemin entre les modes de vie nord-américain et européen. La société québécoise, bouillonnante, profite pleinement de la richesse sociale, politique, culturelle et économique de son ouverture au pluralisme. Même si c’est parfois plus difficile sur le plan professionnel, vivre au Québec, c’est vraiment fun ! »

  • 1 Programme de couplage entre les postulants aux internats et aux résidences et les postes à pourvoir.

PLACE DES VÉTÉRINAIRES FRANÇAIS AU QUÉBEC

20 % des structures vétérinaires canadiennes sont implantées dans la province du Québec, où 2 234 praticiens sont dénombrés. Parmi eux, 47 Français, dont 29 inscrits au tableau de l’Ordre. Bien qu’il n’y ait pas de barrière de la langue, il n’est pas si facile pour les confrères français, même spécialistes, de venir exercer au Québec. En effet, la reconnaissance mutuelle des compétences professionnelles entre le Québec et la France n’est pas encore validée pour les vétérinaires, contrairement à d’autres professions. Pour le moment, les candidats à l’expatriation doivent passer l’équivalence de diplôme soit au Canada soit aux États-Unis, ou être diplômés d’une université accréditée par l’American Veterinary Medical Association1.

1 Il n’y en a pas encore en France, voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1395 du 5/3/2010 en pages 26-29.

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