DES VAUTOURS INDIENS SOUS HAUTE SURVEILLANCE - La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013

Reportage

Auteur(s) : Myriem Lahidely

En vingt ans, l’Inde a vu disparaître à plus de 99 % trois espèces endémiques de vautours – le vautour chaugoun (Gyps bengalensis), le vautour indien (Gyps indicus) et le vautour à long bec (Gyps tenuirostris) – sur les neuf présentes dans le sous-continent indien. Pradeep Sharma, l’un des rares vétérinaires indiens à étudier ces oiseaux, se rappelle qu’ils « se comptaient par millions et étaient très communs ici, fort utiles pour nettoyer les carcasses d’animaux à proximité des villages ruraux où ils construisaient leurs nids et dans les écosystèmes du nord de l’Inde ». Des programmes d’élevage en captivité ont été autorisés par le gouvernement indien sur quatre sites créés au nord du pays : le premier dans l’Haryana à Pinjore, puis en Assam, au Bengale et au Pendjab. Le vétérinaire de l’université de Bikaner, bien que non associé à ces élevages, s’intéresse depuis des années aux raisons d’un tel déclin. « Les autres espèces sont aussi en danger, mais de façon moins critique », observe-t-il.

Un site artificiel de nourrissage

Le champ d’observation de Pradeep Sharma est l’immense décharge de Jorbeer, créée par la municipalité de Bikaner à 12 km au sud de la ville. Là sont déversées quotidiennement des carcasses de vaches, de veaux, de chameaux, de chèvres et de poulets. Elles nourrissent, en même temps qu’elles servent à les retenir sur place, trois populations de vautours considérées comme en danger : les vautours égyptiens, les vautours moines et les vautours fauves eurasiens. « L’usage d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme le diclofénac, vendus par tous les laboratoires indiens pour traiter notamment les blessures traumatiques ou les inflammations articulaires des buffles, des vaches ou des chameaux, a déjà entraîné la quasi-extinction de trois espèces. C’est sans précédent dans l’histoire, sur une si courte durée. Nous avons du mal à trouver d’autres explications », souligne-t-il. Ces molécules seraient à l’origine d’une insuffisance rénale chez les vautours, entraînant la goutte viscérale, une maladie mortelle.

Les résidus d’AINS mis en cause

Le diclofénac, un AINS bon marché (environ 0,40 € les quatre bolus), a été officiellement interdit une première fois, dès 2006, par le gouvernement indien. « Il est prohibé en médecine vétérinaire, mais toujours employé en médecine humaine, ainsi qu’illégalement chez l’animal parce qu’il est efficace et pas cher », affirme le chercheur, qui constate que, « depuis l’interdiction du diclofénac, un dérivé, l’acéclofénac, est utilisé. Il est aussi efficace sur les inflammations chroniques, mais avec une meilleure tolérance gastrique ». Le microbiologiste a déjà publié un rapport dans lequel il démontre la menace potentielle de ce dérivé qui, absorbé par un chien par exemple, est métabolisé en diclofénac. « Il faut évaluer le devenir de cette molécule dans l’organisme des buffles et des vaches, mais aussi des singes, des rats, des humains », réclame ce chercheur, chargé par la Société d’histoire naturelle de Bombay de surveiller la présence de résidus d’AINS sur les sites à vautours comme celui de Bikaner. Il est aussi l’auteur d’une thèse sur la caractérisation des Escherichia coli chez les vautours égyptiens (à l’origine de diarrhées) et leur résistance aux antibiotiques.

Des populations en baisse

Sur cet immense charnier alimenté deux fois par jour par des collecteurs sous contrat avec la ville, des milliers d’oiseaux ont élu domicile. Parmi eux, des dizaines de vautours fauves eurasiens et de vautours moines, des centaines de vautours égyptiens et d’aigles des steppes, des aigrettes, quelques ibis noirs, et d’autres espèces plus ou moins rares. Le gardien du site, chargé entre autres de récupérer les peaux et les os pour l’industrie, se souvient qu’« à une époque, les vautours pouvaient consommer 300 kg de viande en une demi-heure. Aujourd’hui, ils ne sont plus assez nombreux et n’y parviennent plus. Parfois, la viande a le temps de sécher sur les carcasses ».

En mai 2012, le gouvernement indien, mais aussi celui du Bengale, du Népal et du Pakistan confrontés au même problème, se sont réunis à Delhi pour réfléchir aux solutions à développer pour la conservation des vautours en voie d’extinction en Asie du Sud. Parmi leurs recommandations, il y a le retrait définitif du diclofénac et des AINS à usage vétérinaire dans les quatre pays, et le développement de zones de sécurité pour les vautours, en lien avec des sites d’alimentation sains… Selon Pradeep Sharma, « c’est une bonne chose, mais plutôt que de réintroduire ces charognards sur des sites artificiels où les naissances sont rares, il vaudrait mieux maintenir les populations existantes dans leurs aires naturelles et en faire des sanctuaires », comme dans les parcs de Ranthambore, de Sariska, de Barathpur ou de Jaisalmer.

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