Les vétérinaires entrent dans la communication de crise - La Semaine Vétérinaire n° 1532 du 22/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1532 du 22/03/2013

Viande de cheval

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Auteur(s) : Marine Neveux

Sur fond de crise de la viande de cheval, la profession vétérinaire vient de communiquer pour remettre en perspective les enjeux et émettre des recommandations, notamment sur la phénylbutazone.

Bruxelles a demandé à l’Agence européenne du médicament (EMA) et à l’Autorité européenne de la sécurité des aliments (Efsa) d’évaluer les risques pour la santé humaine des résidus de phénylbutazone dans la viande de cheval. Ces contaminations sont connues de longue date, peu nombreuses, sauf au Royaume-Uni qui rapporte 8 % d’échantillons positifs dans le plan annuel de surveillance européen de 2010. Les résultats de ces plans annuels donnent seulement une photographie descriptive des contaminations, car ils ciblent les carcasses à risque où la probabilité de retrouver des résidus est la plus élevée. Mais au détour de la tromperie sur la viande de bœuf, cette contamination révélée au grand jour conduit la Commission européenne à se saisir aujourd’hui d’une problématique ancienne.

Les deux agences devront également « faire des propositions en vue de réduire le risque de ces contaminations involontaires ».

Minimiser les risques identifiés

L’avis commun est attendu mi-avril. Les agences devront s’appuyer sur les preuves scientifiques, mais aussi prendre en compte les données et les résultats des tests actuellement conduits sur la viande de cheval dans les états membres. Deux axes sont à considérer : le risque lié à la consommation de la viande de cheval en elle-même, et celui provenant de la consommation de produits illégaux contaminés par la viande de cheval. Les deux agences donneront un avis sur la pertinence de contrôles supplémentaires pour minimiser les risques identifiés. En février dernier, la Commission européenne a déjà adopté un plan de contrôle au regard des pratiques frauduleuses sur les produits bovins. Ce plan inclut des tests pour la phénylbutazone par échantillon de 50 tonnes de viande de cheval.

Pour sa part, le ministère de l’Agriculture souligne qu’en France, chaque année, un plan de surveillance officiel prévoit le prélèvement à l’abattoir d’environ 250 chevaux pour la recherche de résidus de médicaments vétérinaires. En 2011 et en 2012, aucun cheval n’a été décelé positif vis-à-vis de la phénylbutazone.

Un profil toxicologique défavorable pour les résidus

La phénylbutazone est autorisée dans les états membres chez les animaux exclus de la consommation humaine (chiens, chevaux, etc.), et interdite dans les productions animales (équidés).

En 2007, les limites maximales de résidus (LMR) ont déjà été évaluées par l’EMA, qui n’a pas pu les fixer. En effet, les données toxicologiques de la phénylbutazone faisaient ressortir deux risques : celui de l’aplasie médullaire (un cas pour 30 000), ainsi qu’un profil potentiellement cancérogène. Pour l’agence, il n’était donc pas question d’autoriser la phénylbutazone chez des animaux destinés à la filière bouchère.

Mais une consommation marginale

En revanche, la consommation de viande chevaline reste modérée dans la plupart des pays européens comme la France. L’Italie est l’un des États qui en consomment le plus au sein de l’Union. Dans l’Hexagone, un consommateur moyen ingère 25 kg de viande bovine par an, 35 kg de viande porcine, 25 kg de volailles et 250 g de viande chevaline. Le risque lié aux résidus de phénylbutazone apparaît bien plus faible dans la viande de cheval que dans le bœuf ou les autres animaux de boucherie.

Des instances qui communiquent

L’Ordre des vétérinaires rappelle, dans sa dernière newsletter, les conditions de prescription de la phénylbutazone : « Seuls les équidés exclus définitivement de la filière bouchère peuvent recevoir cette substance. » Cette exclusion est mentionnée en page 22 du livret signalétique des chevaux. Comme pour les autres médicaments, le vétérinaire ne peut prescrire cet anti-inflammatoire non stéroïdien qu’après un examen clinique préalable de l’équidé, ou dans le cadre d’un protocole de soins consécutif à un bilan sanitaire d’élevage ou d’écurie (BSE). L’Ordre renvoie à la responsabilité du propriétaire de l’animal et du vétérinaire traitant de bien se conformer à la réglementation en cas de recours à la phénylbutazone. « L’exclusion de la filière bouchère inscrite en page 22 du livret signalétique a donc une importance sanitaire sans précédent. » Enfin, il rappelle qu’il est du devoir du détenteur de l’animal de choisir, au plus vite, le devenir de son animal.

L’Association vétérinaire équine française interpelle également, dans un récent communiqué, les pouvoirs publics : « L’Avef attire l’attention de l’État et de l’Union européenne sur la nécessité de réfléchir, avec l’ensemble de la filière équine, à la mise en place d’un système de traçabilité sans faille qui permette non seulement la sécurité sanitaire des aliments, mais qui garantisse aussi le respect du bien-être animal. » La gestion de la fin de vie des équi­dés est elle aussi indissociable de cette problématique. Elle génère des illégalités en raison de la charge financière que certains propriétaires ne veulent pas supporter. « La récession économique et l’envolée du prix de l’équarrissage consécutive à la libéralisation de ce marché ont fait apparaître des pratiques clandestines d’enfouissement, ainsi qu’un circuit européen de récupération des chevaux indésirables qui n’offre pas toutes les garanties de traçabilité, vers la filière bouchère. »

L’identification électronique et le remplissage correct du feuillet médicamenteux sont les premiers garde-fous indispensables. « Le seul support papier (le document qui accompagne le cheval lors de son transport) ne garantit pas une traçabilité sanitaire optimale, surtout en l’absence d’un registre central pour les équidés au sein de l’Union européenne, poursuit l’Avef. Par ailleurs, l’essor du commerce illicite sur Internet de médicaments vétérinaires sans prescription permet de se procurer facilement des produits comme la phénylbutazone. Celle-ci peut dès lors être administrée au cheval sans aucun avis ni visa vétérinaire, donc sans exclusion de la filière bouchère sur le feuillet médicamenteux. »

La phénylbutazone : des bénéfices pour les équidés

Le scandale médiatique ne doit pas pour autant jeter l’opprobre sur la phénylbutazone. « L’Avef a soutenu le maintien de l’autorisation de mise sur le marché d’Equipalazone®. Il s’agit en effet d’un médicament indispensable dans l’arsenal thérapeutique du vétérinaire équin, indiqué plus particulièrement lors de fourbure chronique et sans alternative thérapeutique à ce titre », rappelle à juste titre l’association.

Ce scandale aura au moins le bénéfice de mettre au grand jour des difficultés soulignées depuis plusieurs années par différents acteurs de la filière, mais aussi de replacer le vétérinaire au cœur du dispositif, eu égard à sa légitimité en termes de santé publique.

Plusieurs constats

> Les substances sans LMR dites essentielles aux équidés peuvent être prescrites aux animaux non exclus de la filière bouchère, avec un délai d’attente forfaitaire de six mois qui doit être indiqué sur l’ordonnance. Le traitement est enregistré à la page 23 du livret signalétique du cheval.

Dans le plan annuel 2010 de surveillance des résidus publié par l’Efsa en 2012, la phénylbutazone a été retrouvée dans huit échantillons de viande chevaline (dont cinq au Royaume-Uni, soit une prévalence de 8 % outre-Manche) et dans six échantillons de viande bovine en Belgique (deux sur 301 testés, soit 0,7 %) et en Allemagne (quatre sur 2014 testés, soit 0,2 %). Les Britanniques ne consomment pas de viande chevaline. Les 9 000 carcasses de chevaux abattus au Royaume-Uni sont surtout destinées au marché français.

Chez les équidés, le principal problème sanitaire mis en évidence par les plans de surveillance reste, comme chaque année, la contamination par le cadmium ou le plomb. Cette contamination par les métaux lourds représente les trois quarts des échantillons non conformes.

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