Formation
NAC
Auteur(s) : JULIEN GOIN
Fonctions : assistant hospitalier du service “animaux d’espèces inhabituelles” d’Oniris (Nantes).
Un écureuil de Corée mâle, âgé de huit ans et pesant 80 g, est présenté en consultation pour une dépilation ventrale. L’animal a toujours vécu seul et vient d’être installé dans une nouvelle cage.
L’examen clinique révèle un érythème et une dépilation diffuse du ventre et de la face ventrale du cou, ainsi qu’une déformation congénitale du museau (voir photo 1). Les propriétaires rapportent une hypersalivation occasionnelle, non observée le jour de la consultation, les lésions cutanées étant complètement sèches. Le reste de l’examen est normal, l’état général est bon et l’appétit conservé. Un premier traitement est prescrit pour écarter une origine parasitaire (sélamectine, 10 mg/kg spot on, deux fois à trois semaines d’intervalle). L’animal est replacé dans son ancienne cage pour écarter une origine allergique (par exemple au métal ou à la peinture des barreaux).
→ À T + 10 jours, aucune amélioration n’est constatée et la dépilation s’étend désormais à la face interne des membres. L’hypersalivation est toujours rapportée de manière occasionnelle, mais encore une fois absente lors de l’examen.
L’animal est anesthésié pour la réalisation d’examens complémentaires. L’induction est réalisée via l’inhalation d’un mélange d’oxygène et d’isoflurane à 4 %. L’écureuil est placé à l’intérieur d’une boîte à induction (voir photo 2). L’entretien est assuré par l’inhalation du même mélange à 3 %, le museau étant placé à l’extrémité du circuit de bain (voir photo 3).
Les calques et les raclages se révèlent négatifs. Deux biopsies cutanées sont réalisées en vue d’un examen histologique, et suturées à l’aide de fil résorbable de petit diamètre. L’examen bucco-dentaire montre une glossite modérée localisée en face latérale gauche de la langue (voir photo 4). Les dents sont normales. Un traitement antibiotique et anti-inflammatoire est prescrit jusqu’au retrait des points prévu dix jours plus tard (enrofloxacine, 5 mg/ kg matin et soir per os ; méloxicam, 0,2 mg/kg/j per os).
→ À T + 20 jours, les résultats de l’examen histologique sont transmis aux propriétaires lors du retrait des points. Ils révèlent la présence de lésions cutanées non spécifiques (hyperplasie épidermique, congestion dermique) et l’absence d’agents étiologiques (bactéries, champignons, parasites). Après l’exclusion des causes bactériennes, fongiques, parasitaires, allergiques et tumorales, l’hypersalivation secondaire à la glossite est identifiée comme la seule cause dans la genèse des lésions cutanées. En raison de l’absence d’amélioration avec le traitement anti-inflammatoire non stéroïdien, une corticothérapie est mise en place (prednisolone, 0,5 mg/kg/j per os pendant dix jours). Là encore, aucune amélioration clinique n’est constatée. Une biopsie linguale est alors proposée, mais non réalisée, car l’animal est en bon état général et les lésions sont stables.
→ À T + 4 mois, les propriétaires donnent leur accord pour la réalisation d’une biopsie linguale, en raison d’un amaigrissement (perte de 10 g) et d’une aggravation des lésions cutanées. L’animal est anesthésié selon le même protocole que celui décrit précédemment. Une alopécie du ventre, de la face ventrale du cou et des membres est observée, associée à un important érythème (voir photo 5). La glossite s’est étendue aux deux tiers de la langue, entraînant sa décoloration (voir photo 6).
Deux biopsies linguales de 2 mm sont réalisées à l’aide d’une lame de bistouri de taille 15. Aucune suture n’est effectuée, une compression prolongée à l’aide d’un petit coton-tige étant suffisante pour réaliser l’hémostase. L’examen histologique montre la présence d’un carcinome épidermoïde de la langue, de type ulcératif et dyskératosique. Ce type de cancer est caractérisé par une forte agressivité locale et une évolution métastatique tardive. Une glossectomie totale est proposée, mais non réalisée en raison de la petite taille de l’animal, de l’aspect délabrant de l’intervention, et du risque important de récidive. Un traitement antalgique est prescrit à titre palliatif (méloxicam, 0,2 mg/kg/j per os).
L’alimentation est distribuée écrasée afin de faciliter son ingestion. L’euthanasie est conseillée aux propriétaires en cas de dégradation de l’état général ou de signes de douleur importante. Pendant plusieurs mois, l’appétit est conservé, l’état général est bon et les lésions cutanées sont stables, avec une repousse diffuse du poil. Un gain de poids est même constaté, l’animal atteignant 90 g.
→ À T + 8 mois, l’euthanasie est décidée par les propriétaires, en raison d’un amaigrissement, d’une léthargie, de sifflements respiratoires et de signes de douleur (nervosité, couinements inhabituels). La totalité de la langue présente alors de multiples ulcérations (voir photos 7 et 8). Le bilan d’extension est à ce moment toujours négatif : les nœuds lymphatiques mandibulaires sont de taille normale et aucune métastase pulmonaire n’est décelable à la radiographie (voir photos 9 et 10).
Ce cas clinique est intéressant, tout d’abord en raison de la faible représentativité de l’écureuil de Corée en captivité et en consultation par rapport aux autres rongeurs. De même, les données bibliographiques concernant sa pathologie sont également moins nombreuses. Les affections bucco-dentaires de l’écureuil de Corée concernent plutôt les dents, notamment les incisives. La formule dentaire des sciuromorphes, sous-ordre auquel appartient cette espèce, est : 1/1, 0/0, 2/1, 3/3. À l’instar de nombreux autres rongeurs, tels que les myomorphes (rat, souris, gerbille, hamster), seules les incisives ont une croissance continue. Elles sont donc susceptibles d’être le siège de malocclusions, caractérisées par une déviation de l’axe de croissance de la dent à l’origine d’un défaut d’usure et d’une hyperélongation coronaire qui, dans un second temps, peuvent générer des plaies labiales ou gingivales.
Chez l’homme, 95 % des carcinomes épidermoïdes se développent sur la partie mobile de la langue, habituellement dans le tiers médian, sur les bords et la face ventrale. Leur extension a lieu en général vers le plancher buccal. Le principal facteur favorisant est la consommation de tabac et d’alcool.
Chez le chien, le carcinome épidermoïde représente 20 à 30 % des tumeurs buccales, et est la seconde tumeur cancéreuse de la langue en termes de fréquence, après le mélanome malin. Elle touche surtout des chiens âgés de huit à dix ans, de race de grande taille (le berger allemand semble prédisposé). Certains auteurs ont mis en relation leur apparition avec la pollution atmosphérique.
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