Quelle place pour l’élevage bovin européen dans la future PAC ? - La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS

Auteur(s) : SERGE TROUILLET

C’est la dernière ligne droite pour les discussions au Conseil et au Parlement européens sur la future politique agricole commune (PAC). L’occasion, pour l’ensemble du secteur de la viande bovine française, et même en partie européenne, de faire entendre sa voix lors d’un colloque1 organisé au Sommet de l’élevage, à Clermont-Ferrand.

« J’étais aux côtés du président Roger Blanc lorsqu’il cherchait, dans le hall des vaches laitières, le responsable de l’abondance2… Responsable de l’abondance ! Pour un ministre, surtout dans la période que nous traversons, ce serait une fonction rêvée ! » Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt, clôt avec humour un colloque organisé au Sommet de l’élevage, à Clermont-Ferrand, sur le thème de la place de l’élevage bovin européen dans la future politique agricole commune (PAC). Son propos souligne en creux celui développé auparavant par Philippe Chotteau, responsable du département économie de l’Institut de l’élevage, sur le thème du retour de la rareté. Un phénomène constaté de manière simultanée depuis 2002-2003 sur l’alimentation, l’énergie et les métaux : « En 1960, chaque être humain disposait de 35 ares de terre agricole pour le nourrir ; en 2012, ce chiffre est tombé à 12 ! Tandis que la productivité agricole plafonne aujourd’hui, nous perdons chaque année des terres agricoles du fait de l’urbanisation. En 2050, il n’y aura peut-être plus que 7 ares par personne pour la nourrir, avec 9 milliards d’habitants sur la planète. On pensait pouvoir résoudre le problème de la faim dans le monde, mais depuis la crise des prix agricoles de 2007-2008, la tendance s’est inversée. Nous sommes repassés au-dessus du milliard d’habitants qui ne mangent pas à leur faim, sans compter ceux qui mangent mal ou qui ont des rations déséquilibrées. La rareté alimentaire est revenue sur le devant de la scène ! »

En Europe, la production de viande bovine ne peut que décroître

La demande, en effet, excède l’offre. Plus le pouvoir d’achat augmente, plus la ration alimentaire est complexe. Outre des grains, elle intègre des huiles et davantage de sucre et de viande, notamment bovine, excepté peut-être en Inde.

Dans les pays riches, cette demande se stabilise. La croissance démographique est faible et la transition alimentaire a été faite. En revanche, dans les pays émergents, avec les classes moyennes qui se constituent, et même dans les 47 pays les plus pauvres de la planète – appelés en jargon onusien les pays les moins avancés (PMA) –, une augmentation de la demande en viande devrait se produire. Telles sont les prévisions de la FAO3 et de l’OCDE4 pour les années à venir, malgré la crise économique et financière presque généralisée.

Parallèlement, l’augmentation de la production s’est brusquement arrêtée depuis 2007-2008. Au niveau mondial, la FAO estime que nous sommes actuellement sur un plateau. Les pays privilégient leur consommation intérieure, ce qui est frappant au Brésil. Il en résulte une stagnation, voire une baisse des échanges internationaux, donc des prix spectaculairement et historiquement élevés !

En Europe, la production de viande bovine ne peut que décroître. Les deux tiers de son cheptel sont en effet des vaches laitières. Même avec l’arrêt des quotas laitiers, il va diminuer, par paliers, en raison de l’augmentation de la productivité par vache. Quant au cheptel allaitant, il est concentré en France, en Espagne, et à un moindre degré en Irlande et en Italie. Or dans ces pays, il est observé, ces dernières années, une décapitalisation consécutive à la sécheresse, au manque de trésorerie, et aux effets du découplage à un certain moment en Irlande !

« La clé de la sortie de ce bourbier, c’est la hausse des revenus »

La situation des éleveurs, notamment en France, est ainsi paradoxale. Tandis que la demande mondiale en viande est porteuse, avec des débouchés nouveaux et des prix qui se relèvent, le secteur est en rupture. En rupture économique, sociale, générationnelle. Le secrétaire général de la Fédération nationale bovine (FNB), Jean-Pierre Fleury, s’en inquiète : « Il faut donner des perspectives aux jeunes. Ils sont exigeants et ils ont raison. Ils veulent vivre comme tout le monde. Une évolution sociologique est en train de se produire, malgré la modernisation en cours dans les exploitations d’élevage. L’écart est tellement important avec le secteur végétal ! Il s’amplifie même avec les capacités d’innovation en matière de matériel. En élevage, on s’adapte au mieux, mais on manque cruellement de trésorerie. La clé de la sortie de ce bourbier, c’est l’augmentation des revenus. Les éleveurs n’ont plus le temps d’attendre. »

Depuis la crise de la “vache folle” en 1997, deux phénomènes se sont en effet produits en même temps : d’un côté, le renchérissement des prix à la consommation, expliqué par le transfert des coûts sécuritaires ; de l’autre, une rupture brutale des prix payés aux producteurs. « Nous ne nous sommes jamais remis de ce grand écart, alors qu’auparavant les courbes indicielles se superposaient », constate amèrement Jean-Pierre Fleury. Certes, aujourd’hui, les prix remontent, mais de façon générale. L’écart ne se comble pas. Entre 1995 et 2008, la part du chiffre du secteur agricole et agro-alimentaire revenant aux producteurs a régressé en Europe de 31 à 24 % ! « Si nous ne réglons pas la question du fonctionnement de la chaîne alimentaire, celui-ci siphonnera la tirelire de l’agriculture européenne, quoi qu’on mette dedans ! », avertit Michel Dantin, député européen UMP, membre de la Commission de l’agriculture et du développement rural.

Des atouts pour la filière de viande bovine, mais aussi des défis importants

Dans ce contexte, les propositions pour la future PAC, adoptées en octobre 2011 par la Commission européenne, font débat. Articulées autour d’objectifs de compétitivité, de durabilité et d’efficacité, elles sont l’objet de discussions intenses au Conseil et au Parlement européens.

Les atouts pour la filière de la viande bovine européenne sont nombreux. Qu’il s’agisse du volontarisme européen pour le maintien du budget de la PAC (même si certains pays membres comme le Royaume-Uni sont vent debout contre), de la recherche d’une légitimation de cette politique auprès des citoyens européens soucieux de préserver la diversité de la production, de la souplesse d’application permise aux États membres, ou encore d’une vraie demande mondiale, où la viande européenne, avec les garanties sanitaires et qualitatives qu’elle présente, a toute sa place.

Mais les défis sont importants. Les budgets de la PAC et des États seront-ils à la hauteur ? La recherche de simplification extrême des aides (découplage et convergence) favorisera-t-elle une végétalisation, hélas déjà en route ? Les amortisseurs à la volatilité des prix seront-ils assez efficaces pour donner aux investisseurs une visibilité à long terme ? Les filières de viande bovine sauront-elles se réorganiser comme d’autres ont su le faire ? Autant d’interrogations que le Groupe de Madrid, rassemblant les quatre grandes fédérations de producteurs de viande bovine en Europe (France, Espagne, Irlande et Italie), souhaite voir levées. Il le dit à travers un manifeste signé lors du Sommet de l’élevage (voir encadré).

Un besoin de visibilité

Le ministre Stéphane Le Foll se veut rassurant. Il évoque les enjeux stratégiques du secteur pour les Européens : la sécurité et l’autonomie alimentaires, avec des viandes européennes de haute qualité et produites selon les normes les plus élevées ; la capacité à participer à l’approvisionnement de la demande mondiale ; un secteur fort pour l’emploi, l’activité économique et le commerce extérieur ; des bénéfices importants pour l’environnement et l’équilibre des territoires : « Il faut des mécanismes européens pour préserver l’élevage. Il s’agit de stabiliser de manière durable la filière bovine, du producteur à l’abattage et à la transformation. J’espère pouvoir vous dire, dans quelques semaines, que l’Union aura entendu la France. »

Il faudra pour cela que le sommet extraordinaire, qui aura lieu au niveau européen fin novembre, débouche sur un cadre budgétaire précis, avec à la clé un accord sur la politique agricole au cours du premier semestre 2013, sous la présidence irlandaise, pour une mise en œuvre à partir de janvier 2014. « Si tel n’était pas le cas, prévient Michel Dantin, la chancelière Angela Merkel a déjà dit qu’elle bloquerait le débat pendant le temps de la campagne électorale en Allemagne. Nous n’aurions alors pas de budget avant l’automne 2013, et cela renverrait la mise en place d’une nouvelle PAC au-delà de 2015. Nous perdrions un an. Un an supplémentaire d’attentes, de doutes, de craintes. Nous ne pouvons pas nous le permettre, car un chef d’exploitation, comme un chef d’entreprise, a besoin de visibilité pour conduire son action. »

  • 1 Du 2 au 4 octobre 2012.

  • 2 Quatrième vache laitière en France (après la prim’holstein, la montbéliarde et la normande), surtout présente dans les Alpes, son lait est notamment à la base de la fabrication du reblochon et du beaufort.

  • 3 FAO : Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

  • 4 OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques.

MANIFESTE POUR UNE AUTRE RÉFORME DE LA PAC

Pour Pierre Chevalier, président de la FNB, le moment est historique : « C’est la première fois que les représentants des grands pays producteurs de viande bovine en Europe (France, Espagne, Irlande et Italie) signent un manifeste devant le représentant de la Direction générale de l’agriculture de la Commission européenne, Pierre Bascou – à qui il a été remis –, devant un représentant du Parlement européen, Michel Dantin, ainsi que devant les principaux représentants de l’interprofession française de la viande bovine. Un manifeste pour une autre réforme de la PAC. Un moment historique et solennel, car ce document a été signé au Sommet de l’élevage, dans la capitale mondiale des races à viande, Clermont-Ferrand. »

Il s’agit de faire part aux responsables européens des inquiétudes du secteur de la viande bovine en Europe. Cette position commune se décline à travers trois grands axes de propositions :

→ favoriser l’indispensable progression des prix : outils de gestion du marché jugés inappropriés (notamment les seuils d’intervention publique trop bas), proposition de créer un observatoire de la formation des prix et des marges dans la filière européenne, demande de révision du droit à la concurrence ;

→ orienter davantage les aides de la PAC vers l’élevage (besoin de plus de capacité d’action pour les aides couplées et les aides ciblées vers l’élevage) ;

→ redonner de la compétitivité aux exploitations (contraintes et charges ressenties comme excessives).

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