Le son organisé de la vie

Les animaux aboient, bêlent, gazouillent, pépient, piaulent, miaulent, stridulent, vagissent, etc. Si l’oreille aiguisée du bioacousticien Bernie Krause reconnaît en chaque organisme vivant une signature sonore qui lui est propre, il constate que la somme de tous ces sons n’est en rien une cacophonie. Au contraire, écrit-il, « une sonorité vigoureuse, pleine et omniprésente, quoique d’un équilibre délicat, anime la planète ».

Dans chaque espace naturel, un orchestre unique interprète une symphonie¹ d’une rare virtuosité. Et dans cette partition, le son produit par chaque espèce animale occupe une niche bien spécifique. Fort des 4 500 heures de sons de nature qu’il a collectés (sur terre comme dans l’eau) dans le monde entier², l’Américain témoigne que l’instantané acoustique d’un écosystème³ permet non seulement de l’identifier plus précisément que d’autres paramètres (visuels, par exemple), mais donne de précieuses informations sur son état de santé.

Car les nombreuses pollutions sonores exercées par les activités humaines perturbent ces harmonisations naturelles, les dérégulent et, finalement, les dissipent. Ainsi, près de la moitié des paysages sonores enregistrés par l’auteur depuis 50 ans n’existeraient déjà plus.

Un livre passionné et passionnant d’un érudit de la question et le premier grand plaidoyer pour une écologie du sonore.

Le Grand Orchestre animal de Bernie Krause, traduit de l’anglais par Thierry Piélat, éditions Flammarion (collection “Nouvelle bibliothèque scientifique”), 324 pages, 23 €.

• 1 Ce chœur des sons émis par les organismes vivants (à l’exception des hommes), l’auteur lui donne le nom de biophonie, qu’il distingue de la géophonie (ensemble des sons émis par les éléments naturels) et de l’anthropophonie (d’origine humaine).

• 2 Incluant plus de 15 000 animaux terrestres ou marins.

• 3 Représenté visuellement sous la forme d’un spectrogramme. Le livre en fournit plusieurs exemples.