Les dépossédés du tsunami

Figure de la contre-culture nippone, Sono Sion signe le premier film de fiction centré sur l’accident de la centrale de Fukushima, en 2011. Connu pour ses peintures échevelées de la perversion, le cinéaste s’attaque cette fois au nucléaire, un tabou plus coriace au Japon que le sexe ou la violence : le film a eu du mal à trouver des financeurs.

À l’opposé de la distance des nombreux documentaires produits après la catastrophe¹, Sono Sion voulait faire éprouver émotionnellement sa réalité. Le film met en scène une famille d’éleveurs laitiers dans un paisible village de la préfecture de Nagashima² qui, à la suite de l’explosion de la centrale nucléaire voisine, est coupé en deux par la délimitation toute théorique d’un périmètre de sécurité. À l’absurdité de ces mesures répond la lucidité du vieux fermier qui décide de rester avec sa femme malade tandis qu’il ordonne à son fils et à sa belle-fille (enceinte) de partir. Fuir ou rester, deux sursauts individuels pour s’affranchir d’une société devenue irresponsable, qui bafoue sa terre et son futur.

Plus sobre³ que les précédents opus, sincère et révolté, ce film réserve quelques éclats poétiques, comme les séquences tournées dans la véritable zone sinistrée, enneigée, où errent des animaux abandonnés. L’éleveur, lui, abattra ses vaches une par une. Difficile alors de ne pas lire le titre avec une ironie indignée.

The Land of Hope (Kibo No Kuni) de Sono Sion, avec Isao Natsuyagi, Naoko Ohtani, Jun Murakami, 2 h 13, en salles le 24 avril 2013.

• 1 À la suite du tsunami du 11 mars 2011, 15 873 morts ont été recensés, 2744 personnes sont encore portées disparues et 325 000 toujours déplacées.

• 2 Nom imaginaire, combinaison de Nagasaki, Hiroshima et Fukushima.

• 3 En dépit que quelques outrances dramatiques, très japonaises.