Formation
NAC
Auteur(s) : LAURIANE DEVAUX*, EMMANUEL RISI**, SAMUEL SAUVAGET***
Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
**praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
***praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
– Une exophtalmie unilatérale chez un cochon d’Inde évoque en premier lieu un abcès rétrobulbaire ou une mucocèle de la glande zygomatique.
– Les abcès rétrobulbaires sont dus à une infection ascendante d’origine dentaire.
– Une radiographie ou une échographie permet, en général, d’établir le diagnostic.
– Le traitement est chirurgical et repose le plus souvent sur une énucléation.
Un cochon d’Inde mâle âgé de deux ans est présenté en consultation pour une exophtalmie unilatérale progressive qui évolue depuis une semaine. Il présentait initialement une procidence de la membrane nictitante de l’œil gauche. Cette lésion a rapidement évolué vers une exophtalmie unilatérale gauche. Un collyre, ainsi que des traitements antibiotique et anti-inflammatoire par voie générale ont été prescrits par le vétérinaire traitant. Malgré ces soins, l’exophtalmie s’est aggravée et le cas a été référé.
Lors de la consultation, l’animal manifeste une douleur, mais l’appétit est conservé et le transit normal.
L’examen clinique général ne révèle aucune anomalie particulière. L’examen ophtalmique confirme une exophtalmie unilatérale gauche associée à une lagophtalmie mécanique provoquant une kératite d’exposition sévère, avec un ulcère cornéen. Une cataracte polaire postérieure est fortuitement mise en évidence au niveau de l’œil droit, qui ne présente aucun rapport avec l’affection sur l’autre œil. La pression oculaire se situe dans les valeurs usuelles pour les deux yeux. Une masse rétrobulbaire est suspectée. Une échographie transorbitaire est donc réalisée afin de déterminer sa nature. Il s’agit d’une cavité liquidienne en arrière du globe oculaire et en avant de l’orbite. L’hypothèse d’un abcès rétrobulbaire secondaire à une infection ascendante d’origine dentaire est avancée. Cependant, une mucocèle de la glande zygomatique ne peut être écartée. Le propriétaire refuse une exploration plus approfondie de l’origine de la lésion et la décision d’énucléer l’œil malade est prise. Dans l’ignorance de la nature et de la cause de la cavité liquidienne, le pronostic reste réservé.
Le cobaye reçoit en prémédication de la buprénorphine à la dose de 45 µg/kg et du midazolam à raison de 0,5 mg/kg, par voie intramusculaire. L’anesthésie, induite à l’aide d’un mélange d’oxygène à 100 % (1,5 l/min) et d’isoflurane à 5 %, est maintenue par une sonde endotrachéale entre 2 et 2,5 % d’isoflurane. Un cathéter intraveineux est posé à la veine céphalique gauche. Le pourtour de l’œil est tondu sur 3 cm.
Après une désinfection chirurgicale à la chlorhexidine, l’animal est placé en décubitus latéral droit. Une incision cutanée est pratiquée au niveau du canthus médial de l’œil gauche et ce dernier est désinséré de ses attaches musculaires par une dilacération aux ciseaux. Une fois que l’organe est complètement extériorisé, une ligature est effectuée au filament tressé résorbable. Des écarteurs de Lone-Star® sont mis en place afin de visualiser la cavité, qui se révèle être un abcès rétrobulbaire. Celui-ci est vidé puis rincé et une mèche imbibée d’une solution de chlorhexidine est placée dans la cavité orbitaire, avant la suture palpébrale. Aucune anomalie dentaire n’est décelée à l’exploration de la bouche.
Le cochon d’Inde est hospitalisé pendant 48 heures pour des soins locaux, l’instauration d’une antibiothérapie (enrofloxacine à 10 mg/kg deux fois par jour, par voie orale) et la gestion de la douleur (buprénorphine à 45 µg/kg deux fois par jour, par voie intramusculaire, et méloxicam à 1 mg/kg/j, par voie orale). La mèche est retirée 24 heures plus tard et aucune nouvelle production de pus n’est remarquée.
Le cobaye est rendu à son propriétaire avec la prescription du même traitement par voie orale : de l’enrofloxacine pendant quinze jours et du méloxicam pendant cinq jours.
L’animal est revu cinq jours après sa sortie de la clinique. Son état général est bon, mais il présente un petit écoulement purulent en regard du canthus interne de la cavité orbitaire gauche. Les points de suture sont retirés afin de laisser la cavité ouverte, de la nettoyer quotidiennement et d’y appliquer une pommade ophtalmique à base de néomycine et de polymyxine B.
Une semaine plus tard, la cicatrisation est en cours et la plaie est propre. L’état de santé général et l’appétit sont toujours bons. Les soins locaux et l’antibiothérapie sont maintenus jusqu’au prochain contrôle.
Vingt jours après l’intervention chirurgicale, la cavité orbitaire est complètement cicatrisée.
Il convient de différencier une buphtalmie d’une exophtalmie. Dans le premier cas, le trouble siège plutôt au niveau du globe oculaire (glaucome, abcès intra-oculaire) et, dans le second, en regard de l’orbite. L’exophtalmie est un motif de consultation relativement fréquent chez les lapins et les rongeurs tels que le cobaye. Lors de l’examen clinique, il convient de se renseigner sur l’évolution de ce signe et de vérifier si l’exophtalmie est unilatérale ou bilatérale. Ces informations, associées aux données de l’état de santé général de l’animal, permettent de poser les bases du diagnostic différentiel.
Un abcès rétrobulbaire est le plus souvent à l’origine d’une exophtalmie unilatérale. Il est dû à une infection ascendante d’origine dentaire. L’affection peut aussi être bilatérale, lorsque les deux hémimâchoires sont touchées. Parmi les causes souvent rencontrées lors d’exophtalmie unilatérale chez le cochon d’Inde figure la mucocèle de la glande zygomatique. Celle-ci peut être d’origine inflammatoire ou secondaire à une infection de la glande salivaire. Les tumeurs orbitaires sont rares chez le cobaye. Le lymphome est le plus courant d’entre elles et engendre des masses conjonctivales susceptibles de pousser l’œil hors de son orbite.
Lors d’une exophtalmie bilatérale, l’hypothèse principale est le syndrome de la veine cave craniale. Celui-ci est plus fréquent chez le lapin, mais a déjà été rapporté chez des rongeurs (rat, cobaye). L’exophtalmie est consécutive à un mauvais retour sanguin dû à la compression de la veine cave craniale par une masse thoracique. Le sinus veineux rétrobulbaire gonfle au gré de ces hypertensions et pousse l’œil hors de l’orbite. L’exophtalmie est donc d’abord transitoire, puis tend à devenir permanente si la masse grossit. Un tel syndrome peut aussi apparaître au cours de l’évolution d’un lymphome médiastinal ou d’une leucémie virale du cobaye (rétrovirus de type C).
Une radiographie et/ou une échographie de l’œil permettent le plus souvent d’établir le diagnostic. Un examen tomodensitométrique ou une biopsie peuvent éventuellement être proposés pour plus de précisions. L’exophtalmie est à l’origine d’une lagophtalmie mécanique qui, en l’absence d’un traitement précoce, provoque une kératite d’exposition susceptible d’évoluer vers un ulcère cornéen. Un examen ophtalmologique permet d’évaluer si l’œil atteint est toujours fonctionnel. Cette information influe sur la décision de le conserver ou non.
Traiter un abcès rétrobulbaire peut se révéler difficile et un traitement médical seul ne suffit généralement pas. Une intervention chirurgicale est alors décidée, avec souvent une exérèse de l’œil touché, même s’il est encore fonctionnel. En effet, si l’abcès est secondaire à l’infection d’une racine dentaire, l’anatomie du cobaye ne permet pas de le parer par un abord intrabuccal. Lorsqu’une origine dentaire n’est pas mise en évidence au préalable, l’énucléation est quasi systématique afin de drainer l’abcès. La cavité orbitaire peut être refermée avec un drain ou marsupialisée selon la sévérité des lésions associées. Le pronostic est réservé et des récidives sont possibles.
En cas de suspicion d’une mucocèle zygomatique, un traitement médical est mis en place (diagnostic thérapeutique). Il repose sur l’administration d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires. Le pronostic est bon et une opération n’est pas nécessaire.
Lors de tumeur orbitaire ou de syndrome de la veine cave craniale, le pronostic est sombre et le traitement chirurgical.
Dans le cas de ce cochon d’Inde, l’œil est retiré parce qu’il n’est plus viable. L’intervention chirurgicale a donc une visée thérapeutique et un objectif diagnostique puisque la cause exacte de l’abcès n’est pas connue. Au vu de l’évolution, l’une des hypothèses est celle d’une origine dentaire, et le curetage et le rinçage associés à l’antibiothérapie ont permis de juguler l’infection sans enlever de dent.
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