Échographie de dépistage d’un traumatisme thoracique (T-Fast) : indications et méthode - La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Anne-Sophie Bua*, Pascaline Pey**

Fonctions :
*interne en clinique des animaux de compagnie faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, université de Montréal, Québec (Canada).
**diplomate ECVDI, clinicienne en imagerie médicale faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, université de Montréal, Québec (Canada).

POINTS FORTS

– La technique T-Fast affiche une haute spécificité pour le diagnostic rapide du pneumothorax et l’évaluation de son degré.

– La détection d’un pneumothorax via T-Fast présente une meilleure sensibilité chez les animaux dont la respiration est lente et profonde.

– Pour faciliter le diagnostic des épanchements pleuraux et péricardiques, échographier au moins deux fenêtres est nécessaire.

Chez le chien et le chat polytraumatisés, l’incidence des lésions thoraciques est comprise entre 13 et 57 %. Ces lésions engagent le pronostic vital, avec un taux de mortalité associé qui varie de 10 à 18 %. À ce titre, leur détection constitue un enjeu diagnostique et thérapeutique.

Depuis une vingtaine d’années, l’échographie de dépistage d’un traumatisme thoracique, plus connue sous le nom de T-Fast (pour focused assessement with sonography for trauma), a été largement étudiée et utilisée en médecine d’urgence humaine. Elle constitue aujourd’hui l’examen de choix pour évaluer les structures intrathoraciques et extrathoraciques, afin d’établir un diagnostic rapide de pneumothorax, d’épanchement pleural ou péricardique, ou encore d’autres lésions thoraciques d’origine traumatique.

Nous aborderons ici les indications pour l’échographie thoracique d’urgence chez le chien et le chat et les techniques pour effectuer une évaluation ciblée de l’espace pleural et péricardique, ainsi que du champ pulmonaire.

ÉTUDE CLINIQUE

L’évaluation de la méthode T-Fast est documentée dans une étude prospective qui porte sur 145 chiens polytraumatisés (plaie contuse ou pénétrante) depuis moins de 24 heures1. L’objectif premier est de déterminer la précision de la technique T-Fast dans la détection rapide du pneumothorax, qui constitue la première cause de mortalité par traumatisme thoracique chez l’homme. Le second objectif comprend la détection d’autres lésions intra­thoraciques, y compris celles qui affectent les espaces pleuraux et péricardiques, et des lésions impliquant la paroi thoracique.

Les chiens polytraumatisés sont évalués selon un protocole en quatre points à l’aide d’un appareil échographique standard, avant toute radiographie thoracique (considérée dans cette étude comme la méthode gold standard) et thoracocentèse, le cas échéant.

Pour la détection d’un pneumothorax par le plus expérimenté des échographistes, la sensibilité et la spécificité sont supérieures à 95 %, et sont respectivement de 78,1 % et 93,4 % tous manipulateurs confondus. Cet examen permet également de mettre en évidence d’autres lésions, tant intrathoraciques qu’extrathoraciques.

À la lumière de ces résultats, l’échographie de dépistage d’un traumatisme thoracique apparaît comme un examen simple et rapide, qui peut être réalisé chez les animaux dans un contexte d’urgence traumatique pour détecter la présence d’un pneumothorax, d’un épanchement pleural ou péricardique, ainsi que d’autres lésions thoraciques.

MÉTHODE

Positionnement de l’animal

L’animal est placé en décubitus latéral, alternativement droit et gauche. Toutefois, les animaux en détresse respiratoire sévère peuvent être évalués en position sternale ou uniquement en décubitus latéral droit, considéré comme la position standard pour l’évaluation électrocardiographique et échocardiographique. Le décubitus dorsal ne doit jamais être utilisé au risque de compromettre la survie de l’animal. La tonte n’est pas nécessaire : l’application d’alcool sur les poils, associée ou non à du gel échographique, suffit pour obtenir des images de qualité. L’emploi d’alcool est contre-indiqué en cas de défibrillation et doit être en accord avec les recommandations du fabricant de l’échographe concernant l’entretien des sondes.

Positionnement de la sonde

L’examen T-Fast consiste à évaluer cinq fenêtres acoustiques (voir photos 1 et 2).

La fenêtre pulmonaire (chest tube site, CTS), droite et gauche, est située entre le 7e et le 9e espace intercostal en portion dorso-latérale, et est évaluée en coupe longitudinale. Elle est utilisée pour rechercher un pneumothorax et d’autres lésions thoraciques éventuelles (contusions pulmonaires, hernie diaphragmatique, fractures de côtes, etc.).

La fenêtre péricardique (pericardic site, PCS), droite et gauche, est située entre le 5e et le 6e espace intercostal en portion ventro-latérale, et est évaluée en coupes transversale et longitudinale. Elle est utilisée pour détecter la présence de liquide pleural et péricardique. En outre, la fenêtre PCS latérale droite peut servir à évaluer le volume du ventricule gauche en coupe petit axe et le rapport aorte/oreillette gauche (indicateur intéressant chez les animaux suspects d’insuffisance cardiaque gauche).

> La fenêtre DH (diaphragmatico-hepatic) est située en portion subxyphoïdienne et est évaluée en coupes transversale et longitudinale. La vue DH, complémentaire de la vue PCS, permet d’évaluer l’espace pleural et péricardique en s’affranchissant davantage des interférences liées à la présence d’air.

En moyenne, la réalisation d’un examen T-Fast dure trois minutes.

INTERPRÉTATION

Thorax normal

Le “signe de l’alligator” est observé sur un thorax normal. Il s’agit de deux cônes d’ombre interposés entre l’interface poumon-plèvre et assimilés à un alligator flottant à la surface de l’eau avec ses yeux représentant les côtes, et son front représentant l’interface poumon-plèvre (voir photo 3B). L’apposition correcte du poumon contre la cage thoracique est indiquée par le mouvement de va-et-vient, qui concorde avec les mouvements respiratoires définis entre la plèvre viscérale et la plèvre pariétale, appelé le “glissement pleural”. L’évaluation de ce signe s’effectue en mode dynamique. L’interface entre le poumon et la plèvre ne doit pas être confondue avec des artefacts de réverbération, appelés lignes A, et parallèles à celle-ci.

Contusions pulmonaires

Les images en “queue de comète” (ou cônes d’ombre sales, ou lignes B) sont définies comme des lignes hyperéchogènes qui s’étendent sans atténuation à travers le champ pulmonaire depuis l’interface poumon-plèvre et qui impriment un mouvement de va-et-vient en concordance avec les mouvements respiratoires. L’observation de cet artefact est en faveur d’un poumon “humide”, c’est-à-dire d’une lésion parenchymateuse interstitielle (œdème ou hémorragie pulmonaire, voir photo 3A).

Pneumothorax

L’absence de “glissement pleural” est en faveur d’un pneumothorax. Cependant, une apnée, la présence d’un épanchement pleural ou d’une atélectasie pulmonaire peuvent également diminuer le glissement pleural et conduire à un diagnostic par excès de pneumothorax.

La présence d’une ligne B, quant à elle, exclut un pneumothorax, au moins dans la zone échographiée, puisqu’elle se forme uniquement en l’absence d’air dans l’espace pleural.

L’intensité d’un pneumothorax peut être déterminée en identifiant les zones de contact entre la plèvre et le poumon. Pour cela, il convient de balayer de façon séquentielle le thorax, du bord dorsal vers le bord ventral, à la recherche d’un “glissement pleural” traduisant un pneumothorax partiel.

La fréquence respiratoire aurait un impact sur la capacité à diagnostiquer un pneumothorax. En effet, plus elle est rapide, plus la sensibilité et la spécificité de la reconnaissance d’un “glissement pleural” diminuent. Par conséquent, le risque de diagnostiquer un pneumothorax par excès augmente.

Lésion de la paroi thoracique

Il est possible d’observer un “signe de la marche” lors de lésions de la paroi thoracique incluant une fracture de côtes, un hématome sous-costal, une déchirure des muscles intercostaux, un hémothorax, etc. Toutefois, dans un contexte non traumatique, ce signe peut être retrouvé lors d’épanchement pleural, de consolidation ou de masse pulmonaire. Il est caractérisé par une déviation du “glissement pleural” avec l’interface poumon-plèvre, qui donne une image en marche d’escalier. Si la sonde est placée trop caudalement par rapport au champ pulmonaire, à proximité du diaphragme, des faux positifs sont possibles.

Épanchement pleural ou péricardique

Aujourd’hui, il est bien établi que l’échographie constitue un outil diagnostique très sensible pour la détection de liquide libre dans l’espace pleural et péricardique, même minime. Toutefois, il peut être difficile de distinguer un épanchement péricardique d’un épanchement pleural. L’association de trois vues (PCS latéral droit et gauche et DH) permet de différencier le liquide pleural du liquide péricardique. Lors d’un épanchement péricardique, le liquide respecte les contours du cœur et ne provoque pas de rétraction des lobes pulmonaires. Une tamponnade cardiaque est définie lorsque la pression intrapéricardique dépasse celle dans l’oreillette droite en diastole, empêchant ainsi son remplissage. Elle se caractérise à l’échographie par un mouvement paradoxal du septum.

  • 1 G.R. Lisciandro et coll. « Evaluation of a thoracic focused assessment with sonography for trauma (TFAST) protocol to detect pneumothorax and concurrent thoracic injury in 145 traumatized dogs ». J. of Vet. Emergency and Critical Care, 2008, vol. 18, pp. 258-269. Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur le site WK-Vet.fr http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4253

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