Vers une communication libre : un virage culturel à négocier - La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013

Dossier

Auteur(s) : Serge Trouillet

Le Code de déontologie vétérinaire va connaître, dans les mois à venir, de profonds remaniements concernant la communication. L’Ordre travaille, en étroite collaboration avec les institutions vétérinaires et le ministère de l’Agriculture, à en moderniser les textes au regard des évolutions majeures des 20 dernières années. Ses réflexions ont cependant été largement stimulées par l’obligation de transposer dans le droit national la directive “services”. Même assortie du respect de certains principes et de restrictions, la communication des vétérinaires va devenir libre. Pour la profession, il s’agit d’un véritable virage culturel.

Les textes relatifs à la communication vétérinaire datent de 2003, même s’ils ont été légèrement remaniés par le Conseil d’État récemment. La Haute juridiction administrative a en effet déclaré, en 2012, que le Code de déontologie, en l’état, n’interdit pas la communication commerciale. Ce qu’il interdit, en revanche, c’est la communication qui ne respecte pas les devoirs professionnels.

La nuance sémantique laisse un peu perplexe Denis Avignon, membre du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires (CSOV) : « Nous pouvons difficilement nous accommoder d’une interprétation qui, en réalité, n’est que le reflet d’un manque de clarté des textes actuels en la matière. C’est bien pourquoi, depuis longtemps, nous œuvrons à les moderniser pour les adapter à la pratique vétérinaire du xxie siècle. Nos premières propositions sont bien antérieures à la directive “services” qui, sans aucun doute, nous a incités à aller plus loin dans nos réflexions. »

En signant l’apparition de la communication commerciale dans les professions réglementées – l’article 24 en fait clairement état –, la directive “services” a rendu nécessaire la refonte de textes, devenus non conformes au droit de l’Union européenne. « Par ailleurs, ajoute Denis Avignon, il faut reconnaître que les demandes de nos confrères et consœurs en matière de communication vers le grand public sont de plus en plus nombreuses et pressantes. Nous sommes dans une ère de communicants, voire de “surcommunication” : nous ne pouvions pas rester sourds à leurs attentes. »

DES TEXTES ACTUELS PEU CLAIRS ET RESTRICTIFS

Le fondement de ces modifications est aussi lié à une volonté, affichée dans la directive, d’inclure une garantie de qualité et d’information du public sur le service rendu. C’est tout l’objet de son article 22. Or l’actuel Code de déontologie, trop restrictif, peut entraver cette fourniture d’informations obligatoires, dues désormais à l’usager. L’esprit du texte transmis à l’administration en juillet 2011, explique Marc Veilly, membre du CSOV, est « de permettre l’ouverture de la communication des vétérinaires, d’une part pour s’adapter à notre temps, d’autre part pour leur donner les moyens de faire connaître, à leurs clients et aux propriétaires d’animaux, ce qu’ils font. Ils pourront ainsi ne pas laisser le champ libre aux secteurs paravétérinaires qui, eux, ont largement pu communiquer jusqu’à maintenant ! ».

La rédaction de la proposition de texte a donc consisté à revoir ce qui semblait peu clair ou trop restrictif. Par exemple, l’article 242-70 dit que « la communication auprès du public en matière d’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux ne doit en aucun cas être mise directement ou indirectement au service d’intérêts personnels ». À cette aune-là, considère Denis Avignon, « il n’y a pas grand-chose de possible ! Ce serait nier la nature économique d’une entreprise vétérinaire. Pour ce qui est des nouveaux articles rédigés, nous avons énoncé des principes intangibles quel que soit le type de communication. Le message doit être loyal, honnête, fiable, daté, facilement vérifiable, et il doit respecter l’honneur de la profession ».

LE DÉMARCHAGE AUTORISÉ, MAIS EN CONFORMITÉ AVEC LA DÉONTOLOGIE

Il sera donc demandé aux vétérinaires, en tant que professionnels de l’animal, de fournir une information vraie, qui ne risque pas d’abuser de la crédulité ou du non-savoir de leurs clients. L’information tarifaire sera argumentée et exhaustive, sans coûts cachés. Il n’y aura pas d’incitation abusive à la consommation de médecine et de chirurgie vétérinaires, ni bien entendu – c’est déjà dans le Code de la santé publique – de communication sur les médicaments soumis à prescription. Sur les sites internet, « le vétérinaire peut déjà communiquer énormément d’informations à ses clients et au public, indique en outre Marc Veilly. Pour les réseaux sociaux, l’esprit des textes qui prévaut relève d’un principe clair : dès lors que le vétérinaire est responsable du contenu de sa communication, et que ce dernier est conforme aux critères déontologiques, peu importe le média qu’il utilise ».

Quant au démarchage, il constitue, selon la Cour européenne de justice, une forme de communication autorisée pour les professions réglementées. « À condition toutefois qu’il implique un contact individualisé entre le vétérinaire et son client, et qu’il évite la confusion entre une information scientifique et une communication à visée promotionnelle. L’envoi groupé d’informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires, y compris sous couvert d’une communication technique associée, est interdit », rappelle Denis Avignon, qui fait référence à des envois de tarifs de médicaments par certains vétérinaires à leurs clients.

L’INSTRUMENTALISATION ET LA SURENCHÈRE INTERDITES

« L’essentiel de ce que nous avons réécrit est formulé, d’une manière ou d’une autre, dans la directive “services”, poursuit Denis Avignon. Nous y avons cependant ajouté quelques restrictions, conformément au droit que nous avons de le faire. Par exemple, nous pensons que le témoignage instrumentalisé de clients est contraire à l’honneur de la profession. En conséquence, nous le proscrivons, alors que la directive “services” ne l’interdit pas. Nous avons également émis des restrictions concernant les vitrines d’exposition. Hormis la communication institutionnelle, organisée sous le contrôle du CSOV, nous interdisons tout support de communication visible de la voie publique. Cela évitera toutes formes d’informations trompeuses et de surenchère sur des tarifs. » Dans la mesure où elle respecte les principes d’éthique énoncés précédemment et l’honneur de la profession, la communication des vétérinaires est désormais libre, même si elle est assortie de quelques réserves. « L’adaptation des textes qui régissent notre profession n’a pas provoqué le tsunami annoncé, constate Denis Avignon. A-t-on vu fleurir les domiciles professionnels d’exercice, ou déferler les chaînes vétérinaires en France ? Il en sera de même pour la communication, pour la simple raison qu’elle doit être proportionnée aux objectifs que l’on se fixe. Quel est l’intérêt pour un vétérinaire de communiquer au niveau départemental, voire régional ou davantage, alors que sa clientèle est locale ? Ce que l’on a pu dire sur la libéralisation de la communication relève largement du fantasme ! »

UN VIRAGE CULTUREL POUR LES CONSEILS ORDINAUX

Il convient maintenant de clarifier les textes rapidement. La directive “services” aura obligé la profession à engager une véritable introspection. Une communication libre provoque, pour Denis Avignon, « un virage culturel, voire une rupture culturelle, y compris au sein des conseils régionaux de l’Ordre (CRO) qui devront adapter leur manière de penser, de fonctionner. Nous partons de si loin ! Il convient d’y voir le souci d’être positif, notamment la possibilité de faire connaître le savoir-faire des vétérinaires. Une bonne communication peut attirer une partie de la population, encore réticente à pousser la porte des cabinets vétérinaires. Je suis persuadé que ces textes, utilisés intelligemment, peuvent apporter quelque chose à la profession ».

Reste aux praticiens à se les approprier. « Nous avons plus à craindre du marasme économique et du changement d’habitudes de consommation de nos clients que de ces textes. Nous sommes impatients de les voir promulgués. La communication reste en effet le seul pan de notre Code de déontologie qui continue à nous poser des problèmes au niveau ordinal. Pour une raison bien simple : la situation est devenue difficilement tenable, compte tenu de ce que savent les vétérinaires sur l’évolution des textes, dans les grandes lignes. Certains sont plus que dans les starting-blocks ! Ils ont devancé les décisions. Quelques CRO ont commencé à appliquer ces textes. Les Ardennes, la Normandie ont décidé de ne plus chercher la petite bête en matière de communication. D’autres s’arc-boutent sur les textes actuels. Il est là, le choc culturel. Il faut maintenant que les choses se clarifient rapidement », conclut Denis Avignon.

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