La rétention placentaire chez la vache - La Semaine Vétérinaire n° 1555 du 11/10/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1555 du 11/10/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS

Auteur(s) : Isabelle Pitsch*, Karim Adjou**

POINTS FORTS

– L’antibiothérapie par voie générale est à réserver aux vaches qui présentent des signes généraux et une putréfaction importante.

– La délivrance manuelle ne doit être entreprise que si elle est facile à réaliser, entre 24 et 72 heures post-partum.

La rétention placentaire, également appelée non-délivrance ou rétention annexielle, correspond à la persistance prolongée des annexes fœtales dans l’utérus plus de 24 heures après l’expulsion du veau. Chez 75 % des vaches, la délivrance est spontanée au cours des 6 heures post-partum (voir graphique). Il est rare qu’elle soit spontanée au-delà de 12 heures après le vêlage. Le plus souvent, les éleveurs qui constatent une non-délivrance appellent le vétérinaire dans les 48 heures qui suivent la mise bas.

ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE

D’un point de vue épidémiologique, les races laitières sont plus touchées. La fréquence des rétentions placentaires augmente avec l’âge (3,5 % chez les primipares, 15 % pour un quatrième ou cinquième vêlage), avec la production laitière, et dépend de la durée de gestation (voir tableau), ainsi que de l’état d’entretien de la vache (prédisposition chez les animaux gras). L’hérédité joue également un rôle non négligeable (prédisposition génétique encore à explorer).

Il existe plusieurs facteurs de risque :

→ une affection aiguë au moment du vêlage : hypocalcémie, mammite, infection associée à une altération de l’état général ;

→ certains agents infectieux abortifs tels que Brucella, l’herpèsvirus de la rhinotrachéite infectieuse bovine, le pestivirus de la diarrhée virale bovine, Coxiella burnetti, Chlamydia, Neospora, le virus de la fièvre catarrhale ovine ;

→ les gestations gémellaires et les naissances avant terme ;

→ la conduite alimentaire : mau­vaise gestion de l’alimentation en fin de gestation, déséquilibre minéral de la ration, carences en oligo-éléments (magnésium notamment) ;

→ les circonstances du vêlage : une dystocie, un prolapsus utérin ou des lésions génitales augmentent la fréquence des non-délivrances, ainsi que les manipulations obstétriques. Le risque est de 5 à 10 % lorsque le vêlage se déroule sans assistance, mais il passe à 20 % si l’éleveur ou le vétérinaire doit intervenir, et à 30 % lors de césarienne.

SYMPTÔMES

→ La rétention placentaire incomplète est la plus fréquente. Dans ce cas, une partie des enveloppes fœtales pendent de la vulve. D’abord rougeâtres, elles peuvent devenir grises à brunâtres et nauséabondes en raison de la putréfaction des portions plus ou moins extériorisées. Les signes généraux sont le plus souvent absents, seule une légère hyperthermie est parfois notée.

→ Lors de rétention placentaire complète, rien n’est visible extérieurement, sauf parfois des écoulements malodorants provenant de la putréfaction interne des enveloppes fœtales. Dans la plupart des cas, l’exploration vaginale permet de constater que les enveloppes sont déjà partiellement engagées dans le vagin. Elle n’engendre habituellement pas de signes généraux. Le pronostic vital est favorable, surtout en l’absence de complications. En revanche, sur le plan économique, les conséquences ne sont pas négligeables (voir encadré).

TRAITEMENT

L’objectif du traitement individuel est d’éliminer les enveloppes fœtales et de prévenir les complications, afin de réduire l’incidence des infections utérines et d’améliorer la fertilité. Pour éliminer ces enveloppes, plusieurs traitements médicaux peuvent être envisagés, comme l’association ergométrine/sérotonine, la prostaglandine PGF2α, le calcium, l’ocytocine. Lorsqu’ils sont employés, ils représentent un complément à la délivrance manuelle, mais leur utilité pour cette affection est controversée.

La délivrance manuelle est une technique simple, utilisée depuis longtemps, et dont l’effet est immédiat. Le désengrènement est progressif, il débute au niveau du col de l’utérus et se termine au fond de l’utérus. Il est important de prendre le temps d’effectuer un nettoyage de la vulve et de la région périnéale avant de délivrer, et de ne réaliser cette technique que lorsque les cotylédons se “désinsèrent” facilement. Dans environ 75 % des cas, il est possible de retirer complètement le placenta. Toutefois, cette méthode est aujourd’hui controversée, car elle n’est pas sans conséquences.

Pour prévenir les complications, une antibiothérapie par voie locale est administrée systématiquement, à l’aide d’oblets de tétracyclines ou d’amoxicilline renouvelables 24 à 36 heures plus tard (mais souvent non répétés en pratique), sans temps d’attente dans le lait après la délivrance manuelle, qu’elle soit complète ou non. Une antibiothérapie par voie générale est administrée en complément, uniquement lorsque des signes généraux sont observés, sous la forme d’une solution injectable dont l’effet s’étend sur trois à cinq jours. L’antibiotique doit posséder un spectre d’action adapté et un délai d’attente compatible avec la production laitière, se diffuser dans l’endomètre, et éviter de créer des antibiorésistances (les plus utilisés sont l’association pénicilline/streptomycine, le ceftiofur et l’oxytétracycline). Il est ensuite conseillé de réaliser un contrôle d’involution à 30 jours post-partum.

Lorsque la fréquence des non-délivrances est élevée, les facteurs de risque sont évalués et corrigés à l’échelle du troupeau.

DISCUSSION

Faut-il effectuer une délivrance manuelle ? Cette question a toute son importance car, selon une enquête menée par la Société nationale des groupements techniques vétérinaires en 2008, 20 % des praticiens ruraux réalisent systématiquement cet acte, même quand il faut forcer pour dé­so­lidariser les cotylédons. Or les conséquences d’une délivrance manuelle inappropriée peuvent être graves (hémorragie, lésions utérines à l’origine de métrites aiguës, etc.).

Même lorsque la délivrance manuelle est facile, elle a des conséquences néfastes :

→ risques d’hémorragies et/ou d’hématomes (d’autant moins importants que la délivrance est aisée) ;

→ inhibition de la phagocytose des leucocytes utérins durant plusieurs jours, ce qui retarde l’involution utérine, ainsi que la reprise de l’activité ovarienne.

En pratique, la délivrance n’est complète que chez 62 % des vaches, elle est partielle dans 27 % des cas et non réalisable dans 11 % des cas, car le placenta est trop adhérent.

Finalement, il convient de réaliser une délivrance manuelle :

→ chez les femelles qui ne présentent aucune autre maladie ;

→ au moins 24 heures après le vêlage et avant trois jours ;

→ uniquement si les cotylédons se “désinsèrent” sans efforts.

Cette technique ne disparaîtra pas, malgré ses inconvénients (retard d’involution utérine systématique avec ses conséquences sur la reproduction). En effet, elle reste appréciée des éleveurs, car elle est rapide et permet d’éviter l’odeur nauséabonde des annexes en cours de putréfaction. Il convient donc de tenter de minimiser les répercussions en ne la réalisant que dans les situations appropriées. Il faut également porter des gants pour se protéger contre les zoonoses potentielles, ainsi qu’une cotte jetable (ce qui est rarement le cas en pratique).

En théorie, lors de rétention sans hyperthermie, il ne faudrait pas effectuer de délivrance manuelle, mais sim­plement dire à l’éleveur de surveiller quotidiennement (pendant dix jours) la température de la vache, et d’attendre l’élimination spontanée si elle demeure normale (cela n’est pas non plus le cas en pratique).

Bibliographie

  • → Bolinder A., Seguin B., Kindahl H., Bouley D., Otterby D. Retained fetal membranes in cows : manual removal versus nonremoval and its effect on reproductive performance. Theriogenology, 1988 ; 30 : 45-56.
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  • → Ghavi Hossein-Zadeh N., Ardalan M. Cow-specific risk factors for retained placenta, metritis and clinical mastitis in Holstein cows. Vet. Res. Commun. 2011 Aug., 35(6) : 345-354.
  • → Grunert E. Etiologie of retained bovine placenta : current therapy in theriogenology. Philadelphia, W.B. Saunders Company, 1980, 180-1866.
  • → Mauffre V. Rétention placentaire chez la vache. Power point ENVA, unité pédagogique de reproduction, 2013.
  • → Rajala P.J., Gröhn Y.T. Effects of dystocia, retained placenta and metritis on milk yield in dairy cows. J. Dairy Sci. 1998, 81, 3172-3181
  • → Van Werven T., Schukken Y.J., Lloyd J., Brand A. The effect of duration of retained placenta on reproduction, milk production, post-partum disease and culling rate. Theriogenology, 1992, 37, pp. 1191-1203.
  • → M. Aubadie-Ladrix : « Non-délivrance et métrites chez la vache laitière », Point Vet., octobre 2005, n° 259, pages 42-45.
  • → A. Dupont : « La rétention annexielle : étude bibliographique », thèse vétérinaire, Lyon 2005.

CONSÉQUENCES ET COMPLICATIONS DE LA RÉTENTION PLACENTAIRE

→ Conséquences médicales

– retard d’involution utérine ;

– métrite (dans 38 à 100 % des cas) ou autres infections génitales ;

– baisse de la production et de l’appétit ;

– mortalité (qui reste exceptionnelle).

→ Conséquences zootechniques

– baisse de la fécondité (intervalle vêlage-vêlage + 10 à 20 jours) ;

– baisse de la fertilité (+ 15 % d’inséminations artificielles), surtout lors de complications.

→ Conséquences économiques

– baisse de la production laitière et des performances de reproduction ;

– frais vétérinaires ;

– augmentation du taux de réforme ;

– coût par animal atteint variant de 150 à 300 €. En 2005, le coût total engendré dans un troupeau de 100 vaches a été estimé à 560 € pour un taux de non-délivrances considéré comme normal (6,6 % dans un cheptel laitier), et à plus de 2 500 € si cela concerne 30 % des femelles du troupeau.

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