« Un métier dur, avec quelques joies et beaucoup de déceptions »

Après le Mexique, la Chine. Spécialisé dans la reproduction équine, Pierre Valette vient de faire naître le premier poulain par transfert d’embryons en Chine, grâce à la semence de l’étalon Adagio de Talma de Michel Guiot, vétérinaire installé à Grandpré, dans les Ardennes. « Depuis quelques années, la Chine veut développer son équitation et organiser des compétitions. Or, ses chevaux, beaucoup plus petits qu’en France, sont inadaptés. C’est pourquoi les Chinois viennent acheter des juments et des étalons dans les élevages européens. Mais il leur manquait le savoir-faire vétérinaire pour la reproduction », précise Pierre Valette. Il est venu, à la demande d’un éleveur chinois et de l’Union nationale interprofessionnelle du cheval, mettre en œuvre un élevage et un centre de transfert d’embryons à proximité de Qingdao, une cité de trois millions d’habitants dans la région du Shandong. Un aparté d’un mois et demi par an, pendant trois ans, où Pierre Valette intervient aussi à l’université de Qingdao. Mais son ambition est ailleurs.

Avoir la casquette d’étalonnier

Diplômé d’Alfort en 1996, formé pendant quatre ans au Haras d’Elle, l’un des premiers élevages français de chevaux de sport, Pierre Valette a passé dix ans de sa vie au chevet des élevages mexicains. Jusqu’à ce que le mal du pays le gagne. De retour en France, il s’installe dans la Loire et pérennise le Haras d’Aubigny, créé par son père, sur les 35 hectares du domaine familial, « dans un endroit où il y a encore de la place pour un centre d’élevage ». Avec une trentaine de chevaux, il fait naître quatre à neuf poulains par an qui sont destinés au jumping. « Quand on aime les chevaux, c’est génial d’avoir son propre élevage. En tant que vétérinaire, évidemment, les coûts de production sont diminués. Mais ça prend un temps fou. Nourrir les chevaux l’hiver, c’est rude et c’est cher. Le métier est dur, avec quelques joies et beaucoup de déceptions. Mais je pourrai dire que j’en ai rêvé et que je l’ai fait. Sinon, la frustra­tion aurait été trop grande », reconnaît Pierre Valette. Il intervient exclusivement en reproduction chez une clientèle d’éleveurs et auprès de deux centres d’insémination de la région. « J’ai vu quelques centaines de juments cette année. Même si mon activité est récente, elle a doublé par rapport à l’an passé, mais comme partout, la crise se fait sentir. Ceux qui faisaient saillir deux ou trois juments par an n’en font plus qu’une », observe le vétérinaire qui, faute de moyens pour acquérir un étalon reconnu, rêve de faire naître le sien et de revêtir la casquette d’étalonnier. « C’est complexe. Tout repose sur la sélection. Il y a beaucoup de candidats. Il faut avoir le cheval à la mode, celui que les autres n’ont pas, pour réussir à vendre des saillies. Il faut être bon, c’est ça l’enjeu ! Et puis, il ne faut pas se voiler la face, le monde de l’élevage équin se compose de peu d’élevages. Il existe beaucoup d’amateurs, avec des bons et des moins bons. »