DES PHOQUES DANS LE GOLFE DU SAINT-LAURENT - La Semaine Vétérinaire n° 1556 du 18/10/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1556 du 18/10/2013

Reportage

Auteur(s) : Hélène Rose

Près de Rimouski, à l’est du Canada, notre confrère Gwenaël Beauplet et son équipe surveillent avec attention la saison des naissances chez les phoques communs (Phoca vitulina), de la mi-mai à la mi-juillet. Depuis cinq ans, ils s’intéressent à deux colonies, celle de l’île du Bic, située en face du parc protégé du même nom, et celle de Métis-sur-Mer, distante d’une trentaine de kilomètres.

Gwenaël Beauplet (N 96) et son équipe, composée de trois étudiants et d’un technicien de l’institut Maurice-Lamontagne, alternent leurs sorties en mer sur l’un ou l’autre des deux sites, afin de limiter les nuisances pour les phoques : « Il ne faut jamais oublier que nous les dérangeons », souligne-t-il. L’institut, situé à proximité, dépend du ministère des Pêches et Océans du Canada et apporte un soutien logistique.

Environ 80 % des chiots capturés

Sur le terrain, les premières naissances coïncident avec le début de la saison. Capturés une première fois dans les jours qui suivent leur naissance, les chiots sont identifiés à l’aide d’un chapeau numéroté, qui reste collé environ un an. Chacun est pesé, mesuré, sexé, son âge est déterminé d’après la dégradation du cordon ombilical. Une bague d’identification permanente est placée sur l’une des palmes arrière. Un petit bout de peau est prélevé pour constituer une base de données génétiques.

Chaque année, 10 à 20 chiots sont équipés d’un enregistreur de plongée, couplé à une antenne VHF. Une intubation œsophagienne permet de leur faire avaler une pilule stomacale destinée à étudier leur prise alimentaire. Après cinq minutes environ, ils sont remis à l’eau et l’équipe s’assure que chacun retrouve bien sa mère.

Les petits sont recapturés plusieurs fois dans la saison, afin de suivre leur croissance : « Nous les manipulons entre deux et six fois chacun, mais certains nous échappent. À l’approche du sevrage, ils sont plus vifs, plus agiles, et deviennent plus difficiles à attraper… Nous nous concentrons alors sur ceux équipés d’un enregistreur de plongée, car le matériel utilisé ne transmet pas les données qu’il enregistre », précise notre confrère.

Parfois, la mère est capturée, elle aussi. Sous anesthésie de courte durée, Gwenaël Beauplet effectue alors une prise de sang, extrait une dent pour estimer son âge, et ponctionne une carotte de gras dont l’analyse sert à déterminer sa ration alimentaire.

En 2013 comme en 2012, sur une centaine de naissances au Bic et une trentaine à Métis, environ 80 % des chiots ont été manipulés.

Une passion de longue date

Passionné par les mammifères marins avant son entrée à l’école de Nantes, Gwenaël Beauplet réalise un premier stage à la clinique de réhabilitation des phoques gris d’Océanopolis (Brest). Il étudie les dauphins au large d’une île du Costa Rica pour sa thèse de doctorat vétérinaire, puis effectue son service militaire sur l’île d’Amsterdam, « suffisamment éloignée des activités humaines pour que les scientifiques y mesurent la pollution de fond de l’atmosphère ». Dans le cadre du suivi des populations locales (albatros, gorfous sauteurs, etc.) effectué par le Centre national de la recherche scientifique, il recueille notamment des données sur les otaries à fourrure (Arctocephalus tropicalis), sujet de sa thèse de doctorat en écologie.

Après un an au Marine Mammal Research Program de l’université Texas A&M, il obtient un poste d’enseignant chercheur à l’université Laval de Québec, en 2007. Il soumet alors un protocole d’étu­de sur les phoques du Saint-Laurent, et reçoit deux bourses gouvernementales, du Canada et du Québec. En 2008 commence ainsi sa première saison sur le terrain.

De nombreuses pistes de recherche

L’intérêt des autorités s’explique par la position hiérarchique des phoques dans la chaîne alimentaire du Saint-Laurent : dans cet écosystème, ces prédateurs sont de bons bio-indicateurs de la qualité des eaux du fleuve (pollution par les métaux lourds, les dioxines, etc.).

Pour les chercheurs, l’intérêt est aussi de mieux connaître l’écologie des phoques communs1. Les mesures effectuées permettent d’estimer le taux de croissance des chiots, qui est mis en relation avec les qualités maternelles (voir encadré) et avec d’autres paramètres susceptibles d’influencer leur survie. Ainsi, les enregistreurs de plongée (munis de capteurs de pression) permettent de suivre l’apprentissage de la nage, avec parfois quelques surprises : « Certains semblent s’entraîner à développer leurs aptitudes de plongée ! » La fréquence et la nature des repas (lait ou poisson, quantité) sont estimées grâce aux capteurs de température des pilules stomacales. Des enregistrements acoustiques servent à étudier la communication entre les femelles et leurs petits.

Comme le conclut notre confrère, « le financement des recherches est la seule limite. Les pistes de travail sont nombreuses, le matériel de plus en plus sophistiqué, ce qui ouvre des possibilités… Nous commençons à obtenir des résultats, mais il reste beaucoup à faire ! ».

INFLUENCE DES FEMELLES SUR LA SURVIE DES CHIOTS

La femelle reste en permanence auprès de son nouveau-né jusqu’au sevrage, environ un mois plus tard. Elle puise sur ses réserves de graisse pour l’allaiter. Son état corporel influence donc ses capacités nourricières, et se répercute sur la masse graisseuse accumulée par le chiot (dont le poids passe de 10 kg à environ 30 kg). Celle-ci augmente la probabilité de survie du petit durant la période juvénile où la mortalité est la plus élevée, en lui donnant davantage de temps pour développer ses qualités de chasseur (localiser les proies, plonger, les attraper, en quantité suffisante).

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