Formation
NAC
Auteur(s) : Julien Goin*, Marion Fusellier**
Fonctions :
*assistant hospitalier au service “animaux d’espèces inhabituelles” d’Oniris (Nantes)
**responsable du service d’imagerie d’Oniris
Chez les tortues, la symptomatologie fruste et la présence de la carapace obligent souvent le praticien à recourir à la radiographie pour évaluer les organes internes.
L’examen radiographique présente plusieurs avantages : sa disponibilité, sa facilité, sa rapidité, et souvent l’inutilité d’une anesthésie. Les limites sont inhérentes à l’anatomie des tortues : le contraste tissulaire est faible (pauvreté en graisse interne et proximité anatomique des organes, contenus dans une cavité cœlomique unique), les détails sont diminués (la carapace augmente la distance film-objet et se superpose aux organes) et l’interprétation nécessite une expérience suffisante (les critères diffèrent de ceux des carnivores domestiques et des variations anatomiques interspécifiques existent).
L’utilisation d’un appareil numérique augmente la résolution des images, ce qui est crucial chez les petits spécimens.
Trois incidences radiographiques sont utilisables chez les tortues : dorso-ventrale, cranio-caudale et latérale (voir tableau).
→ L’incidence dorso-ventrale est indiquée pour l’examen des appareils digestif, urinaire et reproducteur, du squelette, de la carapace, et de la cavité cœlomique en général. Le faisceau utilisé est vertical, la tortue étant placée sur la cassette ou la table (voir photo 1).
→ Les incidences cranio-caudale et latérale sont indiquées pour l’examen des poumons et de la carapace. Un faisceau horizontal est utilisé, la tortue étant placée sur un petit support (voir photo 2), ce qui permet au tube digestif de conserver sa position physiologique et de ne pas se superposer aux poumons. À défaut, un faisceau vertical est employé, avec la tortue fixée sur un support par un adhésif (voir photo 3).
Les précautions habituelles (mise à la diète, prise du cliché en phase inspiratoire) sont difficiles à respecter (transit digestif étalé sur plusieurs jours, mouvements respiratoires difficilement repérables). Idéalement, la tête et les membres doivent être mis en extension, la tête dans le plan médian, ce qui n’est parfois réalisable que sous anesthésie.
À l’état normal, les organes internes ne sont pas visibles radiographiquement.
→ Le tube digestif est identifiable par la présence de gaz et du bol alimentaire, souvent fibreux ou granuleux. Une petite quantité de pierres ou de graviers est physiologique. Les corps étrangers (par exemple un hameçon chez les tortues aquatiques) et les obstructions intestinales dues à l’ingestion du substrat (sable, graviers, etc.) sont fréquents (voir photo 4). L’obstruction se traduit par une augmentation du diamètre du tube digestif, associée à une accumulation d’un contenu souvent radio-opaque. En cas de doute, un transit peut être réalisé après l’administration d’un produit de contraste (sulfate de baryum ou iohexol, à raison de 1 à 2 ml/kg). Une étude à double contraste peut également être effectuée via l’administration supplémentaire d’air, à raison de 20 ml/kg, lors de suspicion d’une affection pariétale (tumeur, striction). Pour les obstructions du côlon, une procédure semblable est possible, par l’injection de produit de contraste via le cloaque, sous anesthésie, à l’aide d’un cathéter flexible. Les iléus digestifs sont plus rares (voir photo 5). Une hépatomégalie peut se traduire par une compression dorsale des intestins et des poumons.
→ Les calculs urinaires sont généralement radio-opaques, ronds, irréguliers et lamellaires (urates, en association fréquente avec un autre composant de type calcium). En raison de la grande taille de la vessie, ils sont plus craniaux que chez les mammifères, et souvent situés dans le lobe vésical gauche. Des calculs cloacaux sont possibles (voir photo 6). Les calcifications rénales sont rares. La réalisation d’un cloacogramme (injection cloacale d’un produit de contraste iodé) est indiquée lors de suspicion d’une masse radiotransparente (polype, tumeur, certains calculs).
→ La présence d’œufs (gestation, rétention) et leurs anomalies éventuelles (hypertrophie, déformation, fracture) peuvent également être évaluées (voir photo 7). Les œufs sont normalement de forme ronde, à coquille calcifiée radio-opaque.
→ L’ostéofibrose (ou ostéodystrophie fibreuse métabolique) est une affection fréquente, notamment chez les tortues terrestres juvéniles en croissance. Elle est secondaire à un régime alimentaire carencé en calcium (végétaux à faible rapport Ca/P comme la salade, les tomates, etc.) et souvent aggravée par un manque d’exposition aux UVB (élevage en intérieur, sans dispositif adéquat). Elle se caractérise par une déminéralisation osseuse, avec ramollissement et une déformation du squelette et de la carapace. L’examen radiographique révèle une diminution généralisée de leur opacité, un amincissement et une déformation des corticales des os longs (voir photo 8). La radio-opacité des ceintures osseuses sert de référence : elles doivent être radio-opaques, avec des corticales homogènes aux contours bien apparents.
→ Les fractures de carapace sont légion (morsure de chien, scalp de tondeuse, etc.). L’examen radiographique permet d’évaluer leur sévérité, le degré de déplacement des ostéodermes, la présence d’esquilles ou d’une atteinte secondaire des tissus mous, notamment des poumons (voir photo 9). Les fractures des membres sont rares, généralement peu déplacées et difficiles à objectiver cliniquement. La cicatrisation osseuse peut demander jusqu’à six mois et met en jeu un remodelage cortical, la combinaison d’un cal radio-opaque et d’un tissu fibreux, et une réaction périostée moins marquée que chez les mammifères.
→ La présence d’un épanchement cœlomique peut se traduire par une opacification diffuse de la cavité cœlomique. La quantité d’épanchement peut être évaluée en incidence dorso-ventrale, avec un faisceau horizontal, l’animal placé debout, par la visualisation de l’interface formée par l’épanchement.
Les poumons sont situés dorsalement, sous la dossière, et peu expansibles. Ils sont radiotransparents. Les critères de typage lésionnel employés chez les mammifères (bronchique, alvéolaire, interstitiel et pleural) ne sont pas adéquats. L’incidence cranio-caudale est la plus diagnostique, via l’évaluation de la symétrie des deux champs pulmonaires et de la latéralisation des lésions. Une pneumonie se traduit par une augmentation de la radio-opacité pulmonaire, focale ou diffuse (voir photo 10). Une pneumonie unilatérale est parfois visible en incidence dorso-ventrale également, le côté atteint étant plus radio-opaque que le côté sain.
La réalisation régulière de clichés radiographiques permet de suivre l’efficacité du traitement mis en place.
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