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Auteur(s) : Serge Trouillet
Si la médecine vétérinaire est d’abord un art, elle est ensuite une expérience qui mérite d’être transmise. Témoignages de quatre praticiens en pratique canine, équine et rurale.
Pour quelles raisons transmettre son savoir-faire ? C’est avant tout un prérequis indispensable au bon fonctionnement de la structure vétérinaire. L’objectif est aussi d’ordre économique. Améliorer les compétences de ses équipes, garantir l’homogénéité du travail, transmettre et partager des connaissances concourt à améliorer la rentabilité de la clinique. Un autre motif tient au facteur humain.
Pour Sylvain Petel, praticien canin à Nice (Alpes-Maritimes), la transmission du savoir-faire « constitue un lien important dans l’entreprise, trop souvent réduit à un rapport de subordination. C’est celui qui sait ou sait faire qui agit ou fait agir. C’est surtout une manière de montrer de l’intérêt ou de la confiance envers la personne qui reçoit l’information. Ensuite, cela permet d’entretenir des échanges, d’assurer des rapports humains au sein de la structure. En outre, cela permet d’asseoir sa crédibilité professionnelle. La transmission des acquis n’est ni plus ni moins que le corollaire de leur bonne acquisition, de leur renouvellement régulier. C’est donc un gage d’actualisation de ses propres connaissances et de leur remise en question. C’est enfin, à mon sens, une source réelle de motivation ».
Sans oublier l’obligation de nature ordinale pour le vétérinaire, qui exige qu’il informe ses clients de manière éclairée sur les maladies de leurs animaux en utilisant au mieux ses connaissances, et celle qui s’impose au diplômé de collège européen, qui doit justifier d’une activité d’enseignement au cours de son cursus.
Quel est le moment opportun pour transmettre son savoir ? Quand peut-on ou doit-on le faire ? « Lorsqu’il s’agit de transmettre l’information auprès d’associés ou de collaborateurs vétérinaires, je pense qu’il faut plutôt attendre leur sollicitation que de venir vers eux. En revanche, quand il s’agit d’auxiliaires, il est de notre rôle de leur proposer d’actualiser leurs connaissances », poursuit Sylvain Petel. Ce praticien passionné par l’imagerie et la réanimation est formel : il est impossible de tout transmettre, à tout le monde. « Il faut tenir compte du niveau de connaissances et de compétences de la personne qui reçoit. Il est également impératif de composer avec son caractère, pour ne pas risquer de créer un complexe d’infériorité. »
La mission est en réalité complexe. À la question de savoir s’il vaut mieux faire passer l’harmonisation et l’actualisation des connaissances scientifiques au sein d’une équipe de vétérinaires devant l’ambiance de travail, Sylvain Petel répond sans hésiter : « Non, cela ne sert à rien de forcer une relation. Certains membres de l’équipe ne sont pas demandeurs et le prennent comme un affront. L’essentiel, dans l’entreprise, c’est la bonne entente entre tous. C’est même la priorité. »
Comment transmettre ce savoir théorique, pratique, technique ? Les occasions, au sein d’une structure vétérinaire, ne manquent pas. Cela peut s’opérer par le biais du résidanat de collèges européens et des stages, comme dans la clinique de Pascal Prélaud, praticien canin spécialiste en dermatologie à Paris : « Dans notre structure, nous accueillons toute l’année des stagiaires venant du Portugal, d’Espagne, d’Italie, de Belgique. Un tiers d’entre eux seulement sont des Français, car nous préférons les stages longs, si possible de trois mois dans une ou plusieurs spécialités, ce que ne proposent pas nos écoles nationales. » La clinique du Grand Renaud à Saint-Saturnin (Sarthe) a même été conçue pour accueillir les stagiaires, avec des locaux dédiés : « Qu’il s’agisse d’élèves de BTS souhaitant devenir auxiliaires spécialisés vétérinaires ou d’étudiants de 5e année, nous accueillons entre 20 et 30 stagiaires par an, plutôt orientés vers l’équine. Nous n’opérons pas de sélection, quitte à recevoir d’authentiques “étudiants d’amphithéâtre” ou encore des jeunes issus de pays où l’enseignement s’apparente encore à ce que nous faisions en rurale dans les années 60 ! Qu’importe, cela permet de garder une fraîcheur d’esprit dans le fonctionnement de la clinique », se félicite l’un des associés, Christian Bussy, qui exerce en chirurgie équine.
Pour les vétérinaires d’une même structure, cette transmission peut prendre des formes diverses. Par exemple, elle s’apparente à de l’internat, dans la clinique de Pascal Prélaud, où les nouveaux arrivés peuvent se prévaloir d’une formation complémentaire de haut niveau, pendant un an, dans toutes les disciplines développées sur place.
À Saint-Flour, en Auvergne, le spécialiste en buiatrie Olivier Salat associe ses jeunes ou futurs associés aux formations qu’il assure, et les incite à obtenir le nouveau diplôme d’études spécialisées vétérinaires (DESV) en médecine bovine. Ses associés et lui organisent régulièrement des miniconférences dont « l’objectif est de faire travailler chacun sur un sujet donné afin d’en débattre tous ensemble ensuite ».
Sylvain Petel appelle cela des revues scientifiques : « Elles permettent un échange plus intéressant qu’une transmission unilatérale, verticale, des informations. » Les ASV ne sont pas oubliés. « Nous essayons, autant que possible, de proposer à nos auxiliaires des réunions pour s’informer sur les produits et sur les protocoles que nous établissons, parfois ponctuées d’un repas commun afin d’entretenir l’esprit d’entreprise », explique-t-il.
La transmission du savoir s’effectue également via le référé. Le spécialiste au fait des dernières nouveautés dans son domaine participe ainsi à la formation du vétérinaire qui réfère : « Nous pouvons proposer une autre façon de prendre en charge une maladie, une approche diagnostique différente », témoigne Pascal Prélaud. Cette formation peut même s’effectuer en groupe, autour d’un repas : « Plusieurs fois par an, nous réunissons en soirée 20 à 30 vétérinaires référents afin de leur présenter des cas cliniques ou des synthèses sur certaines maladies », indique Christian Bussy.
L’expertise technique se diffuse aussi, bien entendu, par la formation. Celles que coordonne Olivier Salat dans son cabinet, par exemple sur la bactériologie du lait, en collaboration avec le laboratoire Bohringer, rassemblent une dizaine de vétérinaires sur une journée à Saint-Flour. Cette expertise est d’autant plus reconnue quand elle fait l’objet d’une publication dans une revue française, voire internationale.
Ce fut le cas, en mars 2013, pour les résultats d’une recherche menée dans la clinique du Grand Renaud sur le traitement des valgus par ondes de choc chez les poulains. Christian Bussy les a dévoilés lors du treizième congrès de la World Equine Veterinary Association (Weva), qui a eu lieu début octobre à Budapest (Hongrie). « Nous allons aussi présenter un outil novateur : un trocart un peu particulier pour opérer sur un cheval debout, par le flanc, afin de prévenir certaines formes de coliques et, éventuellement, des tumeurs ovariennes. Nous testons le dernier prototype dont la commercialisation est prévue à la fin de l’année », précise-t-il.
Transmettre le savoir sera aussi la vocation de la clinique de cas référés en rurale que viennent d’inaugurer Olivier Salat et ses associés, dans leurs nouveaux locaux à Saint-Flour.
« C’est souvent un défi bien plus important qu’il y paraît, car l’enjeu est de taille. L’essentiel, surtout, c’est de transmettre une passion, de donner à l’autre l’envie de s’enrichir, pour qu’il parvienne plus rapidement à l’épanouissement professionnel et personnel. Dès lors que l’envie existe, le reste suit. La passion est le plus efficace des vecteurs de transmission du savoir-faire », conclut Sylvain Petel.
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