Entre nous
FORUM
Auteur(s) : Serge Trouillet
Christophe Hugnet, praticien mixte au Poët-Laval (Drôme)
Veut-on, avec ce découplage, refréner la cupidité supposée des vétérinaires ? Cela n’a pas de sens dans la mesure où ces derniers avaient accepté l’idée de marges bloquées, et l’absence de marges arrière sur les antibiotiques critiques ! Par ailleurs, l’antibiotique est déjà majoritairement découplé dans les filières intégrées en France, puisqu’il est distribué via l’aliment médicamenteux. Souhaite-t-on réellement diminuer la consommation d’antibiotiques ? Les trois premiers pays consommateurs en Europe procèdent au découplage total ! De plus, que n’impose-t-on un conditionnement des aliments médicamenteux permettant une distribution au compte-gouttes, en sacs adaptés plutôt qu’en silo ? Enfin, dans un pays d’élevage comme la France, beaucoup de tétracyclines sont utilisées à des doses pondérales importantes. Pour réduire la consommation d’antibiotiques, on pourrait être tenté de faire des transferts sur des familles de molécules qui nécessitent des posologies inférieures, ce qui ne réduirait en rien l’antibiorésistance. Dans un secteur concurrentiel, le vétérinaire n’a aucun intérêt à encourager une surconsommation de médicaments. Les éleveurs, formés et compétents, font la part des choses et revendiquent eux-mêmes la mise en place d’un guichet unique, source d’une économie d’échelle pour eux. Cette proposition relève d’une défiance vis-à-vis de la profession. Pourquoi, dans ce cas, continuer à nous confier des missions sanitaires ?
Fabrice Fosse, praticien en rurale à Cluis (Indre)
Si les vétérinaires, en rurale ou en mixte, perdent la possibilité de vendre des médicaments, à commencer par les antibiotiques critiques, ils devront augmenter le prix de leurs actes et de leurs gardes. Une forte hausse de leurs honoraires, qui pourrait atteindre 40 %, conduirait les éleveurs à prendre le risque de ne pas faire appel à eux. Le maillage sanitaire en pâtirait, et ce serait un vrai souci pour l’État et pour les consommateurs. D’autant que pour les éleveurs, n’en doutons pas, le prix des médicaments subira lui aussi une majoration. En effet, l’interdiction de l’entente entre les ayants droit, qui figure également dans le texte de la loi d’avenir agricole, empêchera les pharmaciens de se mettre d’accord pour obtenir une baisse des prix. Chaque officine, par ailleurs, est-elle prête à rester ouverte en permanence et à approvisionner tout client à toute heure, pour toute urgence ? Je ne le pense pas… Si ce n’est aux vétérinaires ou aux pharmaciens, à qui profite donc ce découplage partiel entre la prescription et la délivrance des antibiotiques critiques ? Ne serait-ce pas aux laboratoires, qui en ont assez de négocier les prix et n’attendent que de les fixer eux-mêmes ? N’est-ce pas là le nœud du problème ?
Jacques Manière, praticien en rurale à Decize (Nièvre)
Un énorme travail a été mené par l’ensemble de la profession pour sensibiliser les vétérinaires au problème de l’antibiorésistance. Résultat : la consommation d’antibiotiques diminue notablement. Pour aller plus loin, le découplage ne sera d’aucun effet. Nous le constatons dans les pays qui, en Europe, le mettent en œuvre. Commençons déjà par appliquer le décret prescription-délivrance en faisant respecter la notion de soins réguliers et les quotas. Avec la traçabilité du médicament, on saura en quelques clics où sont les abus, et si la prescription “hors examen clinique” était réservée au seul vétérinaire sanitaire de l’exploitation ! Pour justifier le découplage, la notion de conflit d’intérêt a été mise en avant… Il existe avec encore plus d’acuité pour les actes et dans un grand nombre de professions. Faut-il un chirurgien ou un dentiste qui décide de l’intervention et un autre totalement indépendant qui la réalise ? C’est une insulte à notre éthique. Le vétérinaire n’est pas comparable au médecin de ville : nous sommes le Samu et l’hôpital ; nous assurons les urgences médicales, chirurgicales, obstétricales et sanitaires, et tout cela sans la Sécurité sociale, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. L’État aurait-il confié pendant 50 ans le contrôle des zoonoses à des profiteurs mercantiles ? La réalité est tout autre : nous sommes responsables et nous réalisons une médecine économique ; tout abus dans le médicament se fait au détriment des actes. Oui à la lutte contre l’antibiorésistance, non au découplage prescription-délivrance : une absurdité technocratique.
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