Une insolite épopée centenaire

Edward S. Curtis est le premier, en 1914, à utiliser le terme documentaire à propos d’un film, le sien en l’occurrence. Le photographe ethnologue s’est lancé dans un projet monumental, une encyclopédie photographique des Amérindiens en 40 volumes. L’aide financière qu’il reçoit ne suffisant pas à ses ambitieuses aspirations, Curtis imagine un projet qu’il espère lucratif : un film à grand spectacle mettant en scène l’art et les traditions extraordinaires (splendides totems, canoës sculptés, maisons peintes) de la tribu Kwakiutl (sur l’île de Vancouver). À l’aube des premiers longs métrages, Edward Curtis, sans équipe professionnelle, façonne une fresque épique exclusivement interprétée par des Indiens. Combinant fiction et éléments réels, le scénario prend des libertés avec la réalité documentaire et oblige les Kwakiutl à réinventer leur propre passé.

Le film met trois ans à se faire, son budget explose et les recettes sont loin de combler les espoirs de Curtis. Vendu en 1922 pour un montant dérisoire, le négatif du film disparaît. Une copie incomplète, miraculeusement retrouvée en 1947, permet une première résurrection du film en 1974. La découverte récente d’une seconde copie aboutit à une nouvelle restauration, plus proche de l’original.

Présenté avec une bande-son du guitariste chanteur Rodolphe Burger, ce film est à la fois un document et une hallucination.

In the Land of the Head Hunters d’Edward S. Curtis, 1914, États-Unis et Canada, 67 minutes, muet, en salles le 20 novembre 2013.