Entretien avec Patrick Dehaumont
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Auteur(s) : Éric Vandaële
L’interdiction des remises sur les antibiotiques, le dispositif anti-cadeaux, la transparence des conventions avec les laboratoires, etc., visent à conserver la prescription-délivrance par les vétérinaires en leur évitant les critiques sur un potentiel conflit d’intérêts.
Surpris de la mobilisation, oui. Sur 17 000 vétérinaires en activité en France, une manifestation qui en réunit plus de 6 000, c’est exemplaire pour une profession libérale qui est parfois qualifiée d’individualiste ! Cela montre bien qu’elle a le sens du collectif. Cette mobilisation souligne aussi l’incompréhension des vétérinaires vis-à-vis d’une mesure considérée comme tout à fait inéquitable et inutile. Et cela d’autant plus que les résultats s’améliorent.
Cette manifestation a démontré aux décideurs politiques que vétérinaire est bien une profession de santé, très attachée à ses prérogatives de santé publique et soucieuse de l’intérêt général. La profession a défendu ses principes et sa déontologie dans le cadre de son exercice privé libéral, mais aussi comme auxiliaire de l’état et acteur de la santé publique. En tant que directeur général de l’Alimentation (DGAL) et vétérinaire, j’en suis donc heureux.
Il y a un an, Stéphane Le Foll a ouvert le débat du découplage sans a priori. Ne connaissant pas le sujet, il a voulu s’entourer de tous les avis nécessaires pour prendre une décision fondée. Ces travaux sur le projet de loi d’avenir ont amené la Direction générale de l’alimentation à faire des propositions pour lutter contre l’antibiorésistance et assurer le bon usage des antibiotiques critiques. À aucun moment, je le souligne, le ministère de l’Agriculture n’a proposé le découplage. Stéphane Le Foll l’a d’ailleurs rappelé lors du colloque du 14 novembre dernier. Nous nous référions pour cela à l’avis défavorable au découplage du rapport de la mission menée par l’Inspection générale des finances, des affaires sociales et de l’agriculture. Le ministère de la Santé a souhaité pousser l’idée d’un découplage a minima sur les antibiotiques critiques. Il a d’ailleurs également envisagé cette mesure pour tous les antibiotiques.
Sur la base des analyses réalisées, mais aussi de la position de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le ministre de l’Agriculture a dit clairement que nous ne partagions pas cette vision, non pertinente par rapport à l’objectif poursuivi. Il a donc, de manière forte, demandé un nouvel arbitrage à Matignon pour approfondir ce point, avant le dépôt du texte sur la table du conseil des ministres. Ce travail a été accéléré par la mobilisation des vétérinaires. Les suivis des consommations aux niveaux français et européen sont, en outre, venus apporter des arguments supplémentaires favorables au maintien du couplage. En effet, ces rapports montrent clairement que, malgré l’absence de découplage en France, la situation s’améliore, tandis que en dépit du découplage dans certains pays comme l’Italie et l’Espagne, elle reste plutôt catastrophique ! Le retrait de cette mesure de découplage, à l’évidence non pertinente, a donc été décidé.
Il est toujours possible qu’un ou des parlementaires remettent ce sujet sur la table à cette occasion. Mais le gouvernement a pris une position tranchée et claire. Stéphane Le Foll a donc indiqué qu’il s’opposerait à toute mesure de découplage lors de la discussion parlementaire. Il a déjà eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale, en séance publique, le 13 novembre dernier. Le gouvernement maintiendra donc le système actuel.
La question des antibiotiques critiques est un enjeu de santé publique et de protection d’un bien commun. Les mesures réglementaires pour leur encadrement sont prêtes à être publiées, dès que la loi sera votée. Ces dispositions ont déjà été discutées depuis plusieurs mois avec les représentants des vétérinaires, qui les ont approuvées. D’autres questions ont émergé par rapport aux mesures en place en médecine humaine. Ne pouvons-nous ou ne devons-nous pas envisager l’existence de vétérinaires référents, qui pourraient être un point d’appui pour les praticiens ? Ne pouvons-nous ou ne devons-nous pas envisager des référentiels de traitement ? Ne pouvons-nous ou ne devons-nous pas envisager des objectifs chiffrés de réduction ? Le principe de ces mesures sera inscrit dans la loi, via des amendements pour celles qui ne figurent pas déjà dans le projet. Leur déclinaison doit être négociée et discutée avec les acteurs sur le terrain. Un groupe de travail santé-agriculture et profession vétérinaire s’est réuni dans ce but le 18 novembre.
Impossible d’ignorer cette question car, potentiellement, il y a toujours un risque de conflit d’intérêts lorsque le prescripteur délivre le médicament qu’il prescrit. Des règles de déontologie et des mesures d’encadrement minimales sont donc nécessaires pour éviter les critiques. Les dispositions prévues visent ainsi à interdire les remises, les rabais et les ristournes sur les antibiotiques, de même que les avantages en nature ou en espèces reçus des laboratoires. Elles introduisent en outre de la transparence dans le système, qui constitue un élément éclairant et vertueux. Personne n’est jamais totalement indépendant. Le bénéfice que nous tirons tous de la jonction prescription-délivrance ne doit pas nous rendre naïfs. Charge à nous, collectivement, de maîtriser ce risque.
Le système mis en place pour évaluer et autoriser les médicaments vétérinaires (mais aussi humains) est performant depuis une trentaine d’années. Mais c’est un peu une “machine à autoriser”, car il y a une logique économique derrière. La révision du dispositif d’évaluation et d’autorisation des médicaments est donc en cours en Europe.
La France souhaite y introduire des spécificités pour les antibiotiques qui constituent un bien public. L’objectif serait de rendre les innovations rapidement disponibles, de mieux les protéger, puis, pour éviter une utilisation large, de les encadrer davantage. Une implication des pouvoirs publics, au-delà des mesures réglementaires, sera nécessaire. Le plan ÉcoAntibio 2017 doit nous aider à identifier les voies de progrès en la matière.
Le sujet du temps d’attente nul dans le lait d’un antibiotique critique est intéressant. Dès lors que la motivation de la prescription peut reposer sur ce point, la question d’une mesure de gestion du risque se pose pour éviter de tels usages. Cela induit plusieurs problèmes. Le premier est celui de l’harmonisation européenne. Car les limites maximales de résidus (LMR) et les temps d’attente sont fixés selon des règles scientifiques que personne ne conteste pour protéger le consommateur des effets possibles des résidus. Il convient de ne pas détourner l’objet des temps d’attente, qui doivent traduire cette préoccupation de protection de la santé. Il ne serait donc pas pertinent, à mon sens, d’allonger ce délai au motif que cela limiterait les prescriptions.
Second problème : si l’on entre dans la logique de ce débat, cela veut dire que les vétérinaires ne sont pas capables d’être responsables et de prescrire ces antibiotiques critiques uniquement à bon escient. Dans ce cas, l’interrogation sur le découplage pourrait se reposer. Car s’ils ne peuvent pas dire « non, je n’en prescris pas », se pose la question de leur responsabilité, à la fois comme prescripteurs et acteurs de la santé publique.
La solution ne passe donc pas par un temps d’attente non nul, biaisé par rapport au risque de résidus. C’est le praticien qui doit rester au centre du débat. Il a la responsabilité de prescrire cet antibiotique seulement à bon escient, et non pour son temps d’attente nul. L’éleveur ne se pose sans doute pas toutes ces questions.
Mais j’ai confiance dans la capacité des vétérinaires à se montrer responsables et aptes à prendre en charge ce sujet des antibiotiques critiques. Finalement, cet exemple illustre bien toute la confiance que nous avons placée dans la profession. Il lui revient désormais de démontrer qu’elle est méritée ! Dans le cas contraire, le débat que nous venons de connaître ne manquerait pas d’être rouvert, dans le futur.
La question a été examinée. En tout état de cause, cela relève du débat parlementaire.
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