Formation
ÉQUIDÉS
Auteur(s) : Michael Schramme*, Serge Trouillet**
Fonctions :
*professeur de chirurgie équine à VetAgro Sup (Lyon). Article tiré de la conférence présentée lors du symposium européen de Bellerive-sur-Allier, le 12 octobre 2013.
La tendinopathie est une maladie commune chez l’homme (surtout le tendon d’Achille) et chez les équidés (surtout le tendon fléchisseur superficiel du doigt, dans la région métacarpienne). Selon une étude britannique de 2001, 43 % des chevaux de steeple chase montrent des lésions échographiques de tendinopathie pendant l’entraînement. Pourquoi cette sensibilité à la blessure ? D’abord parce que ces tendons fonctionnent près de leur seuil fonctionnel : la tension ultime de traction, pendant le galop, s’observe entre 12 et 16 % de déformation du tendon, tandis que sa limite mécanique se situe entre 12 et 20 %. Ensuite, parce que l’exercice normal et l’âge sont associés à la dégénérescence moléculaire pendant laquelle, à la différence des autres tissus, le tendon ne se remanie pas.
Ce traumatisme clinique se développe en trois phases.
→ Il se caractérise en premier lieu par une inflammation aiguë, qui peut durer plusieurs jours.
→ La phase de réparation, qui commence pendant la phase précédente et s’étend sur quelques semaines, voire plusieurs mois, a pour résultat la synthèse d’un tissu cicatriciel, mais sans la reconstitution de la structure fasciculaire propre au tendon.
→ Enfin, la phase de remaniement, qui peut commencer dès la première semaine et durer plusieurs mois, conduit à la cicatrisation du tendon. Il devient plus fort, mais moins élastique que le tendon normal, ce qui le prédispose à de nouvelles blessures dans les zones de transition avec la cicatrice.
Peut-on intervenir en prévention pour aider ces chevaux ? Des essais sont actuellement en cours au Japon pour maximiser la qualité du tendon avant la maturité squelettique, via un conditionnement précoce. Le résultat vise une carrière sportive sans blessure, plus longue. Sachant que les risques de tendinite sont augmentés avec la charge d’impact, la vitesse, la perte de coordination à la fin de l’effort, le saut d’obstacles, le poids du cheval, les ferrures ou encore la surface de course (notamment quand elle est synthétique), il convient de les limiter dès que possible.
La prévention des risques passe, bien entendu, par la détection précoce des symptômes de la maladie. Par palpation, par thermographie, par échographie, même si celle-ci ne permet pas de prédire la blessure. La recherche porte aussi actuellement sur des marqueurs sanguins, qui attesteraient du processus de dégradation de la matrice du tendon dans le sang. Cette piste pourrait se révéler prometteuse. Enfin, sera-t-il possible de réduire la dégénérescence moléculaire chez les chevaux adultes ? S’il est admis qu’elle est liée au vieillissement et qu’il y a un échec d’adaptation au regard d’autres tissus comme les os ou les cartilages, il n’existe pas encore de point d’intervention sur cette dégénérescence.
Pour choisir le traitement le plus approprié à la tendinite, il faut d’abord savoir à quel stade de guérison elle se situe.
→ Lors de la phase inflammatoire aiguë, les symptômes sont une boiterie, une douleur à la palpation, de la chaleur et un gonflement. Le traitement consiste à diminuer le plus possible cette inflammation :
– avec de la glace, mais seulement 20 minutes par heure, afin de permettre à la circulation du sang de se rétablir ;
– avec un bandage de compression ;
– en soutenant le boulet par un plâtre ou une attelle et du repos ;
– en utilisant des anti-inflammatoires ;
– en envisageant un abord chirurgical.
→ Les signes cliniques de la deuxième phase, la phase subaiguë réparative, se reconnaissent à la réduction, voire à la disparition de la boiterie, ainsi qu’à la résorption de l’inflammation. Le tendon reste large et mou : il est toujours faible et le risque de récurrence est patent si l’entraînement est repris trop tôt. Le traitement consiste à favoriser la fibroplasie – c’est-à-dire l’augmentation du collagène produit par les fibroblastes –, à ne pas perturber l’angiogenèse, et à optimiser l’organisation de la cicatrisation. Tout cela est favorisé par la mise en œuvre d’un régime d’exercice progressif et contrôlé (voir encadré).
→ La dernière phase de guérison, dite phase chronique (ou de remaniement), voit la taille du tendon diminuer. Il est moins flexible et le boulet moins descendu. Le traitement consiste, comme dans la phase précédente, à favoriser la réorganisation tissulaire et à empêcher la récidive. Là encore, la remise au travail progressive et contrôlée constitue la meilleure thérapeutique générale. Le plus important, pour le pronostic, c’est la sévérité initiale de la lésion et l’apparence échographique au moment du retour à l’entraînement. Ces deux éléments sont plus prégnants sur le pronostic qu’aucun autre traitement (médicaments, chirurgie), sauf la rééducation progressive.
Y a-t-il de nouvelles voies à suivre ? L’idéal serait de faciliter la régénération du tendon, de guérir sans cicatrisation. En effet, avec la cicatrice fibreuse qui remplace la structure fasciculaire, le tendon n’a plus tout à fait la même fonction. L’utilisation du plasma riche en plaquettes (PRP) ne se révèle pas la panacée. Les facteurs de croissance qu’il contient, notamment les TGF-β1, augmentent la production de collagène, facilitent une meilleure réorganisation de la cicatrisation, qui devient plus forte, mais le tendon demeure moins élastique.
La thérapie cellulaire est aussi à l’étude. L’injection de cellules souches, des cellules non différenciées issues de préférence de la moelle osseuse, produit des résultats intéressants. VetCell a mené, en 2010, une étude portant sur 113 chevaux de courses, suivis pendant trois ans après leur traitement avec des cellules souches. Les résultats, comparés à ceux des chevaux traités de manière conventionnelle, sont patents. Le taux de récidives est plus bas avec les cellules souches, surtout chez les chevaux de courses d’obstacles. Un résultat significatif sur le plan statistique.
Un protocole de rééducation doit être suivi après le traitement de la phase subaiguë réparative.
→ Il commence par le pas, à raison de 5 minutes par jour, avec une augmentation de 5 minutes chaque semaine jusqu’à 45 minutes, et cela pendant deux à quatre mois. La charge de la marche à la main sur le tendon est de 60 % du poids corporel du cheval (deux fois plus qu’au repos), et la déformation du tendon fléchisseur superficiel du doigt est de 2 %.
→ Il enchaîne avec le trot (durant six mois, charge de 90 à 100 % du poids corporel du cheval sur le tendon, élongation de 4 à 6 %).
→ Il se termine par le canter (trois mois, charge de 130 à 140 % du poids corporel du cheval sur le tendon, élongation de 8 %).
Parmi les techniques complémentaires, le tapis roulant en piscine réduit de 40 % le poids sur le membre au pas normal. Quant à la natation, elle maintient le rythme cardiovasculaire du cheval. Le recours à l’échographie, tous les deux à trois mois, est essentiel pendant la rééducation, afin d’éviter que cette dernière abîme le tendon pendant le processus de guérison.
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