Crise du monde rural : le silence des agneaux

En France, en 50 ans, le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par quatre. Les plus touchées par cette crise sont les plus modestes, qui pratiquent l’élevage et la polyculture. À l’origine de quelques documentaires¹, le chamboulement actuel du monde rural reste boudé par le cinéma de fiction. Venu du Québec, qui connaît une crise comparable, Le Démantèlement en est un contre-exemple.

Le titre évoque la vente aux enchères publiques organisée sur le site même de la ferme pour liquider tous ses biens (animaux et matériels) en une seule journée. La soixantaine, père séparé vivant seul, Gaby est un paisible éleveur de moutons. Seul de la fratrie à avoir perpétué la tradition familiale, il semble à l’abri de la crise qui touche son voisinage. Mais à l’instar du père Goriot, Gaby a un sens aigu de la paternité et quand l’une de ses filles lui demande d’éponger ses dettes, il prend la décision de tout vendre.

La belle idée du film est, au-delà du contexte économique, de donner à la problématique une dimension intime. La crise agricole est celle de toute une société. « Une ferme, ça ne se vend pas, ça se transmet », affirme Gaby, conscient qu’aucune de ses deux filles ne veut de cet héritage. S’il le brade, c’est pour en faire un véritable legs. Par son sacrifice, ses filles mèneront en ville la vie qu’elles ont choisie. Moins tragique que Le Vendeur (précédent opus du réalisateur), ce film, d’une belle retenue, reste néanmoins très émouvant.

Le démantèlement de Sébastien Pilote, avec Gabriel Arcand et Sophie Desmarais, Québec, 112 minutes, sorti le 4 décembre 2013.

• 1 Par exemple, Profils paysans de Raymond Depardon.