Les cétacés parlent-ils vraiment ?

La Navy compte intensifier ses tests de sonars. Or ces derniers sont responsables de lésions importantes de l’oreille interne chez les mammifères marins. Selon les propres chiffres de la Marine américaine, cette activité pourrait tuer 350 baleines et en blesser grièvement 13 000 sur la côte Est, à Hawaï et dans le sud de la Californie. En effet, les cétacés se servent de l’écholocation pour se nourrir, trouver leurs partenaires et s’orienter. Ce sens est aussi important pour eux que la vue l’est pour nous, mais parlent-ils vraiment ?

Qu’en est-il des travaux sur le langage des cétacés ? Une figure atypique se détache de l’histoire : John Lilly¹, le père fondateur. Ce neurophysiologiste a, le premier, dans les années 60, exploré les capacités cérébrales des dauphins. Il a utilisé des méthodes brutales (implantation d’électrodes dans le cerveau de dauphins vivants), atypiques (recherche d’un processus télépathique entre un homme et un dauphin sous LSD !), voire franchement loufoques (communication entre une femme et un dauphin dans une maison “aquatique” à demi inondée). John Lilly s’est finalement rendu célèbre en réussissant à faire prononcer quelques mots en anglais à ses dauphins (cette expérience sera à l’origine du livre de Robert Merle intitulé Un animal doué de raison), puis en inventant le caisson d’isolation sensorielle.

Pour les mysticètes (les cétacés à fanons, opposés aux odontocètes, les cétacés à dents), la grande découverte des dernières années est qu’ils communiquent à très grande distance. Les échelles de temps et d’espace ne sont plus celles de l’homme, et il faut revoir le concept de groupe social.

Les mâles des baleines à bosse chantent à peu près la même chanson, le même air. Mais au fur et à mesure que la saison de reproduction progresse, la chanson évolue rapidement et, la saison suivante, elle change également, si bien qu’au bout de dix ans, il s’agit d’une toute nouvelle chanson. Ce qui est curieux, c’est que les mâles d’Hawaï et ceux du Mexique modifient cette chanson commune de façon quasi identique tout au long de la saison.

Chez les odontocètes, selon Peter Be Amish, l’information est peut-être dans les secondes de silence et non dans les bruits, comme le code Morse ! C’est la théorie dite de la communication basée sur le rythme (CBR).

Le langage des dauphins n’est sans doute pas fondé sur le temps. Par exemple, il vous a fallu vingt secondes pour lire le paragraphe précédent ; en revanche, si le langage humain reposait sur la fréquence des sons utilisés, il ne vous aurait fallu qu’un millième de seconde d’une bouffée de clics sonores à large spectre pour trans­mettre la même quantité d’informations ! L’idée la plus proche de ce type de langage est celle d’une transmission d’hologram­mes. Le volume cérébral des cétacés laisse présager d’importantes capacités cognitives et mémorielles.

Pour résumer en une phrase l’état des connaissances : le langage des cétacés est impénétrable pour des raisons techniques (manque d’outils) et conceptuelles (manque d’idées). Comment en effet traduire en langage humain les images tridimensionnelles, holographiques, générées par le sonar delphinien ?

• 1 Auteur de The Center of the Cyclone, Communication between Man and Dolphin, The Mind of the Dolphin, etc.