« Nous devons éduquer sur les bonnes pratiques d’antibiothérapie » - La Semaine Vétérinaire n° 1568 du 17/01/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1568 du 17/01/2014

Jean-Yves Gauchot (T 90)

Dossier

Auteur(s) : Marine Neveux

Le décret sur l’ostéopathie vétérinaire est attendu depuis 2012. Sur ce dossier, enlisé depuis plusieurs mois, les attentes des confrères restent fortes. Êtes-vous confiant sur une issue prochaine ? Tandis que des formations fleurissent chez les ostéopathes animaliers, dont la communication n’est en outre pas contrainte par la même réglementation que notre profession, pensez-vous nécessaire de replacer le vétérinaire au cœur du dispositif, notamment pour orienter l’animal vers la thérapie adaptée à sa maladie ?

Cette situation incombe aux représentants des ostéopathes animaliers qui, lors des discussions sur l’acte vétérinaire, brandissant la menace d’un recours en Conseil d’état, ont souhaité que leur reconnaissance soit inscrite dans la loi. Nous leur avions proposé de travailler à construire une troisième voie. Peu au fait de la mécanique de parution des décrets concernant la formation et les compétences, ils se sont fourvoyés. La non-parution de ces décrets qui, selon la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER), semble être un problème d’analyse juridique, leur est autant préjudiciable qu’à nous. Il en résulte une situation déplorable sur le terrain, dont font les frais les détenteurs incrédules et les vétérinaires qui subissent une concurrence déloyale.

Je ne suis guère confiant sur la sortie prochaine d’un décret, malgré notre insistance, en commun avec le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO) et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Au mieux, si celui-ci aboutit, il ne devrait réglementer que l’encadrement des ostéopathes animaliers, mais pas leur formation. Ce n’est pas l’objet de la loi, il faudrait repasser devant le Parlement pour cela. Mais la profession, en équine, a tout à perdre devant les assemblées, car dans la filière cheval, nombreux sont ceux qui veulent récupérer le suivi gynécologique des juments, l’identification, etc., au détriment du suivi sanitaire.

Replacer le vétérinaire et sa compétence au cœur du dispositif, oui, bien entendu. Plusieurs mouvements de pensée en ostéopathie s’engagent dans ce sens, c’est le cas de l’European Veterinary Society for Osteopathy (Evso) pour les vétérinaires exclusivement. Une autre initiative intéressante est la création de la Fédération française des praticiens en ostéopathie animale (FédéOA) qui regroupe des vétérinaires et des ostéopathes animaliers. Comme c’était prévu avant la sortie de la loi sur l’acte vétérinaire, les acteurs de l’ostéopathie animale doivent se prendre en main pour réguler cette discipline. Les institutions telles que l’Avef, l’Association des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), le CSO, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), le SNVEL sont prêtes à les aider, s’ils acceptent de discuter et de ne pas nous entraîner dans un ésotérisme impossible à cautionner. La récente evidence base medicine est là pour nous aider à trouver la bonne grille de lecture.

Sur la communication, l’évolution attendue du Code de déontologie devrait permettre aux vétérinaires de communiquer. S’ils prennent les devants, certains conseils régionaux ordinaux n’y trouveront sans doute rien à redire, même s’il apparaît judicieux de les consulter en amont.

Comment envisagez-vous la définition et la mise en place d’un système d’évaluation des ostéopathes animaliers ?

À ma connaissance, c’est illusoire. à ce jour, seule la rigueur scientifique des formations vétérinaires, telles que le diplôme interécoles (DIE), est en mesure d’être évaluée. La récente prise en charge de ce dossier par Brigitte Siliart (Oniris) devrait permettre aux vétérinaires engagés dans ce DIE de faire enfin valider leur cursus, et également d’engager d’autres promotions. Pour ce second aspect, c’est le côté financier qui bloque actuellement. La problématique économique persiste ensuite pour les consœurs et les confrères soumis à la concurrence, à la prolifération et à la confusion sur le terrain. La détermination d’un système d’évaluation est à construire avec les acteurs responsables de la filière. S’ils acceptent de travailler et d’être à l’écoute, nous pouvons y arriver. 2014 sera peut-être une année charnière, je ne demande qu’à y croire pour laisser ce beau chantier à mon successeur.

Les scandales médiatiques sur la viande de cheval, désormais récurrents, sont pour la plupart liés à des fraudes. Comme l’illustrent les cas rencontrés en début d’année, certains tirent aussi profit de feuillets de traitements médicamenteux non remplis. Que faut-il faire pour que les vétérinaires effectuent leur travail de sécurisation de la filière bouchère chevaline avec plus de facilité ?

La viande de cheval, c’est un peu le bal des faux-culs, car ce secteur n’est pas étanche en termes de traçabilité sanitaire au sens habituel des autres filières de productions animales. La première responsable c’est la Commission européenne qui, il y a plus de dix ans, dans sa liste des substances essentielles, n’a pas eu le courage politique d’accepter un délai de préabattage forfaitaire pour tous les chevaux. Ce délai forfaitaire est d’ailleurs en projet d’acceptation au niveau de Bruxelles pour les chevaux importés de pays tiers, alors qu’il n’est pas envisagé dans le droit européen, pour les chevaux d’Europe ! Les Britanniques ne sont pas en reste côté hypocrisie, car s’ils ne consomment pas de viande de cheval, ils l’exportent. C’est sans doute en train de changer, car la princesse Anne s’est prononcée en faveur de l’hippophagie, ce qui constitue un moyen de lutter contre la maltraitance en fin de vie des chevaux. On peut également pointer du doigt le Sire, auprès duquel, il y a quelques années, il était possible d’obtenir un nouveau carnet sous le prétexte de l’avoir égaré, rendant alors le cheval propre à la consommation quel que soit son passé. Heureusement, cette procédure n’est désormais plus permise.

La filière équine a longtemps accusé les vétérinaires de s’opposer au maintien du statut “animal de rente”, dans le cadre du débat sur la TVA à taux réduit. Elle rendait la profession responsable des tracasseries sur le suivi de la prescription et de l’administration des substances médicamenteuses imposé par le Code de la santé publique. Aujourd’hui, nous demandons la dématérialisation pour exclure les équidés de la filière bouchère, car il est illusoire de croire que le carnet du cheval est systématiquement présenté dans le cadre des soins. Et nous ne pouvons pas laisser reposer une telle mission sur les épaules des praticiens s’ils sont dépendants des pratiques d’un tiers pour l’assumer.

L’Avef s’est battue pour le maintien de médicaments utiles tels que la phénylbutazone, mais il n’est pas acceptable de faire porter la responsabilité sur notre seule profession quand des chevaux sont importés en l’absence de bases européennes et avec une traçabilité déficiente.

Il est tout aussi illusoire de sectoriser la filière, avec boucherie d’un côté et sports/courses/loisirs de l’autre, car la problématique de déshérence en fin de vie est désormais prégnante, comme cela est établi dans d’autres pays comme les États-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni. En France, les vétérinaires et les Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) en font le constat tous les mois. Conserver la possibilité pour un équidé d’être abattu est une solution de sagesse, l’Académie vétérinaire de France et la Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE) se sont prononcées, il y a quelques années, en faveur de ce maintien. Les États-Unis, confrontés à cette fin de vie, ont rouvert leurs abattoirs. Faire croire que tous les propriétaires et détenteurs d’équidés exclus de la filière bouchère auront les moyens et l’honnêteté de conserver leurs vieux équidés jusqu’à une mort décente au pré est un déni de la réalité. Au milieu du système se trouve le vétérinaire, professionnel réglementé, qui doit assurer une traçabilité sans faille. Comme dans d’autres domaines, les devoirs du praticien équin sont bien supérieurs aux maigres droits que la société lui concède. J’ai en mémoire l’exemple de consœurs soumises à la pression vindicative de propriétaires de chevaux exclus de la filière. Quand l’économie vient à primer…

J’affirme également que, souvent, les libéraux ont dénoncé les abus quant aux pratiques auprès de leur DDCSPP, souvent classés sans suite par manque de moyens. La traçabilité équine en France est certainement la meilleure d’Europe, mais il manque une vraie base centralisée européenne. Les choses devraient évoluer à la suite du scandale des lasagnes. La Direction générale de l’alimentation (DGAL) s’est récemment prononcée pour une application stricte du règlement européen sur l’identification, rendant de facto impropres à la consommation de nombreux équidés. Les fraudes et les scandales récents le justifient.

Heureusement, en termes de santé publique, les risques sanitaires sont faibles, voire inexistants, pour autant que l’État se donne les moyens de contrôles, ce qui semble être désormais le cas. Des études récentes sur les résidus de phénylbutazone (Lees et Toutain, 2013), montrées du doigt, l’attestent. Sur la phénylbutazone, il faut désormais abandonner la langue de bois : on a confondu toxicité des résidus dans de la viande et toxicité des traitements donnés à des patients humains !

La seule voie responsable est que l’Europe accepte un sas de préabattage, par exemple de six mois, afin d’étanchéifier la traçabilité sanitaire des équidés avant leur destination bouchère ultime. À l’identique des autres productions animales, sous le contrôle du vétérinaire sanitaire habilité, il faut soumettre les opérateurs commerciaux à un dispositif d’agrément, comme l’a souligné la sénatrice Sylvie Goy-Chavent, rapporteure de la commission sénatoriale d’information sur la filière viande.

Effectivement, les affaires récentes montrent qu’il s’agit plus de fraudes que de scandales sanitaires. L’Avef s’est portée partie civile dans l’affaire des chevaux retraités, car certains vétérinaires auraient pu participer à ce trafic. Il est nécessaire d’avoir la connaissance des faits dans ce dossier, afin de savoir si les vétérinaires y ont pris une part active ou ne sont que les lampistes d’un système frauduleux. Mais ce que je retiens, c’est que la fraude à la viande de cheval trouve ses racines dans la fausse ou vraie naïveté des derniers détenteurs, ainsi que dans la prohibition dans laquelle les marchands véreux se complaisent comme dans un marigot : c’est sur eux qu’il faut tirer, pas sur la profession !

L’antibiorésistance est un sujet d’actualité essentiel. En février prochain, l’Avef présentera des guidelines de l’antibiothérapie à l’usage des praticiens équins. Êtes-vous confiant sur les débats à venir autour du médicament cette année, notamment les discussions parlementaires relatives à la fameuse mesure n° 20 ?

Grâce à la mobilisation de notre profession, nous avons obtenu deux choses essentielles : l’abandon de l’idée du découplage et une collaboration à mettre en place avec le ministère de la Santé. Jusqu’à ce jour, nous pouvions largement déplorer l’absence de reconnaissance de ce dernier. Or les vétérinaires sont des acteurs de santé publique, même s’il est vrai qu’en équine, notre rôle est moindre. Le 21 février prochain à Roissy, l’Avef présentera, sous un format de cas cliniques pratiques avec des personnalités de renom, les résultats de la conférence de consensus formalisée qui s’est tenue à Reims en 2012. Ces recommandations sont dans la droite ligne des discussions du plan ÉcoAntibio 2017 et des pratiques d’utilisation, réglementées par décret, des antibiotiques critiques. Dans les discussions politiques que la profession mène autour de l’article 20 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, ces bonnes pratiques seront validées par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et constitueront des guidelines opposables. Les habitudes commencent à évoluer dans la filière. C’est une bonne chose, tant sont nombreuses les maladies où il est possible, en première intention, de s’abstenir d’utiliser des antibiotiques. L’Avef doit jouer son rôle d’éducation sur les bonnes pratiques en termes d’antibiothérapie. Parfois, l’inexpérience fait que d’aucuns veulent le “meilleur” pour soigner un cheval, or c’est souvent un mauvais réflexe, au-delà des considérations de santé publique.

Nous pouvons être satisfaits de la première lecture à l’Assemblée nationale de l’article 20, le 10 janvier dernier, car il a été adopté sans profonde modification délétère, tant au niveau des objectifs fixés de réduction de la consommation des antibiotiques critiques qu’au plan des contraintes imposées aux libéraux. Aucun amendement de découplage n’est apparu, mais trois autres examens de ce texte restent à passer. Un nouvel article fixe des objectifs de réduction spécifiques aux C3G/C4G et aux fluoroquinolones. Toutefois, nous déplorons l’incohérence du ministre de l’Agriculture sur la marge des antibiotiques critiques, limitée à 15 %. En effet, il a défendu, lors de diverses interventions publiques préalables à l’examen devant l’Assemblée, la nécessité d’un antibiotique vétérinaire assez cher pour en dissuader l’usage, sans se poser de question sur les effets du plafonnement des marges avant sur les molécules critiques. D’un point de vue économique, ce n’est pas important pour notre secteur, ni pour la profession libérale classique. Il s’agit davantage d’un problème moral, de cette suspicion envers la profession avec notre supposé conflit d’intérêts. Grâce à un syndicat très professionnel préparé depuis des mois sur le fond à cette échéance, à l’unité des organismes techniques et des représentants de notre Ordre, la cohésion dont les confrères ont fait preuve, le 6 novembre 2013 dans les rues de Paris, constitue un tournant psychologique dans l’histoire de la famille vétérinaire française.

2014 sera marquée par la réouverture du dossier sur le statut des animaux. Certaines organisations vétérinaires souhaitent un renforcement de l’animal de compagnie d’un côté, et le positionnement de l’animal de rente de l’autre. Comment intégrez-vous le cheval dans cette problématique ?

Je déplore que notre profession n’ait pas été plus proactive sur le sujet, car le vétérinaire est un sachant incontournable dans ce débat. Entre le Code civil et le statut de bien meuble de l’animal, qui pose de vrais problèmes juridiques notamment lors de cessions, et les Codes rural et pénal qui réprimandent les maltraitances, il apparaît dans la société le souhait de faire évoluer ce statut, avec le soutien de philosophes. J’en veux pour preuve le rapport de Suzanne Antoine, les rencontres “Animal et société”, le manifeste des 24 intellectuels et les propositions de loi régulières sur ce thème. Il est toutefois nécessaire d’intégrer la réflexion dans un cadre européen. L’Avef participera au débat, avec le SNVEL, afin d’éclairer les politiques sur l’emplacement du curseur. Par exemple, qualifier le cheval d’animal de compagnie aurait pour effet de lui rendre applicable la Convention européenne pour la protection des animaux. En raison du flou des termes utilisés, le risque juridique est lourd de conséquences pour les courses et le sport. Je partage cette analyse portée par l’Institut du droit équin.

Il faudra également être vigilants sur l’exigence sociétale et le pretium doloris lors de mise en cause de la responsabilité civile professionnelle, qui pourraient se retourner contre le vétérinaire.

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