Tumeurs mammaires chez la chienne : pronostic et traitement après l’exérèse - La Semaine Vétérinaire n° 1573 du 21/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1573 du 21/02/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Hélène Vandenberghe*, Didier Lanore**

Fonctions :
*praticien à la clinique Alliance à Bordeaux (Gironde)

Lors de tumeur mammaire, la démarche pronostique comporte deux étapes fondamentales : le bilan d’extension, réalisé avant l’intervention chirurgicale, et l’analyse histologique de la pièce d’exérèse, effectuée en phase postopératoire. À partir de ces deux éléments, il est possible de prendre une décision thérapeutique concernant les traitements adjuvants.

BILAN D’EXTENSION

Étapes

Le bilan d’extension doit impérativement comporter l’ensemble des étapes suivantes :

– un examen clinique détaillé des deux chaînes mammaires, avec des lésions mesurées et décrites (inflammation, ulcération, adhérence, vitesse de croissance) ;

– un examen clinique des lymphocentres axillaires et inguinaux superficiels, ainsi qu’une cytoponction de tous les nœuds lymphatiques palpables ;

– un examen radiographique du thorax, comportant a minima des clichés des profils droit et gauche, à la recherche de métastases pulmonaires qui se manifestent le plus souvent sous forme nodulaire ;

– sur les mêmes clichés, une évaluation du lymphocentre sus-sternal avec une éventuelle cytoponction échoguidée de celui-ci ;

– une évaluation échographique des lymphocentres de la voûte lombaire avec une éventuelle cytoponction échoguidée.

Selon les critères cliniques et biologiques présentés par l’animal, d’autres examens complémentaires peuvent se révéler nécessaires : une radiographie du squelette en cas de boiterie avec une douleur osseuse, un scanner cérébral lors de troubles nerveux centraux, une échographie du foie en cas de modification des paramètres hépatiques. Un scanner thoracique permet en outre de détecter des métastases pulmonaires de petite taille (1 à 2 mm), non visibles à la radiographie (limite de détection de 6 à 7 mm).

Classification clinique et pronostic

Le stade clinique, fondé sur la classification TNM, est déterminé à partir du bilan d’extension. Il existe plusieurs facteurs pronostiques d’origine clinique.

La taille de la tumeur : celles inférieures à 3 cm bénéficient du meilleur pronostic et des durées de survie les plus longues (plus de deux ans après l’exérèse). Le taux de survie à trois ans des animaux qui présentent une tumeur de moins de 1 cm (stade 1a) est de 100 %. Ce critère doit cependant être analysé en tenant compte du reste du bilan d’extension et de la nature histologique de la tumeur.

La présence d’une métastase ganglionnaire, confirmée par l’analyse histologique, est associée à une médiane de survie de six mois en phase postopératoire.

La présence d’une métastase à distance (généralement pulmonaire) est associée à un pronostic défavorable, avec un taux de survie à un an inférieur à 10 %.

Deux entités cliniques sont également à connaître, car associées à un pronostic très sombre, avec une survie de l’ordre d’un mois : la carcinomatose et le carcinome mammaire inflammatoire (voir photos).

ANALYSE ANATOMOPATHOLOGIQUE

L’intégralité de la pièce d’exérèse est à envoyer au laboratoire d’histologie ainsi que, dans la mesure du possible, les nœuds lymphatiques inguinal et axillaire (dans un flacon séparé). Le laboratoire est alors en mesure de fournir plusieurs éléments (au moins les trois premiers).

Le type histologique de la tumeur, défini selon la récente classification de Goldschmidt et Peña (2011). Cinq nouveaux types histologiques sont inclus. Certains revêtent une valeur pronostique (voir tableau).

Lorsqu’un grading est applicable, le grade histologique constitue le second élément fourni par le laboratoire. Si plusieurs classifications existent, la plus fréquemment utilisée est celle d’Elston et Ellis (référence en médecine humaine). Ce grading repose sur trois critères : la formation de tubules, le pléomorphisme nucléaire, et l’index mitotique (mesuré par le nombre de mitoses pour dix champs à fort grossissement). Il est composé de trois grades, de gravité croissante, corrélée à la survie. Les tumeurs de grade 1, de bon pronostic, ne nécessitent pas de chimio-thérapie adjuvante. Celles de grade 3 présentent un mauvais pronostic et nécessitent la mise en place d’un traitement cytotoxique adjuvant.

La présence d’emboles vasculaires est un autre critère de pronostic majeur. Lors de carcinome mammaire avec des emboles vasculaires, le taux de survie à deux ans est nul en l’absence de chimio-thérapie adjuvante.

Plusieurs critères, déterminés par des marquages immunohistochimiques, ont également un intérêt pronostique.

Le marquage p63 permet d’identifier les cellules myoépithéliales et de différencier ainsi (intégrité de la membrane ou non) les carcinomes in situ des carcinomes infiltrants. Or, en histologie conventionnelle, la reconnaissance des carcinomes in situ est difficile, mais d’une importance pronostique majeure. Ces tumeurs, même si elles sont parfois de haut grade, bénéficient en effet d’un excellent pronostic (taux de récidive à deux ans de 7 %) et ne nécessitent donc aucun traitement adjuvant à la chirurgie.

Un Ki-67 (index de prolifération) élevé et la surexpression de cox-2 sont des marqueurs de mauvais pronostic.

Des récepteurs hormonaux (aux œstrogènes, ER, et à la progestérone, PR), ainsi que le statut HER2, qui permettent de définir différents profils dont les pronostics diffèrent chez la femme, ont été récemment étudiés en médecine vétérinaire (voir schéma). Une étude récente (Abadie, Ibisch), menée sur des carcinomes mammaires canins, a mis en évidence plusieurs éléments. Premièrement, aucune surexpression de HER2 n’est notée, ce qui écarte l’intérêt d’une thérapie ciblée (anticorps monoclonal ou petite molécule inhibitrice). En outre, 85 % de ces cancers sont triple-négatifs (OR-, PR-, HER-), 63 % avec un profil basal-like. Enfin, 15 % seulement des tumeurs ont montré un marqueur hormonal positif. Ces tumeurs triple-négatives, impossibles à identifier sur les plans clinique et histologique, présentent des métastases systémiques à deux ans plus fréquentes que les tumeurs luminales, des métastases cérébrales fréquentes (17 %) et une médiane de survie plus courte.

TRAITEMENT ADJUVANTS À LA CHIRURGIE

Chimiothérapie

L’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante dans le traitement des tumeurs mammaires est validé par peu d’études. Elle demeure néanmoins recommandée dans certains cas (risque métastatique et/ou survie attendue courte après la chirurgie seule). Les deux molécules utilisées sont la doxorubicine (1 mg/kg pour les chiennes de moins de 10 kg, et 30 mg/m2 pour celles d’un poids supérieur, par voie intraveineuse stricte et lente) et le carboplatine (10 mg/kg pour les chiennes de moins de 10 kg, 300 mg/m2 pour celles d’un poids supérieur, en bolus par voie intraveineuse), en quatre à six séances à trois semaines d’intervalle. Une polychimiothérapie pourrait se révéler plus efficace.

Radiothérapie

La radiothérapie dans un centre spécialisé est essentiellement indiquée pour prévenir le risque de récidive lors d’exérèse jugée insuffisante (infiltration musculaire, marges infiltrées). Le protocole est choisi selon l’objectif du traitement (palliatif ou curatif).

Thérapie ciblée

Les thérapies qui agissent sur la néoangiogenèse (tocéranibe, piroxicam, chlorambucil) ont une place dans le traitement palliatif des formes inopérables ou métastasées.

Traitements hormonaux

Ils seraient indiqués pour les cancers surexprimant ER ou PR. Cependant, le tamoxifène (antagoniste des ER) ne possède pas les mêmes actions chez la chienne que chez la femme et entraîne de nombreux effets secondaires, dont la métrite lorsque l’animal n’est pas stérilisé. Les anti-aromatases, qui pourraient représenter une solution, ne sont pas encore testées chez la chienne.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Le piroxicam ou les AINS cox-sélectifs peuvent également être prescrits. Une surexpression de cox-2 dans certains carcinomes mammaires, à l’instar des carcinomes inflammatoires, est notamment démontrée par certaines études.

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