Formation
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Gwenaël Outters*, Jean-Laurent Thibaud**, Dominique Fanuel***, Laurent Fuhrer****
Fonctions :
*praticien à Micen-Vet (Créteil, Val-de-Marne)
**service de médecine interne des animaux de compagnie d’Oniris
***praticien à Saint-Avertin (Indre-et-Loire)
L’ensemble des lésions cérébrales induites par les crises convulsives favorisent la survenue de nouvelles crises et justifient la mise en place d’un traitement précoce. De plus, la succession des crises contribue à l’apparition de foyers miroirs dans l’encéphale. Enfin, elles sont responsables de modifications systémiques dues aux décharges en catécholamines et à l’accroissement du métabolisme (hyperglycémie, augmentation de la pression artérielle puis diminution de la glycémie, hypotension, hypoxie, hypercapnie et œdème cérébral, voire coagulation intravasculaire disséminée ou insuffisance organique).
Il passe par l’utilisation d’anticonvulsivants d’action rapide, comme le diazépam par voie intraveineuse ou rectale (assimilation plus lente et moins efficace). Si trois administrations échouent, le propofol, le pentobarbital ou le lévétiracétam sont essayés. Comme ces molécules ont, pour la plupart, une durée d’action courte, il convient d’en utiliser d’autres moins rapidement efficaces, mais à la durée d’action plus longue. Le bromure de potassium ou le phénobarbital, davantage prescrits pour la gestion chronique de l’épilepsie, peuvent être utilisés en dose de charge (phénobarbital à raison de 5 mg/kg par voie intramusculaire toutes les 30 minutes à six heures, quatre fois). Lors d’encéphalose hépatique, les convulsions sont arrêtées avec du propofol, du bromure de potassium ou du lévétiracétam, et un lavement rectal est effectué (traitement étiologique).
Certains examens complémentaires réalisés en période de crises ou juste après évaluent davantage les conséquences de la crise que ses causes. Il convient alors de les corriger, en particulier la glycémie et l’ionogramme. Ensuite, les causes extracrâniennes, dont l’exploration n’est pas modifiée par l’ictus, sont recherchées : la calcémie, l’ammoniémie et les acides biliaires sanguins. De plus, les paramètres hépatiques ou rénaux sont à vérifier afin de choisir l’anticonvulsivant le plus adapté (éviter le phénobarbital en cas d’affection hépatique et le bromure de potassium lors de maladie rénale). Certains signes sont fortement évocateurs d’une anomalie intracrânienne ou d’une cause extracrânienne, comme des crises partielles ou groupées, un status epilepticus, des symptômes entre les crises, l’absence de contexte épidémiologique de l’épilepsie essentielle (six mois à cinq ans, race, etc.). Il faut également y prêter attention pour cibler la recherche étiologique, prescrire rapidement l’examen le plus adapté, préciser le pronostic au propriétaire et lui permettre de prendre une décision sur la suite à donner.
L’objectif est de maintenir un statut sans crise et de restaurer l’homéostasie. Il convient de rétablir une normothermie, de limiter l’hypertension intracrânienne (surélever la tête de 30 %), d’apporter du mannitol (pour lutter contre l’œdème cérébral, à raison de 0,5 à 2 g/kg sur 20 minutes, éventuellement associé à du furosémide et à des corticoïdes), d’oxygéner et de corriger les conséquences biologiques de la crise. Par ailleurs, une administration intraveineuse lente de glucose à 50 %, à raison de 1 à 5 ml, rétablit la glycémie. Pour lutter contre l’hypocalcémie, la perfusion de gluconate de calcium à 10 %, sous contrôle électrocardiographique, s’effectue à la dose de 1,5 à 2 ml/kg pendant 20 minutes, puis à celle de 5 à 10 ml/kg.
Prendre en charge les convulsions chroniques à long terme nécessite une démarche diagnostique rigoureuse, associée à une communication avec le propriétaire. Il convient de reconnaître les convulsions et de les situer dans le cadre nosographique pour en extraire l’épilepsie. Le traitement vise à diminuer la fréquence et la sévérité des crises tout en préservant la qualité de vie. Pour cela, l’éviction des facteurs favorisants ne doit pas être négligée (perturbations physiologiques ou psychiques, affection intercurrente, prurit, troubles circulatoires cérébraux, prise de médicaments, etc.). À ce titre, la castration doit être proposée, voire imposée : une étude récente montre que le mâle entier présente deux fois plus de risques de crise que le mâle castré et que, chez la femelle non stérilisée, les crises sont plus fréquentes1.
Standardiser la prise en charge thérapeutique est difficile : les problèmes ne sont pas les mêmes selon les animaux, la tolérance du maître est individuelle et il convient de soigner le couple animal-propriétaire. Un consensus2 s’oriente vers l’initiation du traitement au-delà d’une crise par mois, lors de status epilepticus ou de crises en salves. Cependant, le désir du client doit être écouté. Le vétérinaire doit aussi prendre en compte les effets secondaires du traitement à vie.
Le choix des médicaments s’oriente vers les antiépileptiques vétérinaires, selon l’état clinique de l’animal, les risques d’effets secondaires, les prédispositions raciales, le coût du traitement et le suivi thérapeutique.
Les doses sont ajustées selon des critères d’efficacité et de toxicité. L’objectif est de réduire de moitié au minimum la fréquence des crises ou d’obtenir moins d’une crise toutes les quatre à six semaines, et de diminuer leur sévérité et les manifestations postictales. Il convient d’ajouter une molécule lorsque la fenêtre thérapeutique est à son maximum, ou d’en changer lors de manifestations toxiques ou d’absence d’effet. En pratique, sur le long terme, les animaux ne répondent au traitement que dans 60 à 80 % des cas et l’amélioration de la qualité de vie et la diminution des crises ne sont observées que dans la moitié des cas. Cela s’explique par la maladie elle-même (lors de malformation cérébrale par exemple), l’animal (certaines races ou individus présentent une épilepsie plus grave) et les médicaments (mécanisme d’action inadapté à l’affection, tolérance à la molécule, etc.).
Il est possible de passer du phénobarbital à l’imépitoïne. Si le traitement au phénobarbital a duré moins de 14 jours, il peut être arrêté. Sinon, il faut réaliser un sevrage progressif sur trois mois (sauf en présence de graves effets secondaires). Quand le changement de molécule est motivé par une réponse thérapeutique insuffisante, la dose initiale d’imépitoïne est de 20 à 30 mg/kg deux fois par jour. Dans les autres cas, la posologie est de 10 mg/kg deux fois par jour.
La communication avec le propriétaire est primordiale. Il convient de le prévenir que l’épilepsie est évolutive et que le traitement n’élimine pas toutes les crises (explications sur la gestion des crises réfractaires : ne pas manipuler l’animal, le mettre dans la pénombre et le calme, etc.). Il est important de préciser qu’une crise isolée ne nécessite pas une visite chez le vétérinaire en urgence. À l’inverse, des crises en salves ou un status epilepticus doivent impérativement motiver une consultation rapide. En outre, le suivi et l’adaptation du traitement sont à préciser au propriétaire (il peut utiliser un carnet). Le vétérinaire doit le prévenir que deux à quatre mois sont parfois nécessaires pour stabiliser l’animal. Il insiste sur l’importance d’administrer régulièrement le traitement et de ne jamais l’arrêter sans avis médical, même si les crises cessent. Le mode de vie de l’animal doit être stable, tout en limitant les stimulations trop intenses. Si ces principes sont respectés, l’espérance de vie d’un animal épileptique est proche de celle d’un congénère sain.
1 Monteiro R., Adams V., Keys D., Platt S.R. Canine idiopathic epilepsy : prevalence, risk factors and outcome associated with cluster seizures and status epilepticus. J. Small Anim. Pract. 2012 sep;53(9):526-530.
2 Muñana K.R. Update : seizure management in small animal practice. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2013 sep;43(5):1127-1147. doi : 10.1016/j.cvsm.2013.04.008. Epub 2013 Jun 2
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