Diriger autrement les vétérinaires Y - La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014

Entreprise

Auteur(s) : Françoise Sigot

La génération digitale (dite Y) et ses codes bouleversent le monde du travail, et demande à ses aînés de solides capacités d’adaptation. Mode d’emploi avec Gilles Bourdoiseau, directeur adjoint du campus vétérinaire de Lyon, et Marie Desplats, coauteure de l’ouvrage Manager la génération Y1.

Dans deux ou trois ans, 40 % des actifs (versus 20 % aujourd’hui) seront issus de la fameuse génération Y, les natifs des années 80 et du début des années 90. Il convient donc de s’interroger sur la façon de manager les Y (pour why, l’expression qui leur vient le plus spontanément aux lèvres lorsque quelque chose leur est demandé) et de s’en faire reconnaître. Car ceux-ci ont bel et bien leurs modes de fonctionnement. Ils sont le plus souvent décrits comme impatients, impulsifs, habitués à être choyés, connectés en permanence, flirtant volontiers avec les limites, etc. Autant dire que leur comportement détonne dans le monde du travail, plus encore au sein de petites structures où l’arrivée d’un Y déstabilise parfois l’organisation.

DE JEUNES SALARIÉS DÉCONCERTANTS

Marc, vétérinaire dans le centre de la France, préfère garder l’anonymat pour décrire son expérience avec deux représentants de la génération Y, « sans vouloir ériger celle-ci en règle absolue », précise-t-il d’emblée. En effet, si les débuts, il y a cinq ans, ont été difficiles, l’un d’eux est désormais son associé. Cependant, avant de mettre au point la bonne formule, ce praticien avoue avoir été « totalement décontenancé » par l’attitude de ces deux jeunes confrères qu’il a souhaité intégrer en tant que salariés, en vue d’une association. « Au bout d’une semaine, le premier m’a dit qu’il ne reviendrait sûrement pas parce qu’il avait dû quitter la clinique deux soirs consécutifs une demi-heure plus tard que prévu. Il m’a sommé de lui garantir par écrit qu’une telle situation devait donner lieu au paiement d’heures supplémentaires et m’a bien précisé qu’il ne l’accepterait pas plus d’un jour par semaine, si toutefois je ne parvenais pas à mettre en place une organisation capable de garantir les droits de chacun. » Le second ne se plaint pas des journées chargées, mais a une approche particulière de la relation avec les propriétaires d’animaux : « Les heures supplémentaires ne l’ont pas rebuté, mais je n’ai pas réussi à lui faire comprendre que recevoir les clients en gardant l’écouteur de son téléphone portable dans l’oreille et en conversant à distance n’était pas l’attitude la plus avenante qui soit. » Rapporté aux sociologues qui étudient cette génération, ce témoignage fait sourire, mais n’étonne pas.

DES COLLABORATEURS FRIANDS DE RÈGLES

Sans sombrer dans les stéréotypes, il est possible de noter que « les Y n’ont pas toujours connu de règles au sein de leur famille, commente Marie Desplats, coauteure de l’ouvrage Manager la génération Y. Ils sont nombreux à avoir des parents divorcés et/ou à appartenir à la génération des enfants rois. Ils comptent donc sur l’institution pour poser le cadre au sein duquel ils devront évoluer. Ils sont attentifs au respect de celui-ci. » Pour les managers, rien de tel que les principes bien établis. Chez les Y, l’absence de cadre revient à se croire permis d’agir comme bon leur semble. « Nous sentons clairement que la plupart des étudiants de cette génération ont besoin de règles prédéfinies, observe Gilles Bourdoiseau, directeur adjoint du campus vétérinaire de Lyon. C’est une forte demande de leur part, comme s’ils avaient besoin de celles-ci pour savoir où ils vont. » Un contrat de travail de plusieurs pages, un règlement intérieur bien visible, un descriptif des missions à travers une fiche de poste représentent autant d’éléments indispensables pour baliser les conditions de travail. Ainsi, personne n’ignore ses droits ni ses devoirs. De même, la mise en place d’entretiens annuels, voire biannuels, permet de cerner les attentes du collaborateur Y et de lui apporter des réponses assorties d’objectifs. « Ce souci d’encadrement est aussi valable pour les tâches qu’ils ont à effectuer que pour leur tenue vestimentaire, indique Marie Desplats. Il ne faut pas voir dans cette quête une suspicion. Il s’agit simplement d’un besoin. D’ailleurs, lorsque le cadre existe, il est en général bien suivi. »

DES NÉGOCIATEURS AVISÉS

Intégrer de jeunes collaborateurs Y sans être un chef d’entreprise bien préparé revient inévitablement à s’exposer à l’ergotage, un exercice qu’ils adorent. « Pour eux, tout est souple et négociable », résume l’auteure de Manager la génération Y. C’est pourquoi, le cadrage en amont évite d’avoir à formuler de sempiternelles réclamations, quelle que soit la fonction. « Il est évident que les auxiliaires vétérinaires de cette génération osent, note Jessica Mirilier, modératrice d’un forum destiné aux ASV. Cela tranche avec le comportement de leurs aînés. Ainsi, nous sommes régulièrement interrogés sur des questions juridiques. Les internautes nous demandent souvent de leur fournir les références précises des textes pour faire valoir leurs droits auprès des employeurs. » Se doter d’outils de management et adopter un comportement d’ouverture, tout en étant ferme concernant les objectifs, constitue la règle avec les collaborateurs de cette génération. « Il importe d’expliquer et de prendre le temps de justifier ses choix, sinon toute tentative d’imposition sera vaine, affirme Marie Desplats. En revanche, bien amenée, et argumentée, une décision s’entend facilement pour eux. » « Ils se plient assez facilement aux contraintes, ajoute Gilles Bourdoiseau. Ils ne sont pas rebelles, à condition que chacun respecte ses engagements. »

DES JUNIORS EXIGEANTS ET MOBILES

Derrière cette propension à discuter et à ergoter se dissimulerait, en réalité, une soif d’idéal qui explique l’exigence des Y. Cela constitue un bon point pour les métiers de la santé. « Ces personnes ont besoin de sens, et les professions de vétérinaire et d’ASV font partie de celles capables de répondre à cette quête », souligne Marie Desplats. Ainsi, rares sont les observateurs de cette génération qui rapportent des manquements au travail chez les Y qui ont trouvé leur voie. « Ils sont autant investis que leurs aînés, mais ils veulent avoir leur mot à dire. Ils ont des idées et ils tiennent à les faire valoir. » Exigeants, les Y sont aussi des zappeurs hors-norme. Pour eux, un bail de deux à trois ans au sein d’une même structure est déjà une éternité. Enfin, les Y qui ont le courage de leurs opinions n’hésitent pas à se servir des réseaux sociaux pour partager leur expérience professionnelle, surtout si cette dernière est jalonnée d’événements qu’ils estiment injustes.

Cette jeune génération qui suscite aujourd’hui l’interrogation, voire l’incompréhension, chez de nombreux chefs d’entreprise, devrait bel et bien faire évoluer les modes de management. Marie Desplats en est convaincue : « C’est un véritable changement. Ce n’est pas seulement l’arrivée d’une nouvelle génération. Les Y obligeront les managers à proposer des règles différentes. » Il sera donc nécessaire de savoir diriger autrement pour s’adapter à ces jeunes professionnels.

  • 1 Ouvrage écrit en collaboration avec Florence Pinaud, éditions Dunod, 2011, 224 pages, 19,30 €.

    Voir aussi le dossier de La Semaine Vétérinaire n° 1480 en pages 25 à 30.

CINQ CONSEILS POUR TRAVAILLER AVEC LA GÉNÉRATION Y

→ Fixer un cadre. Le manager ne doit jamais penser que l’intuition est bonne conseillère avec les membres de la génération digitale. Ces derniers ont besoin de repères, y compris pour les tâches les plus communes. Il convient donc de décrire par le menu tout ce qui est demandé à un Y.

→ Expliquer. Tout (ou presque) peut être entendu à condition de développer et de justifier. La pédagogie et la répétition sont de mise avec cette génération.

→ Définir des objectifs. Les Y souhaitent montrer de quoi ils sont capables. Par conséquent, ils adorent avoir des défis à relever. Ceux-ci serviront de base lors des multiples négociations futures.

→ Informer. Ne pas savoir combien est payé son collègue, quels ont été les derniers résultats des promotions, pourquoi l’organisation de la clinique est modifiée, etc., agace un Y. La transparence s’impose. Le pouvoir induit par la rétention d’informations est forcément une erreur. Si le manager ne souhaite pas partager une information, il doit se justifier.

→ Rester accessible. Les Y apprécient le partage d’informations. Ils aiment exposer leurs idées à leur manager.

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