La terre outragée

Occupant plus de 60 % du territoire et près d’un cinquième de la population active (majoritairement des petits exploitants), l’agriculture a été un atout important pour l’intégration de la Pologne dans l’Union européenne. Le documentariste Lech Kowalski s’intéresse ici aux mutations de l’espace rural polonais – mutations subies peut-on préciser devant le désastre insidieusement à l’œuvre dans son film – qui affectent autant les terres que ceux qui en vivent. Résolument du côté des agriculteurs, le documentaire dénonce ce que l’industrialisation à outrance (l’élevage porcin notamment) et aujourd’hui l’exploration des ressources énergétiques du sol tentent de leur imposer, sans laisser d’autre choix que la résignation.

Si l’exploitation du gaz de schiste (et sa polémique fracturation hydraulique) est déjà le sujet de plusieurs documentaires (Gasland en 2010, No Gazaran en avril prochain) et d’une fiction (Promised Land de Gus van Sant), l’essai de Lech Kowalski se distin­gue par sa silencieuse éloquence. En rendant sa place au temps, le cinéaste décrit la terrible banalité de ce “mal” écologique et humain. Il fait également comprendre que l’intrusion des intérêts privés étrangers (soutenue par l’État) n’est que la goutte qui fait déborder un vase déjà plein. Mais au plus près de ces modestes paysans, le film fait mieux que s’apitoyer sur leur impuissance. Il montre au contraire leur parfaite clairvoyance et même, dans une superbe dernière séquence, l’éveil d’une émancipation collective.