Diagnostic radiologique d’une ostéodystrophie chez une tortue

CAS CLINIQUE

Une tortue terrestre âgée de trois ans est présentée en consultation pour une baisse d’appétit, une absence de fèces depuis trois semaines et une prostration. L’examen clinique met en évidence une carapace molle et un jetage purulent. Des clichés radiographiques standard (incidence latérale, rostro-caudale et dorso-ventrale) sont effectués.

INTERPRÉTATION DES CLICHÉS RADIOGRAPHIQUES

La carapace a un aspect hétérogène (mité). Son contour est irrégulier. Les écailles ont une forme légèrement pyramidale. La distinction entre les tissus mous et l’os n’est pas nette. Les os du crâne ne sont quasiment plus visibles. Un discret hypognatisme de la mâchoire inférieure et une excroissance anormale du bec sont notés. Ces signes indiquent une ostéopénie qui affecte principalement la carapace et le crâne de l’animal. Le squelette appendiculaire (os longs et articulations) ne présente pas d’anomalie.

Le volume pulmonaire est réduit. L’incidence dorso-ventrale révèle une asymétrie marquée de l’opacité entre les deux poumons. À droite, une opacification liquidienne homogène en région ventrale, avec une limite horizontale, est observée. L’incidence dorso-ventrale montre une nette différence de l’opacité des deux poumons superposés à la cavité cœlomique.

À cela s’ajoute un épaississement (fibrose) des septas qui séparent les différentes chambres pulmonaires. Il se caractérise sur l’incidence latérale par des opacités linéaires perpendiculaires à la carapace. Ces modifications signent des lésions chroniques pulmonaires, ainsi qu’une consolidation du poumon droit et une composante liquidienne (exsudat).

Le tube digestif est vide. Seules quelques anses à contenu aérique sont visibles.

Les images radiographiques permettent de diagnostiquer une maladie métabolique osseuse et une pneumonie infectieuse chronique.

DISCUSSION

Ostéodystrophie fibreuse

L’expression générale “maladie osseuse métabolique” désigne chez les reptiles un ensemble d’ostéopathies distinctes induites par un déséquilibre des apports en calcium, en phosphore, en vitamine D, et aggravées par un manque d’exposition aux rayons ultraviolets. Ces affections s’accompagnent d’une ostéopénie. Leur distinction radiographique est impossible.

L’ostéodystrophie fibreuse est la maladie osseuse métabolique la plus fréquente chez les jeunes animaux en croissance. Également susceptible d’affecter les adultes, elle est due à un déséquilibre phosphocalcique, responsable d’une hyperparathyroïdie secondaire. L’hypocalcémie initiale résulte de l’ingestion d’aliments carencés en calcium et riches en phosphore soluble, ou d’une insuffisance rénale, qui conduit à un défaut d’élimination des phosphates.

Tardifs, les signes radiographiques d’ostéopénie ne sont visibles qu’à partir d’une perte osseuse de 30 % à 50 %. Chez les reptiles, contrairement aux carnivores domestiques, l’ostéopénie d’origine nutritionnelle affecte autant le crâne que le squelette appendiculaire.

Outre la diminution diffuse généralisée de la densité osseuse et l’amincissement des corticales qui caractérisent l’ostéopénie, une prolifération périostée régulière et à bord flou le long des diaphyses des os longs est observée. À des stades plus avancés, la trame osseuse n’est plus visible, en particulier au niveau des épiphyses (elle est remplacée par du tissu fibreux). Des déformations osseuses des squelettes axial (lordoses, cyphose) et appendiculaire (fractures en bois vert) sont également rapportées.

Pneumonie

Les pneumonies sont aussi fréquentes chez les chéloniens. D’origine bactérienne, fongique ou parasitaire, elles sont favorisées par de mauvaises conditions environnementales (température suboptimale, excès d’humidité, malnutrition, etc.). L’examen radiographique met le plus souvent en évidence une opacité liquidienne homogène unilatérale ou bilatérale des poumons, qui débute dans les régions médiane et ventrale. Les pneumonies se manifestent plus rarement par des opacités localisées multifocales, parfois d’aspect granulomateux. La structure du parenchyme pulmonaire des chéloniens diffère de celle des mammifères. Les termes descriptifs d’opacités alvéolaire, interstitielle, bronchique ou vasculaire, employés chez ces derniers, ne s’appliquent pas à cette espèce. La distinction radiographique avec d’autres processus pathologiques, tels qu’un œdème, une hémorragie, une tumeur ou une fibrose, est impossible.

• Boyer T. H. Metabolic bone in reptile Medicine and Surgery. Ed D.R. Mader, Philadelphia, W. B. Sanders, pp. 385-392.
• Hernandez-Divers S. M. et Hernandez-Divers S. J. Diagnostic imaging of reptiles. In practice july/august 2001, pages 370 à 391.
• Norton T.M. Chelonian emergency and critical care. Seminars in avian and exotic pet medicine, vol. 13, issue 2, april 2005, pages 106-130.
• Silverman S. et Janssen D.L. (1996). Diagnostic imaging in reptile medicine and surgery. Ed D.R. Mader, Philadelphia, W.B. Sanders, pages 258 à 264.