Entreprise
Auteur(s) : Isabelle Diquéro
Les stages tutorés font leurs premiers pas dans les écoles vétérinaires. Les professionnels ont tout intérêt à tirer les enseignements de cette expérience innovante en vue d’assurer sa pérennisation. Explications et témoignages.
En septembre dernier, un parcours de cinquième année d’un nouveau genre a fait son apparition dans les écoles vétérinaires. Les stages tutorés visent à « introduire une part d’alternance dans le cursus », résume Stéphane Martinot, directeur général de Vet Agro Sup. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du plan de modernisation de la formation vétérinaire. Initiée par le ministère de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt, cette expérience se limite, pour le moment, à l’exercice en milieu rural. Depuis la rentrée 2013-2014, cinq étudiants (trois à Toulouse, un à Nantes, un à Maisons-Alfort) y participent. Chacun d’eux est encadré par un binôme composé d’un tuteur enseignant issu de l’école d’origine et d’un praticien. Lors des six mois d’immersion en clientèle, continus ou non, prévus pour ce stage tutoré, l’étudiant doit « acquérir les compétences indispensables à l’exercice vétérinaire identifiées dans le référentiel de formation, en complément de celles acquises et validées au sein des écoles, explique Stéphane Martinot. Il doit aussi s’imprégner des particularités liées à l’exercice en clientèle. »
Si les principes sont clairement énoncés, tout reste à bâtir. « Nous partons d’une page blanche », confie Jacques Guérin, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre. C’est essentiellement en raison d’une question juridique que cette recherche d’alternance s’est traduite, dans les faits, par la mise en place d’un tutorat. « L’étudiant reste inscrit dans son établissement d’origine et il est soumis à une convention de stage. C’est un système plus sûr, notamment en ce qui concerne les questions de responsabilité », précise Jacques Guérin. Le recrutement des tuteurs vétérinaires et des élèves repose sur le volontariat. « Les étudiants qui nous ont rejoints sont motivés et prêts à passer outre le flou qui pèse encore sur l’organisation, poursuit le vice-président de l’Ordre. Nous devons poursuivre la modélisation de cette forme d’enseignement. Du côté des cliniques, en plus de la motivation à accueillir un étudiant, les clientèles doivent présenter un profil plutôt généraliste et proposer un exercice mixte important, afin d’apporter la matière suffisante à la conduite d’un stage tutoré. » Et pour cause : le référentiel élaboré pour ce stage, transversal, comporte non seulement un volet rural, mais aussi d’autres consacrés aux activités équine et canine, ainsi qu’un module dédié à la gestion de l’entreprise.
« Il n’est pas question de faire de l’agrotourisme vétérinaire », lance Jacques Guérin. Ce programme fourni nécessite une implication totale, aussi bien du côté des tuteurs que de l’étudiant. Yves Millemann, tuteur enseignant pour l’ENV d’Alfort, le juge peut-être trop conséquent : « Le carnet de compétences est assez lourd, voire un peu trop complet au regard du temps passé en clientèle, et nécessite sans doute d’être affiné. L’objectif d’une telle démarche est de donner les moyens aux élèves d’être les mieux informés possible sur les clientèles afin de faire un choix éclairé. » Olivier Vallès, tuteur vétérinaire à Castres en lien avec l’ENV de Toulouse, pointe le manque d’adéquation des programmes avec la réalité du terrain. « Nous nous sommes attachés à faire faire à Elsa, notre stagiaire (voir témoignage en page 40), tous les gestes de base. Nous lui avons enseigné tout ce que doit savoir un élève au terme d’un stage de six mois avant de plonger dans le grand bain. Nous sommes restés sur des éléments pratiques, sans développer le thème de l’entreprise au-delà de la gestion de la relation avec les clients. Dans une grande structure telle que la nôtre, la comptabilité est externalisée. Je pense que des entités plus petites sont plus adaptées sur ce point. » Nathalie Bareille, responsable du tutorat au sein d’Oniris, n’a pas hésité à modeler l’expérience pour compléter l’offre de son école. « Il est fréquent qu’en arrivant en cinquième année, certains élèves hésitent entre les pratiques rurale et équine, explique-t-elle. Par ailleurs, nos effectifs sont importants et nous savons bien que les ouvertures ne sont pas aisées en équine. La mise en place du stage tutoré en cinquième année nous est donc apparue comme une opportunité pour nos élèves. Le stage nous permet de développer un double enseignement qui allie la rurale et l’équine, qui n’était pas couvert par notre école. Nous donnons ainsi l’opportunité à nos étudiants soit de choisir en toute connaissance de cause l’une ou l’autre de ces filières, soit de les mener de front et ainsi d’augmenter leur chance d’avoir des débouchés à l’issue de leurs études, ce qui est le cas de l’étudiante engagée dans l’expérience cette année. »
Si l’heure du bilan n’a pas encore sonné, la question de la pérennisation de ce type d’enseignement n’est pas pour autant ignorée. À ce sujet, certains faits semblent déjà s’imposer. « Pour le moment, c’est le brouillard, mais nous sentons qu’il y a quelque chose de bien à faire, estime Jacques Guérin. Il faut acquérir de l’expérience pour affiner l’aspect pratique. L’exercice rural est le vaisseau amiral, mais il n’est pas exclu, à terme, de développer le principe aux équidés, aux animaux de compagnie, à l’industrie pharmaceutique ou à l’agro-alimentaire. Cependant, si nous demandons aux praticiens de s’impliquer à nos côtés à long terme, la mise en place d’un système de dédommagement pour ces tuteurs est à envisager. C’est déjà le cas en santé humaine. Le volontariat n’est pas une solution. » Stéphane Martinot, pour qui la question clé de la pérennisation reste le financement, partage ce point de vue. Olivier Vallès dresse le même constat sur le terrain. « Cette expérience est extrêmement intéressante. La longue durée permet aux élèves d’apprendre des choses et de les intégrer. C’est un atout pour eux comme pour nous. Mais il ne faut pas nier que ce dispositif a un prix pour la clinique qui accueille le stagiaire. Cela nécessite du temps en termes d’organisation. Quand deux heures suffisent pour fouiller des vaches, par exemple, il faut en compter trois et demie avec le stagiaire, sans pour autant augmenter la facture. À cela s’ajoute le temps passé à étudier la bibliographie ou à échanger avec lui. Si l’expérience est enrichissante, elle coûte aussi à la structure avec laquelle je collabore. Il n’est pas question de gagner de l’argent, mais de ne pas en perdre. Je connais une clinique où les associés ont refusé le principe sur ce point. Éluder cette question mettrait en péril le projet. Nous nous exposerions soit à des refus, soit au risque de perdre en qualité en raison du manque d’implication des tuteurs, ce qui serait regrettable. »
Rodach G., Szulka D. Former, Mentorer, Tutorer. Collection formation permanente, Esf éditeur.
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