Dossier
Auteur(s) : Éric Vandaële
Les médecines douces sont à la mode. Les antibiotiques régressent, la phyto progresse. Et tout ce qui serait naturel serait tout à la fois sûr et efficace. C’est l’un des créneaux des produits frontières. « Cela ressemble à des médicaments, cela a la couleur et le goût d’un médicament… mais ce n’est pas un médicament. » Serait-ce un médicament “Canada Dry” ?
Idée reçue : un médicament se reconnaît à son autorisation de mise sur le marché (AMM). Faux ! Le médicament n’est pas défini par son AMM. Même si tous ceux préparés par un industriel devraient être autorisés avant d’être mis sur le marché.
Cette obligation légale de l’AMM n’est pas un critère qui définit le médicament, mais une conséquence de son classement. Car pour les médicaments préparés par des industriels, le contrôle et une évaluation préalable indépendante de son fabricant est obligatoire avant la vente. Mais du fait de l’élévation continue des exigences des dossiers d’AMM, certains industriels souhaitent contourner cet obstacle devenu, il est vrai, parfois insurmontable. Dans les années 1990, les produits borderline sans AMM étaient souvent présentés sans statut juridique clair. Désormais, ils sont le plus souvent rattachés aux aliments pour animaux lorsqu’ils s’administrent par voie orale, ou à des biocides lorsqu’il s’agit de topiques antiseptiques. Certains peuvent être requalifiés en médicaments et disparaissent du marché sans fanfare ni trompette. Mais ils sont vite remplacés par d’autres. La nature a horreur du vide, dit l’adage.
En fin d’année dernière, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a publié, à trois reprises, une excellente note de synthèse de 16 pages sur ce difficile sujet des produits borderline et de leur rattachement à un statut : médicament, biocide, aliment pour animaux, matière première à usage pharmaceutique…
L’agence rappelle la triple définition du médicament. D’abord celui « par présentation » est promu avec une « allégation thérapeutique » explicite ou implicite même s’il n’est pas toujours efficace dans l’usage revendiqué. Puis, le médicament « par fonction » est celui qui possède une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Et enfin, le médicament « par doute » car la loi prévoit qu’« en cas de doute », un produit litigieux est considéré comme un médicament. Un produit dit « nutraceutique », « alicament » ou « nutricament », qui pourrait répondre à la fois au statut de médicament et d’aliment, devrait, selon la loi, d’abord être considéré comme un médicament.
Cette définition commune du médicament humain et vétérinaire s’interprète donc au « cas par cas » de manière « extensive » et non restrictive. Souvent, il n’y a pas de critère unique, exclusif ou déterminant, mais un « faisceau d’indices » ou une analyse de l’ensemble des propriétés des composants et de leurs risques pour apprécier le statut d’un produit litigieux.
Les aliments pour animaux, qu’ils soient complets ou complémentaires, sont d’abord destinés à nourrir les animaux, sans évidemment les rendre malades. Mais ils ne sont destinés ni à les soigner ni à les guérir d’une affection. Ils devraient être composés seulement de matières premières alimentaires et d’additifs autorisés pour l’alimentation animale : colorants, conservateurs, vitamines, acides aminés, probiotiques, enzymes…
Néanmoins, la relation entre alimentation et santé est évidente. Certaines affections, une diarrhée, une insuffisance cardiaque, une obésité, une carence… se traitent aussi par une alimentation adaptée. Une liste exhaustive de 39 allégations diététiques, quasi-thérapeutiques, est publiée en annexe de la directive diététique animale 2008/38/CE. Les aliments diététiques qui revendiquent ces allégations doivent aussi respecter les caractéristiques nutritionnelles prévues en regard de ces informations. Aucun autre produit ne peut être qualifié de diététique.
Mais, contrairement, aux médicaments, les aliments ne sont pas contrôlés et évalués préalablement à leur mise sur le marché. Ce sont les agents des fraudes (DGCCRF) qui veillent sur les aliments pour animaux. Depuis le 1er septembre 2013, les suppléments nutritionnels ne sont plus acceptés par les fraudes (DGCCRF), qui jusque-là les toléraient. Ses suppléments étaient pourtant depuis longtemps en infraction avec la réglementation sur l’alimentation animale. Les concentrations en additifs dépassaient les teneurs maximales permises. Et les allégations thérapeutiques étaient souvent jugées litigieuses.
La TVA des aliments destinés aux productions animales et aux équidés peut aussi poser problème. Ces aliments, qu’ils soient complets ou complémentaires, bénéficient de la TVA réduite (10 % depuis le 1er janvier). Alors que les médicaments vétérinaires ont une TVA normale de 20 %. Et il arrive donc parfois que l’administration fiscale requalifie en médicaments des produits nutritionnels présentés avec des allégations sans AMM. Pour cette administration, un produit présenté avec des allégations thérapeutiques comme un « nutraceutique », un « nutricament », voire un « alicament », est davantage un médicament taxé à 20 % qu’un aliment taxé à 10 %. Une inspection fiscale sur ce point peut alors être financièrement douloureuse pour le fabricant, le distributeur ou le détaillant. D’autant que le redressement pourrait porter sur les ventes des quatre dernières années.
Par prudence, pour se prémunir de ce risque fiscal, des distributeurs en gros et même quelques vétérinaires ont choisi de revendre à la TVA normale de 20 % des produits litigieux présentés à la TVA réduite de 10 % par leurs fabricants.
Les antiseptiques appliqués sur les muqueuses (yeux, nez, sphère urogénitale) ou sur une peau lésée sont, pour l’ANMV des médicaments et non pas des produits biocides. Toutefois, plusieurs antiseptiques, par exemple à base d’iode ou de chlorhexidine, sont encore aujourd’hui appliqués sur des muqueuses sans être classés par leur fabricant comme des médicaments ni, surtout, avoir obtenu l’AMM.
Les insecticides et acaricides appliqués sur l’animal ou dans des locaux en présence des animaux sont aussi des médicaments et non des biocides. Les répulsifs insectifuges ou acarifuges peuvent, à l’inverse, être classés comme des biocides, même s’ils sont appliqués sur l’animal (ou dans des locaux en présence d’animaux).
Enfin, pour les substances actives non formulées, comme une huile essentielle ou un extrait végétal, il est possible de les commercialiser auprès des vétérinaires comme des matières premières à usage pharmaceutiques (MPUP). Le vétérinaire peut les prescrire comme des préparations extemporanées dans le cadre de la cascade et en dernier recours, « en l’absence de médicaments vétérinaires ou humains appropriés avec AMM ».
Les MPUP devraient alors être conformes à la pharmacopée européenne ou, à défaut, française. Les fabricants, importateurs et distributeurs des substances actives doivent être autorisés par l’Agence du médicament humain (ANSM) même pour un usage vétérinaire.
Enfin, la fabrication et l’étiquetage des préparations extemporanées doivent être conformes aux bonnes pratiques de l’extemporanée décrites dans l’arrêté du 9 juin 2004 (24 pages…). Mais, ces exigences apparaissent assez disproportionnées pour un usage de préparations extemporanées qui, en théorie, devrait rester assez exceptionnel.
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