Reportage
Auteur(s) : Frédéric Decante
Le cirque Arlette Gruss a entamé une tournée de 28 villes pour présenter son nouveau spectacle. Parmi les stars de la piste : des tigres, des éléphants, des vaches, des oies, des cochons et des chèvres. Un émerveillement pour les uns et un sujet de contestation pour d’autres, à l’heure où certains pays européens interdisent la présentation d’animaux sauvages dans les cirques itinérants.
Vous pouvez tout photo-graphier, assure Willy’s, l’attaché de presse du cirque Arlette Gruss. Nous n’avons rien à cacher. » Cette entreprise, qui est sur la route depuis bientôt 30 ans, a toujours présenté dans ses numéros des animaux sauvages.
« Nos installations et nos pratiques vont au-delà des contraintes réglementaires européennes pour nos cinq tigres, précise Alfredo Beautour, qui, avec son épouse, a en charge le numéro de dressage et la surveillance des fauves. Nous sommes là en permanence, 24 heures sur 24, et notre caravane touche pratiquement les cages. Chaque jour, nous les sortons, individuellement ou à plusieurs lorsque c’est possible, dans une grande cage de récréation de plus de 600 m2, avec une piscine et des accessoires de jeu. Nos déplacements sont renseignés et les services vétérinaires peuvent visiter nos installations quand ils le veulent. Tous nos animaux sont nés en captivité de parents nés eux-mêmes en captivité. Dès qu’ils sont petits, nous prenons les tigrons avec nous pour être près d’eux et, surtout, pour repérer les fauves calmes susceptibles de devenir des animaux de spectacle. S’ils ne le sont pas, ils partent en parcs animaliers. Concernant les représentations, nous leur faisons exécuter ce qu’ils font spontanément… Ensuite, rien n’est obtenu sous la contrainte. Si vous maltraitez un tigre ou un éléphant, il vous le fera payer un jour ou l’autre ! »
Alfredo Beautour n’est pas optimiste pour son métier en Europe : « Un jour, ce type de spectacle sera prohibé. L’Angleterre l’a interdit pour 2015, la Belgique vient de le faire. La société change. Nous ne vivons plus maintenant comme les générations précédentes, c’est normal. Cependant, j’ai trop de passion pour mon métier. Ma vie est là ! Si cela s’arrête en France, alors j’irai aux États-Unis ou en Inde… »
Kobann, le mari d’Arlette Gruss, décédée aujourd’hui et fondatrice du cirque, fait partie de la commission en charge de l’élaboration des règlements de détention des animaux sauvages : « Nous avons réalisé de lourds investissements et nous allons au-delà des contraintes réglementaires. Il y a des textes et il faut les faire respecter. »
À quelques mètres des tigres, une grande tente accueille quatre éléphantes d’Asie. « Elles ont entre 38 et 45 ans, explique John Vernuccio qui perpétue une tradition familiale de dresseurs. Nous les laissons en liberté toute la journée. Le public peut le voir, car la ménagerie lui est accessible. Les éléphants sont sous la surveillance permanente de deux cornacs, qui assurent tous les soins : foin à volonté, 160 l d’eau par animal, 30 kg de granulés… » L’établissement achète à l’année 10 t de carottes et de pommes, 110 t de foin et 10 t de granulés. Les tigres ne sont pas en reste : un des 50 camions du cirque est équipé d’une chambre froide où des morceaux de carcasses sont congelés.
Willy’s est remonté contre les opposants à la présence d’animaux sauvages dans le cirque : « Ils manifestent tous les ans. Mais lorsque nous les invitons à visiter nos installations, ils refusent d’entrer. Ils ne viennent même pas voir ! » Alfredo Beautour, le dresseur est le plus pragmatique : « En Suisse, les associations de protection animale viennent plusieurs fois et restent près des bêtes toute la journée. Je trouve cela très bien. Ils voient que nous nous en occupons. Parfois, ils nous proposent des aménagements intéressants. C’est plus constructifs. » Regarder avant de juger : presque un numéro de cirque de haute voltige !
En 2008, 22 % des Français de plus de 15 ans déclaraient n’être jamais allés au cirque, ce qui fait de ce dernier le spectacle vivant le plus populaire1. Le cirque constitue la troisième catégorie d’art vivant la plus fréquentée, derrière les spectacles de rue et le théâtre, et concerne près de 6,9 millions d’individus. Cultivé par les 25-44 ans, âge des jeunes parents, le goût du cirque se transmet de générations en générations. Les détracteurs de la présence d’animaux sauvages associent les freins des changements de pratique à cette transmission intergénérationnelle. Nicolas Delon, doctorant en philosophie à la Sorbonne, spécialiste d’éthique animale, déclarait récemment sur France Culture : « Je ne sais pas si cela fait partie d’une identité nationale ou d’une continuité culturelle. Le fait est – et c’est une forme de paradoxe – que les Français sont très attachés aux animaux, mais aussi à une certaine forme d’exploitation de ceux-ci. »
1 Source : département étude de la prospective et des statistiques de la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture.
L’Allemagne, la Hongrie, le Danemark et la Suède appliquent déjà des interdictions partielles relatives à la mise en scène d’animaux sauvages dans les spectacles circassiens. L’Angleterre la proscrira définitivement en 2015. Les députés belges viennent quant à eux de voter l’interdiction totale, même si le pays est en attente d’un arrêté qui fixe la liste des animaux autorisés. Celle-ci comportera sans doute les bovins, les buffles, les porcs, les lamas, les dromadaires, les chameaux, les furets, les lapins, les chiens, les chats, les pigeons, les oies, les gallinacés, les perroquets, les perruches, les canards, les chevaux, les ânes, les poneys, les moutons et les chèvres. En France, l’arrêté du 18 mars 2011 fixe les conditions de détention et d’utilisation des espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants. Ce texte, rédigé en collaboration avec des représentants de la profession du cirque, est contesté par les associations de protection des animaux. Ces dernières dénoncent des troubles du comportement qu’ils nomment circus madness : balancement de la trompe des éléphants, félins qui tournent en rond, agressivité anormale de singes qui s’en prennent aux cages… Plusieurs associations de protection animale (la fondation Brigitte Bardot, Code animal, etc.) militent pour l’interdiction en France des animaux sauvages dans les cirques. La fondation 30 Millions d’amis propose une pétition européenne en ligne. Elle a déjà récolté plus de 100 000 signatures pour un objectif affiché de 150 000 signataires.
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