Impact de la nature et de la quantité de sol ingéré par les poules pondeuses

Avec l’application, depuis janvier 2012, de la directive européenne “bien-être”, les poules pondeuses bénéficient, entre autres dispositions, d’un espace accru dans les cages. Par ailleurs, le nombre d’élevages en systèmes alternatifs augmente. Dans ceux de plein air, les poules sont susceptibles d’ingérer, en plus de leur alimentation, des éléments présents sur le parcours extérieur : sol, cailloux, végétaux, insectes. Cet ingestat peut représenter de 2 à 30 % de la matière sèche absorbée quotidiennement. Lors de la journée nationale de la poule pondeuse et de l’œuf de consommation¹, Angélique Travel (Itavi Nouzilly) a présenté les résultats d’une étude, le fruit d’une collaboration entre l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), l’université de Laval et l’École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires (Ensaia). Ce travail est consacré à l’effet de la nature et de la quantité de sol ingéré sur la valorisation énergétique de l’aliment et la production d’œufs.

PROTOCOLE DE L’ÉTUDE

Deux indicateurs sont évalués : la nature du sol et la quantité absorbée. Les répercussions de cette ingestion en même temps que la nourriture distribuée sont estimées d’une part en termes de performances de production (taux de ponte, qualités du jaune et du blanc, propriétés de la coquille), d’autre part via la valorisation de l’aliment (rétention de matières sèche et organique).

L’étude est menée sur deux lots de 72 poules isabrown. Les animaux du premier groupe sont âgés de 33 à 38 semaines, ceux du second de 40 à 45 semaines. 18 aliments expérimentaux sont reconstitués et distribués à chaque lot sous forme de granulés pendant cinq semaines. Le dénominateur commun de tous ces mélanges est un aliment “ponte” classique, auquel est incorporé soit du sable (fin ou grossier), soit de l’argile (sépiolite ou kaolin), à hauteur de 0,10 ou 20 %. De plus, jusqu’à 5 % de matière organique (lombricompost) est ajouté dans chacun d’entre eux.

Durant la période d’expérimentation, un suivi pondéral des œufs est effectué. Les poules sont, en outre, pesées en début et en fin d’étude. La qualité des œufs est contrôlée sur six jours consécutifs, au milieu de chaque période d’essai. Les fientes émises au cours des sept derniers jours de l’étude sont récoltées, lyophilisées et analysées afin de déterminer la teneur en matière sèche, en insoluble chlorhydrique et en énergie brute. Il en est de même pour le sol et les aliments.

RÉSULTATS

L’incorporation de lombricompost dans l’alimentation des poules pondeuses majore de 10 g environ la prise alimentaire quotidienne, quels que soient les composants avec lesquels il est mélangé. En outre, le lombricompost réduit significativement la hauteur du blanc d’œuf et augmente l’épaisseur de la coquille (0,009 mm environ), donc la résistance à la rupture. En revanche, cette matière organique n’influence ni le taux de ponte ni le poids de l’œuf ou celui du jaune. Enfin, cette matrice est totalement excrétée par les poules (coefficient de rétention nul) et n’a pas d’impact sur les coefficients de rétention des divers composants contenus dans l’aliment de ponte.

L’ajout de 20 % de kaolin ou de sable grossier accroît, plus encore que le lombricompost, la prise alimentaire (plus de 30 g par jour d’aliment et de sol). Néanmoins, la quantité d’aliment de “ponte” consommé sensus stricto (c’est-à-dire sol mis à part) reste stable entre les lots. À l’instar du lom­bricompost, l’incorporation de sable réduit la hauteur du blanc.

L’incorporation de 20 % de sépiolite entraîne, quant à elle, une perte de poids corporel des poules (- 86,2 g par poule en moyenne) et une baisse du taux de ponte (- 10 points), ainsi qu’une hausse de l’indice de consommation (+ 0,2 points). Seule l’incorporation de cette argile, à ce taux, génère ces effets négatifs.

À l’inverse de ce qui est observé avec la matière organique, l’ajout de 10 % de sable fin engendre une augmentation des poids de l’œuf et du jaune. Les effets inverses sont notés chez les poules qui reçoivent de la sépiolite (ce qui renforce l’idée de l’impact délétère de cette argile ingérée à forte dose sur les performances zootechniques). Le poids de la coquille est également majoré par l’incorporation de sable. Le jaune semble, quant à lui, se décolorer proportionnellement au taux d’incorporation de l’argile dans l’aliment.

Le sable améliore le coefficient de rétention de matières sèche et organique, avec un effet plus marqué du sable grossier. À l’inverse, l’argile, en particulier la sépiolite, fait chuter ces paramètres. Cette dernière, en plus de ses effets néfaste sur les performances zootechniques, semble donc générer une diminution significative de la valeur énergétique métabolisable de l’aliment des pondeuses. La hausse l’ingestion spontanée ne parvient pas à compenser cette baisse.

• 1 Le 5 décembre dernier à Pacé, en Ile-et-Vilaine.