Comment l’image du vétérinaire a-t-elle évolué ces 20 dernières années ?

De plus en plus affective et toujours très idéalisée

Emmanuel Thebaud, directeur de Vét’el à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

L’image du vétérinaire, liée à celle des animaux dans la société, est éminemment affective. Peut-être même de plus en plus. Elle a pourtant beaucoup évolué depuis les années 1970. Le parallèle avec les héros du cinéma ou de la télévision qui se sont succédé depuis cette époque, est patent. Les années 1970, avec Daktari, voient émerger Michel Klein, au profil traditionnel de notable, qui travaille déjà auprès des animaux sauvages. Dans les années 1980, avec Marc et Sophie, l’image dominante du vétérinaire devient celle d’un homme plus jeune, à laquelle correspond Pierre Rousselet-Blanc. Puis la profession se féminise : le caractère de femme engagée de Sigourney Weaver (Gorilles dans la brume, 1988) trouve sa figure médiatique en la personne de Marie-Claude Bomsel dans les années 1990. Enfin, depuis quelques années, le consultant vétérinaire type a le profil d’une jeune femme dynamique, jolie, comme peut l’être Natacha Harry. Cette image, renvoyée par les médias et fortement idéalisée, suit l’évolution de celle culturelle que se font les gens du métier. C’est elle qui suscite les vocations. Elle est, bien entendu, en décalage avec la réalité du praticien au quotidien. La perception que ce dernier en a est altérée par son rapport à la clientèle, à l’argent, à la souffrance et à la mort des animaux. Pour autant, s’il faut sans doute communiquer sur la réalité du métier, attention à ne pas trop écorner cette image de la profession ; son attraction en pâtirait.

Vers une sorte de banalisation

Jacques Manière, praticien en rurale à Decize (Nièvre).

L’image du vétérinaire a évolué vers une sorte de banalisation, comme celle du médicament. Aujourd’hui, en forçant le trait, je dirais qu’un antibiotique s’achète comme un engrais ! Le vétérinaire est un intervenant lambda, le médicament un intrant comme un autre. Moi qui ai commencé ma carrière en 1977, j’ai constaté cette évolution sociologique en pratique rurale : l’image de notable a disparu, à l’instar de celles de l’instituteur et du médecin.

Le phénomène est accentué par la perte de valeur relative des animaux sur lesquels nous intervenons. Le prix du bétail stagne depuis 1980. La taille des exploitations s’est considérablement accrue ; les aides diverses de l’éleveur constituent aujourd’hui la moitié de ses revenus. Ces changements s’illustrent par un exemple, certes simpliste, mais concret. Avec une vache en moins, un éleveur qui en possédait 50 et tirait tous ses revenus de son travail, perdait potentiellement 1/50^e de son revenu. Aujourd’hui, avec 150 vaches et les primes, le même animal en représente le 1/300^e. L’impact relatif de l’activité vétérinaire est donc divisé par six, et l’image de la profession s’est dépréciée de manière concomitante. Auparavant, quand le vétérinaire sauvait une vache, il était le Messie ; aujourd’hui, il n’aura fait que son métier. Malgré tout, la majorité des clients apprécient le service et la rapidité de nos interventions, et ne cessent de répéter que les animaux sont mieux soignés que les gens.

Attention à l’aspect parfois “trop commerçant” du métier

Loïc Dombreval, fondateur de l’agence de conseil en communication Life à Vence (Alpes-Maritimes).

L’évolution de l’image du vétérinaire est liée à l’évolution de son métier. Depuis 20 à 25 ans, l’activité commerciale du praticien ne fait qu’augmenter. Le corollaire de ce développement revêt deux aspects : l’un est positif, l’autre négatif. Le positif, c’est la perception qu’ont les éleveurs ou les propriétaires d’animaux de compagnie que les services rendus sont de meilleure qualité. À l’inverse, la mue progressive du vétérinaire en chef d’entreprise de plus en plus commerçant se heurte à une défiance croissante dans la clientèle.

Personnellement, j’ai plutôt tendance à penser que le bilan est positif. Les conditions d’accueil, les suivis sanitaire et médical des animaux, ainsi que la plus grande variété des espèces aujourd’hui traitées concourent à asseoir l’idée que la qualité du service global proposé au client est en constante progression. Pour autant, les praticiens seront avisés de garder présent à l’esprit qu’il leur faut toujours maintenir cet équilibre ténu entre la nécessité du développement commercial et celle de ne pas apparaître comme étant trop commerçant. Cette dimension est parfois mal vécue par certains clients qui ressortent de chez leur vétérinaire avec un panier moyen en nette augmentation. L’activité de ce professionnel de santé est perçue comme chère. Par les temps qui courent, il convient d’y faire attention.