L’écologie n’est pas née aux États-Unis… mais en France

On a longtemps cru que les préoccupations environnementales étaient nées au xix^e siècle aux États-Unis. Cependant, Richard Grove, dans son ouvrage Les Îles du paradis, l’invention de l’écologie aux colonies 1660-1854¹, montre que c’est dans les îles tropicales, à cette époque-là, que les Européens ont pris conscience des destructions environnementales causées par l’homme. Le désir de retrouver le “paradis perdu” en est à l’origine.

Les savants de l’époque, face au constat de l’épuisement rapide des ressources naturelles, phénomène très visible à l’échelle d’une île, se doivent de penser autrement et d’inventer de nouvelles pratiques. Pierre Poivre est l’une de ces figures exemplaires. Nommé intendant de l’île Maurice en 1766, il souhaite y acclimater des épices en provenance des Moluques. Il s’intéresse pour cela aux conditions du sol, à son humidité, aux niveaux de la nappe phréatique et à l’avantage de maintenir une importante couverture forestière protectrice. Soutenu par les physiocrates, tels que le duc de Choiseul, il s’oppose aux propriétaires fonciers coloniaux et à leur obsession du profit à court terme.

Épaulé par Bernardin de Saint-Pierre, qui remarque que la déforestation contribue à l’envasement des ports et rivières de l’île, Pierre Poivre développe les concepts jumeaux de réserve de montagne et réserve de rivière, qui seront ensuite largement appliqués en Inde après 1846, par exemple. Jusqu’aux années 1820, aucun développement intellectuel comparable d’une conscience environnementale n’avait encore émergé en Europe métropolitaine. La première application des idées de Pierre Poivre, en dehors de l’île Maurice, a eu lieu à Saint-Hélène.

Si vous vous rendez à l’île Maurice, en visitant le somptueux jardin de Pamplemousses, ayez une pensée émue pour Pierre Poivre qui l’a créé !

• 1 Éditions La Découverte, 2013.