Vers une banalisation de la féminisation de la profession ? - La Semaine Vétérinaire n° 1590 du 20/06/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1590 du 20/06/2014

Dossier

Auteur(s) : Hélène Rose*, Chantal Béraud**

Depuis une vingtaine d’années, la féminisation gagne du terrain dans la profession vétérinaire en France et en Europe. Si elles exercent majoritairement en canine, les femmes sont présentes dans tous les domaines d’activité offerts par leur diplôme, en équine, dans les filières de production et dans le secteur public ou privé. À l’instar de l’attention dont fait l’objet le bien-être animal, les rôles et l’image des vétérinaires dans la société, ainsi qu’auprès des clients – particuliers ou éleveurs – continuent à évoluer.

Si Marie Kapcewitch, première vétérinaire diplômée en France, a été admise à Alfort en 1892 (la deuxième en 1938), la présence des étudiantes dans les écoles vétérinaires est restée faible jusqu’au début des années 1980. Elles représentaient alors 30 % environ des effectifs, ce qui est aujourd’hui visible en observant les tranches d’âge dans la profession selon les genres. Actuellement, avec quelques variations selon les années et les écoles, les étudiantes représentent 75 % environ des promotions (voir encadré). La profession compte, tous secteurs confondus et selon les déclarations volontaires effectuées auprès de la base de données Roy, 8 700 femmes et 10 500 hommes en activité. Cette évolution est commune à d’autres pays européens, comme en témoignent Muriel Surdez pour la Suisse et Julie Hipperson pour le Royaume-Uni (voir interview page 32 et sous-papier page 31).

Instantané de la profession

La répartition des diplômés selon le secteur d’activité est proche, quel que soit le genre : la majorité (80 % environ) exerce en clientèle. Le secteur public attire 11 % des confrères et des consœurs, légèrement devant le secteur privé (laboratoires, etc.).

L’arrivée progressive des femmes dans les écoles après les années 1970 explique les différences statistiques pour la moyenne d’âge et l’âge médian dans la profession selon les genres : toutes activités confondues (en excluant les personnes retraitées), l’âge moyen des hommes est de 48,8 ans, celui des femmes de 41,4 ans. L’âge médian (qui divise la population en deux groupes égaux : la moitié au-dessus, la moitié en dessous) est également révélateur : il est de 50 ans pour les hommes et de 40 ans pour les femmes… Ainsi, deux tiers des femmes qui exercent en clientèle ou qui travaillent dans le secteur privé ont moins de 45 ans. Si des inquiétudes ont été soulevées sur la pérennité du système des retraites face à la hausse des activités à mi-temps ou en salariat, supposées plus recherchées par les jeunes générations, notamment par les femmes, François Courouble, président de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), se montre confiant. En effet, le nombre de nouvelles inscriptions est largement supérieur à celui des départs en retraite (voir encadré).

S’orienter vers une filière…

Une étude menée auprès de 533 étudiants de VetAgro Sup (une centaine par promotion) et d’élèves de classe préparatoire (une trentaine) par Sylvain Dernat et Arnaud Siméone met en évidence une évolution des choix d’orientation durant le cursus1. L’échantillon compte 77,5 % de femmes, et 73,7 % d’élèves sont issus de milieux urbanisés. En classe préparatoire, 30 % des personnes interrogées souhaitent s’orienter vers la faune sauvage et 50 % vers la canine. En première année, les vœux d’orientation entre la canine et la rurale sont proches (autour de 30 %), avec une forte persistance de l’attrait de la faune sauvage, devant la filière équine. L’attirance pour la faune sauvage chute vers 5 % dès la deuxième année. En cinquième année, 55 % des étudiants choisissent la filière canine, 25 % la rurale et 14 % l’équine.

Selon cette étude, le genre n’est pas un facteur qui détermine ces choix, pas plus que l’origine sociale ou démographique, même si un effet “territoire d’exercice” semble exister. La progression dans le cursus (par les enseignements, les stages) homogénéiserait les représentations que les étudiants se font de l’exercice en rurale et influencerait les décisions d’orientation.

… et y exercer

Parmi les consœurs en exercice, l’activité dominante en clientèle est, sans surprise, la canine pure, avec 70 % des déclarations renseignées. 5 % des praticiennes exercent en équine pure. Si l’activité en rurale pure est peu représentée (1 %), à égalité avec l’élevage hors sol, la pratique mixte semble plus attractive, puisqu’elle regroupe 21 % de nos consœurs, dont les deux tiers avec une dominante canine.

50 % environ des praticiennes exercent dans des structures qui comprennent deux ou trois vétérinaires, salariés ou associés. 16 % travaillent seules. De plus en plus de femmes choisissent la voie de l’exercice libéral, comme le montre le rapport d’activité 2013 de la CARPV : 34 % des praticiens libéraux sont des femmes, ce qui représente une augmentation rapide. En effet, elles étaient 25 % en 2007. Dans le secteur public, la classe d’âge des 24-35 ans est la moins représentée (avec 15 % des 995 femmes concernées), peut-être parce que ces professions sont envisagées dans un second temps, après une activité en clientèle. Le secteur privé concerne un nombre plus faible de consœurs, mais semble un peu plus attractif en début de carrière, avec 22 % dans la tranche 24-35 ans, même si la proportion de 36-45 ans est la plus nombreuse.

  • 1 Dernat S., Siméone A. Représentations socioprofessionnelles et choix de la spécialisation : le cas de la filière vétérinaire rurale. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 30-2-2014, mis en ligne le 10 mai 2014. URL : http://ripes.revues.org/832

  • 2 Chiffres issus du rapport sur le fonctionnement administratif et financier de la CARPV en 2013.

LA FÉMINISATION AURA-T-ELLE UN IMPACT SUR LES RETRAITES ?

En 2013, pour la cinquième année de suite, les femmes sont majoritaires dans les nouvelles immatriculations à la CARPV2 : elles représentent 64 % des 489 fraîchement inscrits. Selon François Courouble, président de la CARPV, « même en estimant que 40 à 45 % d’entre elles travaillent à mi-temps, l’ensemble des nouvelles inscriptions équivalent à 350 vétérinaires à temps plein, ce qui compense largement le nombre de départs en retraite ». Dans l’année, 190 praticiens ont en effet pris leur retraite en droits propres, en régime complémentaire. Tous régimes confondus (incluant les retraites progressives, le cumul emploi retraite, etc.), la CARPV a liquidé la pension de 242 vétérinaires.

« Il importe pour le régime complémentaire des vétérinaires que le revenu global sur le moyen et le long termes augmente, car les cotisations sont fondées sur la totalité des bénéfices. Les revenus moyens sont en hausse sur les dix dernières années, même si les situations individuelles sont très variables », précise notre confrère. Les vétérinaires ont gagné 64 000 € en moyenne en 2012 : 73 000 € pour les hommes et 45 300 pour les femmes, soit depuis 2000, une augmentation respectivement de 38 % et de 30 %, au-dessus de l’inflation (20 % environ).

La différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes devrait avoir une influence minime : « Les femmes vétérinaires vivront probablement plus longtemps que les hommes, poursuit François Courouble. Mais, statistiquement, elles auront souvent perdu leur conjoint auparavant, ce qui se traduira par une diminution des pensions de réversion… » En 2013, la durée de service théorique totale de la retraite était ainsi de 31 ans (pour 34 ans de cotisation) en moyenne, avec 19 années en droits propres et 12 en droits dérivés (versement au conjoint du praticien décédé). « Au vu de l’évolution démographique actuelle de la profession vétérinaire, la féminisation ne change rien à la pérennité de notre système de retraite ! », conclut notre confrère. H. R.

VÉTÉRINAIRE, UN MÉTIER D’HOMMES ?

Selon Muriel Surdez, sociologue suisse, il est nécessaire de se demander pourquoi le métier attire moins de candidatures masculines spontanées. En se fondant sur l’importance décroissante de la transmission de l’héritage professionnel, elle a interrogé des fils de vétérinaires helvètes qui se sont orientés vers d’autres métiers que celui de leur père ou de leur mère. Ces entretiens dégagent les pistes suivantes : ces hommes préfèrent s’engager vers des métiers plus faciles dans lesquels ils gagneront davantage. Enfin, ayant déjà “bidouillé” dans le cabinet parental, ils désirent expérimenter d’autres voies et ne pas travailler autant que leurs parents ! « Il s’agit cependant d’une question complexe qui mériterait d’être davantage explorée, en demandant par exemple aux lycéens qui choisissent des carrières scientifiques pourquoi ils élisent telle branche au détriment de telle autre », conclut Muriel Surdez. C. B.

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